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membres ne deviennent pas des instruments d’iniquité, l’iniquité est en eux, elle est dans les inclinations mauvaises, mais elle ne règne pas. Comment pourrait-elle régner sans instruments de règne ? Une partie de toi-même, ta chair, la concupiscence de ta chair, se révolte contre toi dans sa mollesse. Cette mollesse est un tyran ; si tu veux en être vainqueur, implore la légitime puissance du Christ.

7. Je sais ce que tu allais me dire, ce que peut-être tu dis maintenant en toi-même. Qui que tu sois, qui m’écoutes, je sais ce que l’iniquité te dit intérieurement ; car tu es encore sous son joug, quand ta ne reconnais pas la grâce du Rédempteur : je sais donc que tu te dis ceci : La chair convoite en moi contre l’esprit, je l’avoue, elle convoite l’adultère ; mais je n’y consens pas, je ne l’accepte pas, je ne l’accorde pas ; non-seulement je m’abstiens, mais je ne consens pas de le faire ; non-seulement je ne l’accomplis pas au-dehors dans mes membres, mais dans mon esprit je n’acquiesce pas aux, mouvements de ma chair rebelle. Moi céder à ses convoitises, me soumettre à ses résistances ! Non. Ainsi je ne suis point dominé par l’iniquité. C’est vrai, c’est incontestable. – S’il en est ainsi, rends grâces à qui tu dois cette faveur. Ne te l’arroge pas ; tu pourrais la perdre et la demander vainement ensuite. Ne crains-tu pas cet oracle : « Dieu résiste aux superbes, tandis qu’il donne sa grâce aux humbles [1] ? »

8. C’est à toi que tu es redevable de n’être dominé par aucune iniquité ? Si cette présomption est fondée, il nous est donc inutile de demander à Dieu : « Ne souffrez pas que je sois dominé par aucune injustice ? » As-tu, oui ou non, chanté aujourd’hui ces paroles ? Étais-tu ici quand nous disions tous : « Dirigez mes pas selon votre parole, et ne souffrez pas que je sois dominé par aucune injustice ? » Tu étais ici, tu as chanté cela, tu ne le nieras point sans doute. Ainsi tu as chanté avec le peuple de Dieu, et tu as prié Dieu en ces termes : « Dirigez mes pas selon votre parole, et ne souffrez pas que je sois dominé par aucune injustice. » Si tu l’accordais cette grâce, pourquoi la demandais-tu avec moi ? J’en ai la, preuve, tu pries, tu implores, tu prends de la peine ; donc écoutons ensemble Celui qui dit : « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine. » Écoutons-le et venons. Qu’est-ce à dire : Venons ? Avançons parla foi, approchons par l’action de grâces, arrivons par l’espérance. Venons à Celui qui dit : « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine. » Tu prends de la peine, j’en prends aussi ; écoutons-le donc, allons à lui ; pourquoi disputer entre nous ? Écoutons-le tous deux, puisque tous deux nous prenons de la peine ; pourquoi disputer entre nous ? Est-ce pour n’entendre pas le Médecin qui nous appelle ? Quelle infirmité déplorable ! Le médecin appelle le malade et le malade s’occupe à disputer ? Que dit-il en appelant ? « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine. » Où prenez-vous de la peine, sinon sous les fardeaux de vos péchés, sous le joug de l’iniquité qui vous tyrannise ? « Venez » donc « à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Moi qui vous ai faits, je vous referai ; je vous referai, attendu que sans moi vous ne pouvez rien faire[2].

9. Comment vous referai-je ? « Prenez mon « joug sur vous, et apprenez de moi. » – Qu’apprendrons-nous de vous ? Nous connaissons, Seigneur, que dès le commencement vous êtes le Verbe, le Verbe Dieu, le Verbe en Dieu ; nous savons que tout a été fait par vous, ce que nous voyons et ce que nous ne voyons pas. Que nous apprendrez-vous ? Disciples de l’ouvrier, du Créateur du monde, nous n’avons pas à faire un monde nouveau. Vous en avez formé un, vous avez établi le ciel et la terre, vous les avez ornés des créatures qui les peuplent et qui les embellissent. Qu’apprendrons-nous de vous ? – Le voici répond-il : Lorsqu’au commencement j’étais Dieu en Dieu, je vous ai créés ; ce n’est pas ce que vous devez apprendre de moi ; mais pour ne pas laisser périr mon œuvre, je suis devenu ce que j’ai fait. Comment suis-je devenu ce que j’ai fait ? « Il s’est anéanti lui-même, prenant la nature d’esclave ; devenu semblable aux hommes, et reconnu pour homme par les dehors ; il s’est humilié lui-même. » Voilà ce que vous devez apprendre de moi : « Il s’est humilié lui-même. Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[3]. » Si je vous l’enseigne, ce n’est point que jamais vous ayez eu la nature de Dieu ni estimé que sans usurpation vous étiez égaux à Dieu. Cette égalité de nature n’appartenait qu’à un seul ; à Celui-là seul qui la possédait par essence il était permis de la revendiquer sans usurpation. Il est né du Père égal au Père ; et néanmoins qu’a-t-il fait pour toi ? « Il s’est

  1. Jac. 4, 8
  2. Jn. 15, 5
  3. Mat. 11, 29