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ils jamais à annoncer rien de plus grand que ce qu’ils avaient appris de la bouche des femmes ? Mais pourquoi la femme a-t-elle publié cet Évangile ? C’était comme pour châtier la mort. Une femme avait annoncé la mort, puisqu’elle était morte elle-même en donnant la mort ; une autre femme la consola en annonçant la vie. Une femme avait séduit Adam pour le livrer à la mort ; une autre femme annonça que le Christ était ressuscité pour ne plus mourir. C’est ainsi que nous devons ressusciter à notre tour et devenir la sainte montagne de Dieu. Sur cette montagne habite quiconque s’est donné au Seigneur. « Ceux qui se donneront à moi posséderont la terre et habiteront ma sainte montagne », c’est-à-dire ne sortiront pas de l’Église. Travaillons maintenant dans l’Église afin d’avoir ensuite l’Église pour héritage : Aussi bien quand nous y goûterons l’éternelle joie, nous en serons simplement les possesseurs, possesseurs sans travail.
6. Toutefois cherchons ailleurs le sens clair de cette montagne, car il est ici tant soit peu voilé. Où est-il dit, demandera-t-on, que l’Église soit une montagne, que le Christ en soit une et que son corps soit également une montagne ? Daniel le dit avec la plus grande évidence : nul doute là-dessus. Ce prophète eut une vision. A-t-elle besoin de commentaire ? Que votre charité ouvre donc les yeux. Quelques mots demandent peut-être à être expliqués ; nous les expliquerons au nom du Christ et vous les comprendrez.« Je vis, dit Daniel, et voile, qu’une pierre, sans mains, fut détachée de la montagne. » Il ne dit pas que cette pierre n’avait point de mains ; il dit qu’elle fut détachée de la montagne sans le concours d’aucun homme, qu’aucune main d’homme ne travailla à l’extraire de la montagne. Votre charité sait que sans le concours des mains de l’homme on ne tire pas les pierres des montagnes. Celle-ci toutefois fut sans ce moyen extraite de la montagne. Elle vint donc et abattit tous les royaumes de la terre. Voyez-vous ici autre chose que le Christ, dont il est dit : « Tous les royaumes de la terre se prosterneront devant lui[1] ? » C’est lui qui a abattu tous ces royaumes. Un roi superbe ne veut aucun monarque au-dessus de lui ; et tous les rois aujourd’hui reconnaissent au-dessus d’eux la royauté du Christ. Il a donc, pour régner, abattu tous les royaumes de la terre. Et que dit ensuite le prophète ? « Cette pierre grossit et devint une grande montagne qui remplit toute la terre [2]. » Maintenant, je pense, vous reconnaissez le Christ.« Ceux qui se donneront à moi posséderont la terre : » vous connaissez cette terre. « Et ils habiteront ma montagne sainte : » voies connaissez cette montagne. « Ayant donc ces promesses, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit. » Cependant vous désirez savoir peut-être ce que veut dire être détaché sans mains. Ces mots renferment quelque obscurité. Plusieurs parmi vous en comprennent le sens avant que je l’explique. Qu’ils nous permettent pourtant de nous y arrêter un peu dans l’intérêt de ceux qui ne peuvent s’en faire une idée si nous n’en parlons. Que signifie sans mains ? Sans secours humain. Que votre charité remarque aussi, mes frères, que la pierre a été détachée de la montagne et qu’elle est devenue elle-même une montagne. Détachée de la montagne, elle est devenue une montagne mais quelle montagne ? Non pas comme celle d’où elle a été extraite, car il n’a pas été dit de celle-ci qu’elle a grossi et qu’elle a rempli toute la terre. Il y a donc deux montagnes, la première est la Synagogue, l’Église est la seconde ; la première est le peuple juif, la seconde est le peuple chrétien. Or si pour devenir une grande montagne et couvrir toute la terre, le peuple chrétien est la pierre qui s’est détachée de la montagne, c’est que des Juifs est issu Jésus-Christ. Comment est-il dit sans mains ? Parce que s’est sans le concours d’aucun homme ; le Christ étant né d’une vierge, ayant été conçu miraculeusement.
7. Ainsi donc nous connaissons clairement cette montagne. Ne nous la représentons pas comme les autres montagnes, comme le mont Giddaba ou les autres dont on nous parle. Il est en effet des hommes qui entendent tout charnellement ; ils lisent, par exemple : « Il l’exaucera du haut de son ciel saint[3] ;» ou du haut de sa montagne sainte, et il s’agit du Christ ; ils courent aussitôt prier sur une montagne, comme si Dieu y était pour les exaucer. Hommes grossiers, parce qu’ils voient les nuages s’attacher aux flancs des montagnes, ils montent sur ces sommets pour se rapprocher de Dieu ! Veux-tu t’approcher de Dieu dans ta prière ? Abaisse-toi. Et maintenant que nous avons dit : Pour t’élever jusqu’à Dieu, abaisse-toi, ne donne pas non plus à ces paroles

  1. Ps. 50 ; 21, 2
  2. Dan. 2, 34-35
  3. Ps. 19, 7