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On te l’a dit, que cela te suffise. « Ses voies sont impénétrables. Car, qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseiller ? Ou qui, le premier, lui a donné, et sera rétribué ? » Qui lui a donné le premier, après avoir tant reçu de lui gratuitement ? « Qui lui a donné le premier, et sera rétribué ? » Si le Seigneur voulait rétribuer, il ne rendrait à chacun que la peine méritée par chacun. Ces enfants ne lui ont rien donné dont il pût les récompenser. Il les sauvera gratuitement [1]. « Qui lui a donné le premier », en méritant ? « Qui lui a donné le premier ? » Qui a prévenu sa grâce, essentiellement gratuite ? Car si des mérites l’ont précédée, elle n’est plus un don gratuit, mais l’acquit d’une dette ; et si elle n’est point un don gratuit, pourquoi l’appeler grâce ? « Qui » donc « lui a donné le premier, et sera rétribué ? Puisque c’est de lui et par lui et en lui que sont toutes choses[2]. » Qu’est-ce à dire, toutes choses ? N’est-ce pas tous les biens que nous avons reçus de lui, et que nous en avons reçus pour être bons ? Car « tout bienfait excellent et tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des lumières, en qui il n’y a point de changement », comme en toi qui t’es perverti ; « en qui il n’y a point de changement ; » car il vient te guérir ; en qui il n’y a pas non plus « l’ombre de vicissitude[3] », comme en toi, plongé dans les ténèbres. De lui donc sont toutes choses ; personne ne lui a donné d’abord ; personne ne lui peut rien réclamer. « C’est la grâce qui vous a sauvés par la foi, et cela ne vient pas de vous, car c’est un don de Dieu[4]. »
15. Je souffre toutefois, dis-tu, de voir périr l’un et baptiser l’autre : j’en souffre, j’en souffre comme homme. À vrai dire, j’en souffre aussi comme homme. Mais si l’un et l’autre nous sommes hommes, écoutons l’un et l’autre celui qui crie : « O homme. » Oui, si nous souffrons, parce que nous sommes hommes, observons que c’est à la nature humaine, malade et affaiblie, que l’Apôtre s’adresse quand il dit : « O homme qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase dit-il au potier : Pourquoi m’as-tu fait ainsi [5][6] ? » Si le bétail pouvait parler et dire à Dieu : Pourquoi as-tu fait cet homme, tandis que tu m’as fait bétail ? ne le blâmerais-tu pas, avec raison, et ne lui répondrais-tu pas : O bétail, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Tu es un homme, toi ; mais près de Dieu tu n’es qu’un bétail ; puisses-tu même être le bétail de Dieu et une brebis de ses pâturages. Reconnais la bonté de ton pasteur, et tu ne suivras point dans l’erreur les loups ravissants. Ne leur ressemblons-nous point ? « Nous étions aussi par nature enfants de colère comme les autres[7] ; » mais une brebis a été immolée, qui a fait de nous des brebis. « C’est l’Agneau de Dieu, c’est celui qui efface le péché » non de celui-ci ou de celui-là ; « mais du monde. » Ainsi donc, mes frères, si nous sommes quelque chose et quoi que nous soyons dans la foi de Jésus-Christ, ne nous en attribuons rien, ce serait nous exposer à perdre ce que nous avons reçu. Rendons-lui plutôt gloire et honneur de ce que nous avons reçu, qu’il daigne arroser ce qu’il a semé. Que produirait notre terre s’il ne l’avait ensemencée ? Il verse encore la pluie sur elle, il ne l’abandonne point après l’avoir semée. « Le Seigneur répandra sa bénédiction, et notre terre produira son fruit[8]. Tournons-nous avec un cœur pur vers le Seigneur, etc.[9]. »

  1. Ps. 55, 8
  2. Rom. 11, 33-36
  3. Jac. 1, 17
  4. Eph. 2, 8
  5. Rom. 9, 20
  6. Eph. 2, 3
  7. Jn. 1, 29
  8. Ps. 85, 13
  9. serm. 1.