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la lumière du monde[1] : » la lumière et non la vraie lumière. Pourquoi ? Parce qu’un autre était « la vraie lumière qui illumine tout homme. » Remarquez : Tout homme. S’il parlait de ce soleil, il ne dirait pas Tout homme, car les hommes ne sont pas les seuls qui le voient. Il est vu aussi des troupeaux, des mouches et des plus faibles animaux. Au lieu que pour voir cette autre lumière qui est Dieu, il n’y a que ceux dont il a été dit : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu[2]. »
7. Efforcez-vous, mes frères, de penser à la lumière de la vérité, à la lumière de la sagesse ; considérez comme elle est partout présente à tous ; efforcez-vous de penser à la lumière de la vérité, présente à quiconque s’en occupe. Que veut en effet celui qui s’occupe d’elle ? En voulant vivre dans l’injustice, on pèche, et on abandonne la justice. Mais qu’y perd-elle ? On s’attache à elle : qu’est-ce qu’elle y gagne ? En la quittant on la laisse dans son entier ; on la trouve également dans son entier, lorsqu’on y revient. Qu’est-ce donc que la lumière de la justice ? Se lève-t-elle en Orient pour aller en Occident ? Est-il un autre lieu d’où elle vienne, et va-t-elle dans un autre ? Partout n’est-elle pas présente ? Quand un homme est en Occident et qu’il veut vivre d’après ses lois, ne peut-il la voir et l’étudier ? Si par contre il est en Orient et qu’il veuille aussi la suivre, lui fait-elle défaut ? Elle est là comme ailleurs, elle est présente à quiconque vit avec droiture. C’est d’après sa direction que tous apprennent à vivre dans l’équité. Mais comme les justes la voient en vivant avec probité, les pécheurs ne la voient pas en vivant dans le mal. L’un est sage parce qu’il la voit, et il la voit pour y conformer ses actes, car s’il ne les dirige point d’après cette règle, il se heurte contre l’erreur de l’iniquité. Mais là aussi il pouvait la voir ; elle n’est donc attachée à aucun lieu, elle est partout. Ainsi en est-il, non-seulement de la justice, mais de la sagesse, de la vérité, de la chasteté. Efforcez-vous de contempler une telle lumière. Vous ne le pouvez ? L’œil de votre intelligence est tremblant ? Purifiez-le et il verra. Mais pour se purifier et voir, qu’il croie ; la foi lui méritera d’être purifié. Si donc vous ne pouvez voir encore, prenez patience, guérissez-vous et votre œil pourra fixer.
8. Gardez-vous toutefois de vous représenter dans le siècle à venir ce que vous voyez dans celui-ci. Vous figurer et aimer quelque chose de semblable, ce serait vouloir quitter le monde avec le monde, emporter le monde avec vous. Là ne sera point ce qui est ici. Il y aura une incomparable lumière d’où rayonne ce je ne sais quoi qui se montre à notre intelligence, excite nos transports. Mais si nous recueillons cette bénédiction de la rosée du ciel, nous recueillons aussi l’abondance de la fertilité de la terre. Ainsi a été béni Jacob[3] ; imitons-le et ne vivons point charnellement ; c’est par la vie charnelle que chacun commence ; c’est pourquoi Esaü est appelé l’aîné. Il y a deux Testaments dans l’Écriture, l’ancien et le nouveau. L’ancien contenait des promesses temporelles, mais avec des significations toutes spirituelles. Que votre charité se rende attentive. On fait entrevoir aux Juifs une terre promise ; mais cette terre promise est l’indice de quelque bien spirituel. Si on leur promet Jérusalem, la cité de paix, il y a dans ce nom un sens mystérieux. La circoncision de la chair qui leur est imposée désigne une sorte de circoncision spirituelle. Ils doivent observer un jour entre sept, ce jour signifie le repos d’un ordre plus élevé qui sera sans fin ; car lorsque la Genèse parle des sept jours, elle dit après chacun d’eux : « Il eut un soir[4]; » le septième est le seul dont elle ne dise pas : « Il eut un soir ; » et ce septième jour, qui est sans soir, nous désigne l’éternel repos, qui sera sans fin. On donne aux Juifs des sacrifices charnels, et tout dans l’immolation des victimes vivantes indique les sacrifices spirituels. Aussi ceux d’entre eux qui ont vu quelque chose de grand dans la lettre même de ces institutions, qui n’ont rien cherché pour l’avenir et n’ont pu comprendre dans un sens spirituel ce qui se faisait charnellement, ceux-là sont du parti de l’aîné des deux fils, ils appartiennent à l’ancien Testament.
9. En effet le vieux Testament est la promesse en figure ; le nouveau est aussi la promesse, mais entendue spirituellement. La Jérusalem de la terre appartient au Testament ancien ; mais elle est l’image de la Jérusalem du ciel et du Testament nouveau. La circoncision de la chair est de l’ancien, la circoncision du cœur est du nouveau Testament. D’après l’ancien Testament le peuple secoue le joug égyptien ; il secoue d’après le nouveau, le joug du démon. Les Égyptiens persécuteurs, et Pharaon à leur tête, poursuivent

  1. Mt. 5, 14
  2. Mt. 5, 14
  3. Gen. 27, 28
  4. Gen. 1, 5