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es poussière [1] », tant est éloigné de ressembler à Dieu l’homme qu’il a créé à son image ? Cette ressemblance est si différente de l’original, qu’on ne peut établir de comparaison. Et le cœur d’un homme, le cœur d’un chrétien qui ne peut dire : l’homme est Dieu ; aime à lire : au dieu Hercule ! Sans doute l’inscription ne parle pas ; mais on lit : au dieu Hercule. À qui s’adresse ce titre ? Qu’il nous l’apprenne celui à qui il est décerné. Mais le personnage est aussi muet, aussi insensé que son titre ; il y a ici plus qu’un mensonge et moins que de la boue. Ce titre accuse la main qui l’a écrit, il confond l’adorateur de la statue ; il ne fait pas que la pierre soit Dieu, il montre que l’homme est fou ; en donnant à de la boue le nom même de Dieu, il efface du livre des vivants celui qui adore ce, Dieu prétendu. Quel sentiment a-t-il, si faible que ce soit ?
4. Néanmoins, comme Dieu peut de ces pierres mêmes susciter des enfants d’Abraham, qu’il daigne considérer ici ce qu’il a fait dans l’homme. Oui, que ce Dieu à qui nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » considère dans l’homme ce que lui-même y a fait, et qu’il y efface ce que l’homme a fait contre son Créateur. Qu’il frappe et qu’il guérisse, qu’il perde et ressuscite. Car après lui avoir dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » on a eu raison d’ajouter : « Ne demeurez ni d’ans votre silence ni dans votre douceur. » Quoi ! mes frères, n’est-ce pas provoquer la colère de Dieu dans ce psaume, que de lui dire : « Ne gardez ni votre silence, ni votre douceur ? » On s’adresse ici soit au Père qui a envoyé, soit au Fils qui est venu et qui a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[2]. Ainsi le Christ, Fils de Dieu, est doux et humble de cœur. Comment donc ? Il a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; » et nous avons osé lui dire : « Ne demeurez ni dans votre silence ni dans votre douceur ? » Ne pourrait-il nous répondre : O homme ! ne te suffit-il pas de n’apprendre point de moi à être doux, veux-tu m’apprendre à ne l’être pas moi-même ? Voyez, mes frères, soyez attentifs, aidez-nous, aidez-nous par des vœux pieux et une chaste prière, à sortir par la grâce de Dieu, de cette difficulté. Les divins oracles semblent contradictoires ; ils paraissent faire entendre le contraire et nous avons besoin du don d’intelligence, du secours de Celui à qui nous avons dit « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Nous avons besoin de recevoir l’accomplissement de cette divine promesse : « Je te donnerai l’intelligence [3]. » Nous connaissons cette parole « Je vous donne ma paix ?[4] » Le Christ ordonne aux chrétiens d’avoir la paix entre eux, comment l’auront-ils ? Comment accueilleront-ils cet ordre, si les divins oracles ne peuvent s’accorder eux-mêmes ? Attention ! comprenez ce que signifient ces mots qui semblent contraires. Que signifient : « Venez à moi », et : « apprenez de moi ? » D’abord, quel est celui qui parle ainsi ? Ensuite, à qui s’adresse-t-il ? Enfin, à quoi invite-il ? Apprends d’abord quel est celui qui invite. « Mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, je vous rends grâces parce que vous, avez caché ces choses aux sages et ; aux prudents, et que vous les avez révélées aux petits. Oui, mon Père, parce qu’il vous a plu ainsi. Toutes choses m’ont été données par mon Père. » Voilà Celui qui invite. « Toutes choses m’ont été données par mon Père. Car nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils voudra le révéler[5]. »
Quelle immense grandeur ! quelle profondeur ineffable ! « Toutes choses m’ont été données par mon Père. » Seul je le connais et je ne suis connu que de lui. Et nous ? il nous laisse là ? Nous ne le connaissons pas ? Que devient donc cette parole : « Et celui à qui le Fils voudra le révéler ? »
5. Votre cœur et la vivacité de votre foi, l’ardeur de votre charité et la chaleur de votre zèle pour la maison de Dieu se sont manifestés par vos chants, témoins fidèles des sentiments de votre âme. Souffrez que, profitant de votre bonne volonté, les quelques serviteurs de Dieu qui vous gouvernent laissent aussi connaître leur dévouement à sa cause. Dieu lui-même l’a dit, mes frères, vous êtes son peuple et les brebis de ses pâturages[6]. Mais vous avez en son nom des pasteurs, serviteurs aussi et membres du divin Pasteur. Les dispositions du peuple et sa volonté d’agir peuvent se manifester par ces chants ; mais le soin que vous doivent vos guides ne peut se révéler ainsi, il leur faut des actions. Ainsi donc, mes frères, puisque vous avez fait ce qui vous regarde par vos acclamations pieuses ; permettez que nous vous

  1. Ps. 102, 14
  2. Mt. 11, 29
  3. Ps. 31, 8
  4. Jn. 14, 17
  5. Mt. 11, 25-28
  6. Ps. 94, 7