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se d’aucun défaut, c’est-à-dire de la tendance au non-être ; puis qu’il est, pour ainsi dire, la cause de l’être. Il est donc seulement la cause du bien, et pour cela, il est le souverain bien. C’est pourquoi celui qui est l’auteur de tout ce qui est, n’est point l’auteur du mal ; car toutes choses sont bonnes, en tant qu’elles sont[1].

XXII. — Dieu n’éprouve aucun besoin. — Où rien ne manque, il n’y a pas de besoin ; où il n’y a pas de défaut, rien ne manque. Or il n’y a aucun défaut en Dieu ; donc il n’y a aucun besoin.

XXIII. — Du Père et du Fils. — Tout ce qui est chaste est chaste par la chasteté, tout ce qui éternel est éternel par l’éternité, tout ce qui est beau est beau par la beauté, et tout ce qui est bon est bon par la bonté. Donc tout ce qui est sage est sage par la sagesse, et tout ce qui est semblable est semblable par la ressemblance. Or ce qui est chaste par la chasteté peut l’être de deux manières : ou en ce sens qu’il engendre la chasteté de manière à être chaste de la chasteté qu’il engendre, et dont il est le principe et la raison d’être : ou en ce sens que, n’étant peut-être pas chaste, il le devient en participant à la chasteté. Et ainsi de toute autre chose. En effet on comprend ou l’on croit que l’âme est éternelle, en ce sens qu’elle participe éternellement à l’éternité. Or ce n’est point ainsi que Dieu est éternel, mais parce qu’il est l’auteur de l’éternité même. On en peut dire autant de la beauté et de la bonté. C’est pourquoi, quand on dit que Dieu est sage, et sage de cette sagesse sans laquelle il n’est pas permis de croire qu’il ait jamais été ou qu’il puisse jamais être, on ne le dit point sage par participation à la sagesse, comme l’âme, qui peut être sage ou ne pas l’être ; mais on entend qu’il a engendré lui-même la sagesse dont on dit qu’il est sage[2]. Ainsi les choses qui sont, par participation, chastes, éternelles, belles, bonnes ou sages, peuvent, comme nous l’avons dit, n’être ni chastes, ni éternelles, ni belles, ni bonnes, ni sages ; mais la chasteté même, l’éternité, la beauté, la bonté, la sagesse ne peuvent en aucune façon être sujettes à la corruption, ou, pour ainsi dire, à la marche du temps, à la honte, à la malice.

Donc aussi les choses qui sont semblables par participation, sont susceptibles de dissemblance ; mais la ressemblance elle-même ne peut être dissemblable en aucune partie. D’où il résulte que, le Fils étant dit la ressemblance du Père, parce que c’est par sa participation que toutes les choses qui sont semblables entre elles ou à Dieu, le sont (car il est l’espèce première qui les spécialise, pour ainsi parler, et la forme par laquelle elles sont formées,) il ne peut en aucun point être dissemblable à son Père. Il est donc la même chose que le Père ; en sorte que l’un est le Fils, et l’autre le Père, c’est-à-dire l’un la ressemblance, et l’autre le type dont le Fils est la ressemblance ; l’un substance et l’autre aussi substance, d’où pro- cède une même substance. Car si la substance n’est pas la même, c’est une ressemblance qui reçoit une ressemblance : ce que toute raison vraie déclare impossible.

XXIV. — Les péchés et les bonnes œuvres dépendent-ils du libre arbire de la volonté ? — Tout ce qui se fait par hasard, se fait sans raison : tout ce qui se fait sans raison, se fait sans prévoyance ou sans Providence. Si donc il se fait dans ce monde quelque chose par hasard, le monde n’est pas gouverné tout entier par la Providence ; et si le monde entier n’est pas gouverné par la Providence, il y a donc quelque nature, quelque substance qui n’est pas l’œuvre de la Providence. Or tout ce qui existe est bon, en tant qu’il est ; car l’être souverain est le bien par la participa- fion duquel tous les autres biens existent ; et tout ce qui est sujet à chargement est bon aussi en tant qu’il est, mais par la participation au bien immuable, et non par lui-même. Or ce bien, dont la participation fait tous les autres biens, n’est pas bon par un autre, mais par lui-même, et nous l’appelons aussi Providence divine. Rien ne se fait donc par hasard dans le monde. Cela posé, il semble que la conséquence nécessaire est que tout ce qui se fait en ce monde, soit l’œuvre en partie de la Providence, en partie de notre volonté. Car Dieu est incomparablement meilleur et plus juste que l’homme le meilleur et le plus juste. Or le juste qui régit et gouverne toutes choses ne permet pas que personne soit puni ou récompensé sans l’avoir mérité. Mais c’est le péché qui mérite la peine, et la bonne action qui mérite la récompense. Or ni le péché ni la bonne action ne sauraient être justement imputés à celui qui n’agit pas par sa propre volonté. Donc le péché et la bonne action dépendent du libre arbitre de la volonté.

XXV. — De la croix du Christ. — La sagese de Dieu a revêtu l’humanité pour nous apprendre, par son exemple, à bien vivre. Or, une des con-

  1. Rét. l. i, ch. xxvi.
  2. Ib.