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Goliath. » Il en est parmi nous qui ne sont point étrangers à l’Écriture, qui aiment à fréquenter cette divine École, qui n’en haïssent point le maître comme des enfants désespérés, qui dans l’Église prêtent une oreille attentive à la voix des Lecteurs, qui ouvrent leur cœur pour y recevoir les flots de la parole sainte, qui ne s’occupent pas dans ce sanctuaire de soins domestiques, qui ne s’y amusent pas des bruits qui courent, qui n’y viennent pas pour s’entretenir de niaiseries plutôt que pour entendre en commun des vérités salutaires, qui ne se plaisent pas à parler des affaires d’autrui quand ils sont au-dessous de leurs propres affaires ; il en est donc quine viennent pas ici dans ces dispositions et qui y viennent assidûment, ceux-là connaissent le titre du psaume, ils savent qui était ce Goliath. Toutefois, comme il en est d’autres qui maintenant attentifs ne le sont pas toujours autant, ou qui peut-être étouffent habituellement dans leurs cœurs, sous les épines, c’est-à-dire sous les soucis du siècle, la féconde semence de la parole, rappelons ce qui est si ancien et si connu des esprits appliqués à l’étude des lettres sacrées.
3. Goliath était l’un des Philistins, c’est-à-dire des étrangers qui guerroyaient alors contre les enfants d’Israël. Et David, l’auteur de ces Psaumes, ou plutôt l’instrument dont s’est servi l’Esprit-Saint pour nous les donner, était au même temps un enfant tout jeune, ayant à peine touché l’adolescence, et occupé à paître les brebis de son père. Ses frères plus âgés que lui étaient sous les drapeaux et servaient dans l’armée du Roi. Envoyé par ses parents, il leur apporta des provisions ; et s’il se trouvait alors dans le camp, ce n’était pas comme soldat, c’était comme frère et serviteur de quelques soldats. Or Goliath, dont il est ici question, était d’une taille gigantesque, couvert d’une forte armure, d’une vigueur exercée, plein de jactance, et dans son orgueil il provoquait à un combat singulier le peuple ennemi. Il demandait qu’un homme choisi dans les rangs des Israélites s’avançât contre lui, que la décision de la guerre fût confiée, sous les yeux de tous, aux mains des deux combattants, à la condition expresse que la victoire serait attribuée au parti de celui d’entre eux qui aurait vaincu. Le Roi du peuple juif ou des enfants d’Israël était alors Saül. Embarrassé, inquiet, il cherchait dans toute son armée un homme qui pût répondre à Goliath : nul n’en était capable – ni sons le rapport de la taille, ni sous le rapport de l’audace. Quand donc il était livré à ces soucis, le jeune David osa se présenter pour marcher contre le géant : ce saint jeune homme ne mettait point sa confiance dans ses propres forces, mais dans le nom de son Dieu. Frappé de cette religieuse assurance plutôt que de la hardiesse de l’enfant, on parla au Roi de son dessein. Le prince ne refusa pas son consentement : il voyait dans l’intrépidité de cet enfant quelque chose de divin et il comprit qu’à un âge si tendre il était impossible de concevoir untel projet sans une divine inspiration. Il accueillit donc David avec joie et celui-ci s’avança contre Goliath.
4. Dans le parti de David on n’avait confiance qu’en Dieu ; tout l’espoir du parti contraire reposait sur la force d’un seul homme. Mais qu’est-ce que l’homme ? N’est-il pas vrai, comme David même l’a chanté dans ce psaume, qu’ « il est semblable au néant et que ses jours passent comme l’ombre ? » Ainsi l’espérance des ennemis était vaine, puisqu’elle ne reposait que sur une ombre qui passe. On arma David ; on voulait qu’inférieur en âge et en force à son adversaire, il fut sous ce rapport en quelque sorte son égal. Mais ces armes destinées à l’âge mûr ne lui allaient pas, elles étaient plutôt un poids pour son jeune âge. C’est à quoi se rapporte le sens de ce que nous avons lu dans l’Apôtre avant de chanter le psaume : « Dépouillez-vous du vieil homme et revêtez-vous de l’homme nouveau[1]. » David ne voulut point de cette vieille armure, il la rejeta, il dit qu’elle était trop lourde, car elle l’embarrassait et il voulait aller tout dégagé au combat, appuyé non sur lui-même mais sur le Seigneur, et plutôt armé de la foi que de l’épée.
5. Néanmoins après avoir déposé son armure, il choisit un autre moyen de combattre et ce ne fut pas sans mystère. Ne voyez-vous pas qu’il y a ici comme deux vies en conflit, la vie ancienne parmi les Philistins, la vie nouvelle parmi les Israélites ; d’un côté l’armée du diable, de l’autre la figure de Jésus-Christ Notre-Seigneur ? David prit, donc cinq pierres dans le torrent, dans le fleuve ; il les mit dans la panetière où on recueille le lait. Ainsi équipé il s’avança[2]. Les cinq pierres représentaient la loi contenue dans les cinq livres de Moïse. Or il y a dans la loi dix préceptes salutaires auxquels se rapportent tous les autres. Ainsi la loi est figurée par deux nombres, le nombre cinq et le nombre dix :

  1. Col. 3, 9-10
  2. 1 Sa. XVII