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posséder. Grâces à lui, dont l’amour ne bannit pas la crainte et dont la crainte n’empêche pas l’amour. C’est lui que nous bénissons, c’est lui que nous honorons en nos cœurs au lieu de nous honorer nous-mêmes. « Car le temple de Dieu est saint, et ce temple c’est vous. [1] » Voyez maintenant combien ce Dieu est vivant, puisque les pierres de son temple sont tellement animées. Considérez, mes frères, ce que vous dites et à qui vous parlez en disant : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Ce sont des pierres vivantes de l’édifice qui disent à celui qui l’habite : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Représentez-vous toutes les créatures, la terre et tout ce qu’elle renferme, la mer et tout ce qu’elle contient, l’air et tout ce qui vit dans l’air, le ciel et tout ce qui est au ciel. Dieu « a dit et tout cela a été fait ; il a commandé et tout a été créé.[2] » « Qui » donc, Seigneur, est « semblable à vous ? »
Que tout cœur répète, que toute langue docile proclame, que toute pieuse conscience publie avec sécurité : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Car on s’adresse à Celui dont on n’a point à rougir ; cette louange est digne de lui, elle convient aux pierres vivantes.
2. Quant aux pierres mortes, puissent-elles être sensibles à la compassion des pierres vivantes ! J’appelle mortes, non pas celles qui composent ces édifices, non pas celles que taille le fer de l’ouvrier, ni celles que sculpte le ciseau pour en faire des dieux, ou plutôt pour leur donner ce nom : telles ne sont point les pierres dont je parle. Je nomme pierres mortes les hommes auxquels ressemblent ces dieux. Il est des pierres vivantes, c’est à elles que s’adresse en ces termes l’Apôtre Pierre : « Pour vous, mes frères, soyez posés sur lui comme pierres vivantes, pour former le saint temple de Dieu[3]. » Je dis donc, mes frères : Puissent les pierres mortes être sensibles à la compassion des pierres vivantes ! Eh ! que cherchons-nous ? après quoi courons-nous tantôt avec angoisse et tantôt avec dilatation de cœur ? Quel est le but tous nos soins et de toute notre ardeur, sinon de séparer une pierre d’une autre pierre ? Les pierres vivantes ont des yeux et elles voient, des oreilles et elles entendent, des mains et elles travaillent, des pieds et elles marchent, car elles connaissent leur architecte ; tandis que les pierres mortes croient que leurs pierres sont des dieux ; ce sont ces dieux qu’elles contemplent, qu’elles adorent ostensiblement ; elles leur offrent des sacrifices et deviennent elles-mêmes les sacrifices du diable. En effet, ires frères, si elles avaient des yeux pourvoir et des oreilles pour entendre, leur serait-il difficile de reconnaître l’accomplissement des prophéties du. Christ ? Ne pourraient-elles pas comprendre nos livres si vrais et nos oracles si sûrs ? Mais pourquoi ne voient-elles pas ? Pourquoi n’entendent-elles pas ? Parce que la prophétie dit d’elles aussi : « Qu’ils deviennent semblables aux idoles ceux qui les font et ceux qui se confient en elles [4]. » Faut-il donc désespérer de ces malheureux ? Loin de là. Et qu’espérer de pierres inanimées ? Qu’espérer ? N’est-ce pas, comme il est écrit, que « Dieu peut de ces pierres susciter des enfants d’Abraham[5] ? »
3. Ainsi, mes très-chers, vous savez à quel Dieu nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » C’est à Celui dont nous n’avons pas à rougir, dont nous ne lisons pas les titres sur la pierre, car nous les portons dans nos cœurs ; dont le nom connu de tous, vit dans.les âmes fidèles, habite dans les cœurs soumis et lutte contre les superbes. Nous connaissons Celui à qui nous avons dit : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Par conséquent, que jamais les hommes ne parviennent à nous inspirer la haine d’eux-mêmes : mais haïssons le mal qu’a fait l’homme dans l’homme même, le chef-d’œuvre de Dieu. Je cherche le Créateur de celui qui porte le nom d’homme ; ce Créateur est Dieu. Dieu n’est-il créateur que de l’homme ? N’a-t-il pas créé aussi les troupeaux et les poissons, les oiseaux et les anges, le ciel et la terre, les étoiles, la lune et le soleil, tout ce qui est créé, tout ce qui est réglé au-dessus et au-dessous de nous, les êtres les plus infimes et les êtres les plus élevés, tout ce qui est contenu par le lien de l’unité ; n’est-ce pas Dieu qui a formé tout, cela ? Il est vrai, il a fait l’homme à son image et à sa ressemblance[6]. L’homme est donc une ressemblance : mais quelle ressemblance en face de la réalité ? Qu’est-ce que l’homme devant Dieu ? Qu’est-ce que l’homme, sans votre souvenir, Seigneur[7] ? Disons donc devant l’image et la ressemblance qu’il a produite, disons donc à notre Dieu : « Seigneur, qui est semblable à vous ? » Le prophète a dit encore : « Souviens-toi que tu

  1. 1 Cor. 3, 17
  2. Ps. 148, 5
  3. 1 Pi. 2, 5
  4. Ps. 113, 6
  5. Mt. 3, 9
  6. Gen. 1, 26-27
  7. Ps. 8, 6