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mais je n’ai pas perdu Celui qui m’a tout donné. J’ai perdu ses dons, je ne l’ai pas perdu ; je suis toujours à lui ; il est ma joie, il est mes richesses. Et pourquoi ce langage ? Parce que Job n’est point renversé, il n’a point la tête, en bas, il ne s’est point détourné de Celui qui est au-dessus pour porter son amour à ce qui est au-dessous. Car en cela consiste le renversement, le mauvais usage de la créature.
10. Pourquoi accuser Celui qui t’a donné l’or, quand tu devrais t’accuser toi-même d’aimer l’or désordonnément ? Possède cet or, te dit le Seigneur, je te l’ai donné, fais-en bon usage. Tu cherches dans l’or des ornements, sois plutôt l’ornement de l’or ; tu cherches dans l’or l’honneur et la beauté, embellis plutôt l’or et n’en sois pas la honte. Les libertins, les fornicateurs, les débauchés ont de l’or ; ils donnent des jeux pompeux, ils distribuent aux histrions de folles largesses, et ils ne donnent rien aux pauvres affamés : ces hommes n’embellissent pas l’or. Ne dit-on pas, quand on les considère avec esprit de droiture : Je plains l’or qui coule chez lui : ah ! si j’en étais possesseur ! Eh bien ! si tu en étais possesseur ? Tu viens de dire : Je plains l’or qui coule chez lui ; ah ! si j’en étais possesseur ! Que ferais-tu donc ? – Je recueillerais les étrangers, je donnerais du pain aux indigents, je vêtirais ceux qui sont nus, je rachèterais les captifs. – Tu parles bien, avant d’avoir cet or, aies soin de tenir le même langage lorsque tu l’auras. Si tu fais ce que tu dis, l’or sera pour toi un ornement ; si, plus attaché au Créateur de l’or qu’a l’or même, tu fais de l’or cet usage, tu seras un homme droit, affectionné avant tout à ce qui est en haut, employant bien ce qui est en bas ; et tu te réjouiras dans le Seigneur ; juste, tu trouveras en lui tes délices ; tu ne seras point accusé par ton Créateur, le Rédempteur te rendra grâces.


SERMON XXII. SUR LE JUGEMENT DE DIEU[1].

ANALYSE. – Ce discours renferme deux parties, une partie dogmatique et une partie morde. – I. Après avoir dit un mot à ses auditeurs de la frayeur salutaire que doivent inspirer les paroles de son texte, saint Augustin explique d’abord comment, malgré leur forme comminatoire, elles ne sont qu’une prophétie. Secondement cette prophétie est une invitation à nous tenir en garde pour détourner le châtiment qui nous menace. Troisièmement toutes les autres prophéties accomplies jusqu’alors ne laissent aucun doute sur le fidèle accomplissement de celle-ci. – II. Donc il faut nous corriger et changer de vie. En effet Dieu est à la fois miséricordieux et juste, ces deux attributs sont également inséparables de sa nature. Or, 1° si nous changeons de vie il pourra nous faire miséricorde et changer l’arrêt de notre condamnation sans altérer sa justice. 2° Si au contraire nous nous élevons contre lui par notre opiniâtreté et notre orgueil, il nous perdra comme se perd cette colonne de fumée qui se dissipe à mesure qu’elle s’élève. 3° Il est vrai que Dieu est infiniment miséricordieux, il nous en a donné les plus touchants témoignages : peut-il cependant placer dans la même société les bons et les méchants, traiter éternellement les uns comme les autres ? – Donc soyons inaltérablement fidèles à Jésus et à son Église. Comme Adam et Eve nous ont donné la mort, Jésus-Christ et l’Église donneront à leurs enfants une vie immortelle.


1. Nous avons entendu avec tremblement cette prophétie chantée dans le psaume. « Qu’ils s’évanouissent, dit-il, comme la fumée ; comme la cire fond devant la flamme que les pécheurs périssent devant Dieu. » Je ne doute pas, mes frères, que tous vos cœurs ne soient émus et qu’à ces paroles il n’y ait aucune conscience qui ne frémisse. Qui peut se glorifier d’avoir le cœur chaste, se glorifier d’être exempt de péché ? Quand l’Écriture dit : « Comme la cire fond devant la flamme, que les pécheurs périssent devant Dieu », qui ne frémirait, quine tremblerait de frayeur ? Que ferons-nous donc ? quel espoir nous reste-t-il ? Ce n’est pas en vain qu’on chante ceci, et quand le prophète tient ce langage, il fait moins des souhaits que des prédictions. La forme des paroles est celle d’un vœu, mais l’intelligence y lit ce qui doit arriver. Il est dans les écrits des Prophètes des prédictions présentées comme des faits accomplis, il en est aussi qui paraissent de simples souhaits. Mais ceux qui savent comprendre ce qu’ils lisent, y voient l’annonce de l’avenir. Ces psaumes ont été composés et écrits longtemps

  1. Ps. 67, 3