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mais une vile pierre. « Quand je parlerais les langues des hommes et des Anges, dit donc saint Paul, si je n’ai pas la charité, je suis devenu comme un airain sonnant ou une cymbale retentissante [1]. » Cet homme n’est plus qu’une cymbale, il ne brille plus, il fait un peu le bruit. Négociateurs du royaume des cieux, apprenez à connaître les pierreries ; n’estimez que celles dont cette femme est ornée. Au-dessus de toutes les pierreries, elle fait elle-même l’ornement de sa parure.
4. « Le cœur de son époux se confie en elle. » Il lui donne une pleine confiance et nous apprend à nous y confier nous-mêmes. N’a-t-il pas établi l’autorité de l’Église sur tous les peuples, d’une mer à l’autre et jusqu’aux extrémités de la terre ? Si elle ne devait pas persévérer jusqu’à la fin, elle n’aurait point la confiance de son Époux. Mais « son Époux se confie en elle : » il connaît l’avenir, sa confiance ne peut être trompée. Il n’est pas dit : Le cœur de ses enfants se confie en elle. Petits encore ils pouvaient être abusés ; mais le cœur de son Époux ne saurait être déçu.« Cette femme n’aura pas besoin de dépouilles. » Ce quine signifie point qu’elle n’en cherche pas, mais qu’elle n’en manque pas, qu’elle en a beaucoup. « Elle ne manquera pas de dépouilles. » Répandue partout, partout elle dépouille le monde, elle enlève partout des trophées sur le diable. C’est d’ailleurs ce que lui a promis son Époux, à qui elle dit dans un psaume : « Je tressaille à vos paroles comme celui qui rencontre de riches dépouilles[2]. » Et comment manquerait-elle de dépouilles, quand de tous côtés elle en ravit, elle en arrache, elle en remporte ?
5. « Elle fait constamment à son Époux du bien et non du mal. » C’est pour ce motif, c’est pour faire à son Époux du bien et non du mal que cette femme dépouille les peuples. Toujours elle fait le bien, jamais le mal ; ce n’est pas pour elle, c’est pour son Époux ; car elle veut vivre, non pour elle, mais pour Celui qui est mort pour tous et qui est ressuscité[3]. C’est donc pour son Époux qu’elle fait le bien ; elle fait le bien devant Dieu ; c’est lui qu’elle sert, à lui qu’elle se dévoue ; c’est lui qu’elle aime, à lui qu’elle s’attache à plaire. Elle ne se pare ni pour ses propres yeux, ni pour les regards d’autrui. Elle n’est pas de ceux qui se satisfont, qui cherchent leurs intérêts : « Elle agit pour son Époux », et ceux qui agissent pour eux-mêmes recherchent leurs intérêts, non pas les intérêts de Jésus-Christ [4].
6. « Elle trouve la laine et le lin, et de ses mains en fait d’utiles ouvrages. » Ainsi la parole sainte nous montre cette femme illustre comme une ouvrière en laine et en lin. Mais qu’est-ce que la laine ? qu’est-ce que le lin ? Je vois dans la laine quelque chose de charnel, quelque chose de spi-, rituel dans le lin ; et j’ose fonder cette conjecture sur la disposition de nos vêtements ; les intérieurs sont de lin et les extérieurs de laine. Ce que fait notre corps est apparent, ce que fait notre esprit est secret. Quoiqu’il semble bon, il n’est pas utile de travailler du corps sans travailler de l’esprit ; et c’est paresse de travailler de l’esprit sans travailler du corps. Voici un homme qui tend la main au pauvre pour lui faire l’aumône ; il ne pense pas à Dieu, c’est aux hommes qu’il veut plaire : quel que soit son vêtement, il n’a point le vêtement intérieur que désigne la laine. En voici un autre qui te dit : Il me suffit de servir Dieu, de l’adorer dans ma conscience ; qu’ai-je besoin ou d’aller à l’Église, ou de me mêler visiblement aux Chrétiens ? Cet homme veut porter le lin sans la tunique de laine. La femme forte ne tonnait ni ne conseille une telle conduite. Elle doit sans doute enseigner et faire connaître les choses spirituelles à des hommes charnels ; mais ceux qui l’entendent doivent en même temps s’attacher aux choses spirituelles et ne pas faire charnellement les œuvres charnelles.« Elle a trouvé la laine et le lin et en a fait de ses propres mains d’utiles ouvrages. » Cette laine et ce lin mystérieux sont dans les Écritures ; beaucoup les y trouvent mais ne veulent pas travailler eux-mêmes à les employer utilement. Pour elle, elle trouve et elle travaille. Vous aussi vous trouvez quand vous entendez et vous travaillez quand vous vous appliquez à bien vivre. « Elle a trouvé la laine et le lin et de ses propres « mains elle en a fait d’utiles ouvrages. » Reconnaissez celle à qui l’on a dit : « Étends-toi à droite et à gauche ; car ta race héritera des nations ; n’épargne rien, allonge tes cordages[5]. » Reconnaissez-la : « Elle est comme le vaisseau marchant qui va chercher au loin les richesses. Les richesses de cette femme sont

  1. 1 Cor. 13, 1
  2. Ps. 118, 162
  3. 2 Cor. 5, 15
  4. Phil. 2, 21
  5. Is. 54, 3, 2