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est écrit au livre de la Sagesse. « Ils diront en eux-mêmes, faisant pénitence et gémissant dans l’angoisse de leur âme. Que nous a servi l’orgueil ? Que nous a procuré l’ostentation des richesses ? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre [1]. » Il y aura donc là une pénitence, mais infructueuse ; il y aura une pénitence, mais douloureuse sans guérir l’âme. La pénitence aujourd’hui est utile, parce que nous nous corrigeons librement. Repens-toi à la voix de l’Écriture : quand le juge sera présent et fera entendre sa voix, ton repentir sera stérile. Il va bientôt prononcer la sentence et tu n’auras alors aucune observation à élever. Car il ne s’est point tu avant de rendre son arrêt, et s’il t’a ajourné, c’était pour t’inviter à te corriger. Quand le larron était suspendu à la croix, ne lui-a-t-il pas permis de changer ? Crucifié avec le Seigneur, le larron crut au Christ[2], au moment même où chancelait là foi de ses disciples. Quand il ressuscitait des morts, les Juifs le méprisèrent ; ce larron ne le méprisa point quoiqu’il fût attaché avec lui à la croix. On ne pourra donc plus dire au Seigneur : Vous ne m’avez pas accordé de bien vivre ; ni : Vous ne m’avez donné aucun délai pour me corriger ; ni enfin : Vous ne m’avez pas montré ce que je devais désirer, ce que je devais éviter. Reconnaissez qu’il ne se tait pas, reconnaissez qu’il donne des délais, reconnaissez qu’il attire, exhorte, menace. Il a donné à sa parole une chaire élevée ; de là on la lit dans tout l’univers au genre humain tout entier. Personne ne peut plus dire : J’ignorais, je n’ai pas entendu. On voit l’accomplissement de ce qui est dit dans un psaume : « Nul ne se dérobe à sa chaleur[3]. » Cette chaleur divine est maintenant dans la divine parole : qu’elle t’échauffe au plus tôt, et tu ne fondras pas comme la cire devant le feu qu’il allumera.
4. Les impies en rient aujourd’hui, les moqueurs s’en moquent, on traite de fable ce que nous chantons : cependant tout s’accomplira un jour, oui, mes frères, tout un jour s’accomplira. Si tant d’autres prédictions ne s’étaient point exécutées, nous devrions désespérer de voir jamais le jugement : mais si nous sommes témoins aujourd’hui, si les yeux même des aveugles sont frappés de l’accomplissement des prophéties a qui regardaient l’Église à venir, pourquoi douter que les autres s’accomplissent également ? Quand on disait que l’Église du Christ se répandrait dans toute la terre, il y en avait peu pour le dire et beaucoup pour en rire. C’est fait aujourd’hui, après avoir été annoncé si longtemps d’avance : l’Église est en effet répandue par toute la terre. Il y a plusieurs milliers d’années, on promettait à Abraham que toutes les nations seraient bénies en sa race [4]. Le Christ est né de la race d’Abraham et dès maintenant toutes les nations sont bénies dans le Christ. Il a été prédit qu’on verrait des schismes et des hérésies : nous en voyons. Des persécutions ont été prédites : les rois adorateurs des idoles n’en ont-ils point ordonné ? En faveur des idoles et en haine du nom chrétien, la terre a été remplie de martyrs ; leur sang a été répandu comme une semence et la moisson a poussé dans l’Église. L’Église ainsi n’a pas prié inutilement pour ses ennemis : les persécuteurs mêmes sont devenus croyants. Il a été prédit aussi que les idoles seraient renversées au nom du Christ : nous trouvons dans l’Écriture cet oracle avec les autres. Les chrétiens, il y a seulement quelques années, lisaient cette prophétie sans l’avoir réalisée ; en mourant ils en attendaient encore l’accomplissement et ne le voyaient pas : néanmoins comme ils étaient sûrs qu’il aurait lieu, ils parurent avec cette ferme croyance devant le Seigneur. Ce qu’ils ne voyaient point se voit maintenant. Comment ? Nous sommes témoins de tout ce qui a été annoncé sur l’Église, et le seul jour du jugement n’arriverait jamais ? C’est la seule prophétie qui reste, et seule elle ne se réaliserait point ? Nous voyons, en lisant les Écritures, que tout ce qui est écrit s’est exécuté à la lettre avons-nous le cœur assez dur et assez insensible pour désespérer de ce qui reste ? Et qu’est-ce que ce reste, comparé à ce qui est sous nos yeux ? Dieu s’est montré fidèle entant de choses, et il nous tromperait pour si peu ? Ainsi le jugement viendra rendre, selon les mérites, le bien aux bons et le mal aux méchants. Soyons bons et attendons le Juge avec confiance.
5. Maintenant surtout, mes frères, écoutez-moi. Je ne veux plus revenir avec toi sur le passé : à dater de ce jour change, et que demain te trouve tout autre. Nous voulons, dans notre perversité, que Dieu soit miséricordieux sans être juste. D’autres encore, comme s’ils étaient pleins de confiance en leur justice, veulent que Dieu soit juste et non miséricordieux. Dieu est l’un et l’autre, il se montre l’un et l’autre. Sa miséricorde n’empiète pas sur sa justice et sa justice ne détruit point

  1. Sag. 5, 3, 8,9
  2. Lc. 23, 40, 43
  3. Ps. 18, 7
  4. Gen. 22, 18