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corps, il devrait nous avertir aussi de purifier l’âme ; mais en commençant par l’âme, il n’est pas nécessaire de s’occuper du corps, car la pureté de l’âme entraîne celle du corps. Aussi après avoir commencé par parler de la chair, l’Apôtre Paul a dû parler ensuite de l’esprit. « Achevant notre sanctification, dit-il, purifions-nous « de toute souillure de la chair et de l’esprit. » La chair peut être pure, si elle ne se livre ni à l’adultère, ni à la fornication, ni à rien de semblable ; mais il peut alors y avoir dans l’âme et des passions et des pensées mauvaises ainsi que des volontés corrompues. Il ajoute : « Achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu. » Qui donc purifie le corps sans purifier l’âme ? Celui qui craint les hommes sans craindre Dieu. La crainte de Dieu conduit à la parfaite pureté. Tu n’as point voulu commettre d’adultère parce que tu craignais d’être connu des hommes ; c’est donc la crainte, des hommes qui a mis un frein à ta chair, c’est pour ce motif que tu n’as point voulu t’exposer à ses regards. Si tu crains Dieu aussi, ne fais pas non plus le mal que Dieu peut connaître, et tu achèves ainsi ta sanctification. Attention ! Ah ! dit un tel, si je pouvais arriver à telle personnel Mais non, elle est gardée avec – soin, son mari veille, je n’ai point d’intermédiaire, si je me hasarde je suis, pris. C’est comme purifier le corps ; mais la volonté qu’il nourrit intérieurement empêche la purification de l’âme. Il a craint d’agir extérieurement, parce qu’un homme l’aurait vu, et il ne craint pas d’agir intérieurement quoique Dieu le voie ! Il redoute l’œil.d'un homme et il ne tremble pas sous le regard de Dieu ! Qui donc achève de se sanctifier, sinon celui qui craint le Seigneur ? La crainte des hommes est peut-être capable de préserver le corps de l’impureté ; pour en préserver l’âme il n’y a que la crainte de Dieu. A-t-on l’âme pure ? Point d’inquiétude pour le corps. Si un homme habillé est propre, ses habits ne sont-ils, pas propres aussi ? Que l’habitant du corps soit bon et sain, il n’aura point à redouter la ruine de sa demeure.
10. Qu’est-ce en effet que cette chair ? Nous ne devons point la mépriser. Mais qu’est-elle ? C’est une herbe, mais une herbe qui deviendra de l’or. Ne méprise pas cette herbe qui doit se convertir en or. Celui qui a pu changer l’eau en vin ne peut-il pas changer l’herbe en or et d’un homme faire un ange ? Si de la boue il a fait l’homme, de l’homme il ne fera pas un ange ? Que votre charité se rappelle de quoi l’homme a été tiré, pour peu que nous y réfléchissions vous comprendrez ce que je dis. Oui, avec cette boue Dieu a fait l’homme, et de cet homme il ne ferait pas un ange ? Il le fera tel certainement. De quelques hommes il a fait ses amis, et il n’en fera pas des Anges ? « Je ne vous nommerai plus serviteurs, dit-il, mais amis [1]. » Ils étaient encore chargés de chair, encore mourants, encore plongés dans la misère et la fragilité de cette vie, et il leur dit « Je ne vous nommerai plus serviteurs, mais amis. » Or que donnera-t-il à ses amis ? Ce qu’il manifeste dans sa propre personne après sa résurrection. Ils seront couronnés, pénétrés d’une gloire toute céleste et égaux aux Anges de Dieu[2]. Nulle corruption alors, nulle tentation. On ne nous dira point : « Purifiez-vous de toute souillure de la chair et de l’esprit. » Nous ne travaillerons point et on ne nous promettra point de salaire : nous l’aurons reçu. On ne nous invitera point à gémir : nous bénirons ; de même en effet que la chair mortelle sera changée en corps angélique, ainsi le gémissement deviendra louanges. Ici la pénitence, la tribulation et les pleurs ; là les bénédictions, la joie et l’allégresse. À plus tard donc la joie et non à maintenant. Elle est aujourd’hui seulement en espérance. Tu ne tiens pas encore, mais tu espères tenir et tu t’en réjouis ; tu t’en réjouis parce que Celui qui t’a promis ne saurait te tromper ; parce que Celui qui t’a promis est celui qui possède et qui donne.

  1. Jn. 15, 16
  2. Lc. 20, 36