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montrions aussi si par nos actes nous faisons ce qui nous concerne. Nous vous avons éprouvés ; éprouvez à votre tour si après avoir entendu ces témoignages de votre cœur et de votre zèle nous sommes négligents à accomplir ce que nous devons. Dieu nous préserve d’être trouvés mauvais quand vous vous montrez bons ! Vous et nous ; nous avons une même volonté d’agir sur ce qui fait le sujet de vos acclamations ; mais le mode d’action ne saurait être le même. Nous croyons donc, mes très-chers, que vous devez être sûrs de notre volonté et attendre de nous la manière d’accomplir la vôtre. Pour éviter toute lutte entre eux, tous les membres du corps de Jésus-Christ doivent accomplir leurs fonctions respectives. Que l’œil placé au sommet fasse ce qui concerne l’œil ; l’oreille, ce qui concerne l’oreille ; que la main fasse ce qui a rapport à la main et le pied, ce qui a rapport au pied ; afin qu’il n’y ait point de scission dans le corps et que tous les membres aient les mêmes soins les uns pour les autres [1]. Aussi nous vous félicitons et nous applaudissons à votre charité d’avoir obéi à ce que vous a commandé ce matin notre vénérable Seigneur et collègue, votre saint évêque. Observez ce qu’il vous a recommandé, et pour ne pas tomber, ne vous écartez point de cette voie. Car si vous suivez ses ordres, Dieu vous aidera puissamment à accomplir ce que vous désirez. J’avais commencé à le dire : qu’est-ce en effet que l’homme et qu’est-ce que la vie humaine, sinon, comme il est écrit, « une vapeur qui paraît pour un peu de temps ?[2] » Songez donc, mes frères, à votre fragilité, à votre bassesse, à votre condition charnelle, aux rapides changements qui se font dans ce monde, et reconnaissez que pour être heureux vous devez placer toutes vos espérances uniquement en Celui dans le sein duquel elles peuvent être en sûreté. Mais comment placer en lui nos espérances, si nous n’obéissons à ses préceptes ?
6. Vous disons-nous de ne pas vouloir ce que vous voulez ? Ne rendons-nous pas grâces, au contraire, de ce que vous voulez ce que Dieu demande ? Dieu veut en effet, Dieu ordonne que l’on fasse disparaître toutes les superstitions des païens et des gentils : il a prédit qu’elles disparaîtraient, il a commencé à accomplir cet oracle et il l’a déjà fait en grande partie dans beaucoup de lieux. Si nous voulions qu’on commençât par cette ville à chercher à abolir les superstitions du diable ; l’entreprise serait ardue peut-être et toutefois on ne devrait pas désespérer du succès. Mais il est des lieux où sans avoir été excité par aucun exemple on a commencé à accomplir sérieusement cette destruction salutaire : ne sommes-nous donc pas autorisés à croire qu’en présence de ce qui s’est fait ailleurs on pourra agir ici plus complètement encore, au nom du Seigneur et avec le secours de sa main ? Vous venez de crier : Carthage doit ressembler à Rome ! Quoi ! la capitale de la gentilité a commencé et les autres villes ne l’imiteront pas ? Examinez, mes frères, lisez les livres des païens, apprenez de ceux d’entre eux qui conservent encore quelque attachement à cette malheureuse idolâtrie, parcourez ou écoutez leurs écrits ; vous reconnaîtrez que ces idoles, comme les autres, s’appellent les dieux romains. Oui, ces dieux se nomment les dieux romains. Quand la fureur mugissante des païens forçait les Chrétiens à adorer ces dieux, quand les Chrétiens refusaient et répandaient leur sang sous le poids, des tortures ; toute la faute reprochée à ces martyrs, dont le sang coulait, était de ne vouloir pas adorer les dieux romains, de mépriser le culte des dieux romains, de ne pas implorer les dieux romains, et il n’y avait ni attaque ni cruauté qui ne s’accomplit au nom des dieux romains. Comment donc ! Les dieux romains sont anéantis à Rome, et ils sont encore ici ? Faites-y attention, mes frères, appliquez-vous à ce que je viens de dire : Les dieux romains, les dieux romains, les dieux romains ne sont plus à Rome et ils sont encore ici ! S’ils pouvaient marcher, ils vous diraient qu’ils ont fui cette ville pour venir ici. Mais ils n’ont pas fui, ils sont encore à Rome. Celui qu’autrefois on nommait le dieu Hercule n’y est plus. Ici au contraire, il a voulu avoir une barbe d’or. Je me trompe en disant Il a voulu. Que peut vouloir une pierre insensible ? Il n’a donc rien voulu, il n’a rien pu, Seulement ceux qui voulaient le faire dorer ont rougi de le voir sans barbe ; et ils ont suggéré je ne sais quoi au juge nouvellement arrivé [3]. Qu’a fait celui-ci ? Il n’a pas voulu qu’un chrétien honorât une pierre, il a voulu au contraire qu’il ne s’occupât de cette vaine statue que pour

  1. Cor. 12, 25
  2. Jac. 4, 15
  3. En comparant diverses expressions de ce discours on serait porté à croire que les païens profitant de l’arrivée d’un nouveau proconsul lui auraient demandé de faire redorer la barbe d’Hercule et que le proconsul au contraire l’aurait fait couper. On sait qu’Hercule était spécialement honoré en Afrique et qu’en son honneur furent égorgés les soixante martyrs de Suffec. Voir la Lett. Le. de S. Aug, tom. II. p. 49.