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au-dessus desquelles elle s’est élevée ? Quels actes de puissance celles-là ont-elles faits ? Comment celle-ci les a-t-elle surpassées ? Il est des filles perverses, ce sont les hérésies. Pourquoi les appeler filles ? Parce qu’elles aussi sont nées de la femme forte. Pourquoi mauvaises filles ? Parce que, comme elle, elles reçoivent les sacrements sans vivre comme elle. Les hérésies ont les mêmes sacrements que nous, les mêmes Écritures, elles ont notre Amen et notre Alleluia; plusieurs même ont notre symbole et beaucoup notre baptême : voilà pourquoi elles sont filles. Or voulez-vous apprendre ce qu’ailleurs, dans le Cantique des cantiques, il est dit à la femme forte ? « Comme le lis au milieu des épines, ainsi ma bien-aimée s’élève au milieu des filles [1]. » Chose merveilleuse ! Elles reçoivent à la fois le nom d’épines et le nom de filles. Et ces épines font des actes de puissance ? Sans aucun doute. Ne voyez-vous pas, comment, au sein même des hérésies, on prie, on jeûne, on fait l’aumône, on loue le Christ ? Je puis l’affirmer, il y a là de faux prophètes dont il a été dit : « Ils font des signes et des prodiges jusqu’à tromper, s’il en est possible, les élus mêmes. Voilà que je vous l’ai prédit[2]. » Oui les épines font des actes de puissance, et c’est de ces actes que s’entendent ces paroles : « N’avons-nous pas mangé et bu en votre nom, et en votre nom fait beaucoup de prodiges?[3] » – « Mangé et bu ; » ce qui ne signifie pas ici toute espèce de nourriture : vous savez de quelle nourriture ou de quel breuvage il peut être question. « Nous avons aussi fait beaucoup de prodiges. » Beaucoup de filles font des actes de puissance, nous ne tenions pas ; les épines aussi portent des fleurs, mais point de fruits. Quant à cette femme à qui on dit : « Tu les as surpassées et tu t’es élevée au-dessus de toutes », n’est-ce point en donnant et la fleur et le fruit qu’elle s’est ainsi élevée ?
28. Quel fruit porte-t-elle ? Comment s’est-elle élevée ? Je veux le savoir. « Je vous montre, dit l’Apôtre ; une voie, plus élevée. » Comment, plus élevée ? Parce que c’est par là que la femme forte s’est élevée, par là qu’elle a surpassé toutes les filles. « Quand je parlerais les langues des hommes, et des Anges, si je n’ai point la charité, je suis devenu un airain sonnant, ou une cymbale retentissante. » Ainsi le pouvoir de parler ces langues n’est qu’une fleur. « Quand, je connaîtrais tous tes mystères et toutes les sciences ; quanti je saurais toutes les prophéties et que j’aurais toute la foi, au point de transporter des montagnes, (quelle puissance !) si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » Voici encore d’autres œuvres a de puissance qui sont des fleurs et non des fruits : « Quand je distribuerais aux pauvres tout ce que je possède, et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien [4]. » Telle est « la voie élevée » que suit la femme forte : c’est pourquoi il lui a été dit : « beaucoup de filles ont fait des actes de puissance ; » beaucoup ont parlé les langues, connu tous les mystères, fait de nombreux prodiges, chassé les démons, distribué leurs biens aux pauvres, livré leurs corps aux flammes : elles sont au-dessous de toi, parce qu’elles n’avaient pas la charité. « Pour toi, tu les as surpassées et tu t’es élevée au-dessus de toutes », non-seulement par les fleurs, mais aussi par les fruits dont tu étais chargée, enrichie. Vois à son origine cette grappe si chargée énumérant les œuvres de la chair, saint Paul nomme « la fornication, l’impureté, la luxure, le culte des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les contestations, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les hérésies, les envies, les débauches de table, les ivrogneries et autres choses semblables. Je vous le prédis comme je l’ai prédit déjà, continue-t-il, ceux qui se livrent à ces désordres n’obtiendront pas le royaume de Dieu ; » et après avoir énuméré toutes ces épines destinées au feu, « le fruit de l’esprit, dit-il, est la charité. » Or à la charité comme à la source, comme à la racine, il rattache le reste, « la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la foi, la mansuétude, la continence[5]. » Que cette grappe de vertus est belle ! C’est qu’elle est attachée à la charité. « Beaucoup de filles ont fait des actes de puissance, pour toi, tu les a surpassées, tu t’es élevée au-dessus de toutes. »
29. Que leur reste-t-il ?« De fausses grâces et une vaine beauté de femme. » Car, si je n’ai la charité, « je suis un airain sonnant et une cymbale retentissante ; je ne suis rien, je ne profite de rien. » Ainsi ce sont de « fausses grâces : et une vaine beauté de femme. »« La femme sage est en bénédiction. » — La

  1. Cantiq. 2, 2
  2. Mt. 24, 24-25
  3. Lc. 13, 26 ; Matt. 7, 22
  4. 1 Cor. 12, 31 ; 13, 1-3
  5. Gal. 5, 19-23