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— ainsi la présence de Dieu, qui n’est absent nulle part, est inutile aux âmes souillées que leur aveuglement d’esprit empêche de le voir.

XIII. — Preuve que les hommes l’emportent sur les bêtes. Entre beaucoup de preuves qui démontrent que la raison donne à l’homme la supériorité sur les bêtes, en voici une qui est évidente pour tout le monde : c’est que les animaux sauvages peuvent être domptés et aprivoisés par les hommes, et non les hommes par les bêtes sauvages.

XIV. — Le corps du Christ n’était point un fantôme. — Si le corps du Christ a été un fantôme, le Christ a trompé, et s’il a trompé, il n’est point la vérité. Or le Christ est la vérité. Donc son corps ne fut pas un fantôme.

XV. — De l’intellect. — Tout ce qui se comprend soi-même, s’embrasse soi-même. Or ce qui s’embrasse soi-même, est limité pour soi. Mais l’intellect se comprend. Il est donc limité pour lui. De plus il ne veut pas être infini, quand même il le pourrait, parce que l’amour qu’il a pour lui-même le porte à vouloir se connaître.

XVI. — Du Fils de Dieu. — Dieu est la cause de tout ce qui existe. Or ce qui est cause de toutes choses est aussi principe de sa Sagesse, et Dieu n’est jamais sans sa Sagesse. Donc il est la cause éternelle de sa Sagesse éternelle, et il ne lui est point antérieur. De plus s’il est de l’essence de Dieu d’être Père éternel, il a toujours été Père et n’a jamais été sans Fils.

XVII. — De la science de Dieu. — Tout ce qui est passé n’est plus, tout ce qui est futur, n’est pas encore ; donc ni le passé ni le futur n’existent. Or en Dieu tout existe ; donc en lui n’y a ni passé ni futur, mais tout est présent.

XVIII. — De la Trinité. — On distingue dans tout être l’existence, l’espèce, l’accord des parties. Donc toute créature, si elle existe d’une manière quelconque, si elle est à une grande distance de ce qui n’est pas, si elle possède l’accord de ses parties, a nécessairement une cause triple : celle qui la fait être, celle qui la fait être de telle façon, celle qui fait qu’elle s’aime. Or nous disons que Dieu est la cause, c’est-à-dire l’auteur de la créature. Il faut donc que la Trinité existe : la chose la plus excellente, la plus intelligente et la plus heureuse que la raison parfaite puisse imaginer. C’est pourquoi, lorsque l’on cherche la vérité, on ne peut poser plus de trois sortes de questions : si la chose est, si elle est ceci ou cela, s’il faut l’approuver ou la désapprouver.

XIX. — De Dieu et de la créature. — Ce qui est immuable est éternel ; car il a toujours le même mode d’existence. Mais ce qui est changeant est soumis au temps, car il n’a point toujours le même mode d’existence ; aussi a-t-on tort de l’appeler éternel ; car ce qui change, n’est point permanent, et ce qui n’est point permanent n’est point éternel. La différence entre l’immortel et l’éternel, c’est que tout ce qui est éternel est immortel, tandis que tout ce qui est immortel est inexactement appelé éternel : parce que, bien qu’une chose vive toujours, si elle est su- jette à changement, on ne peut proprement la nommer éternelle, parce qu’elle n’a point toujours le même mode d’existence ; quoiqu’on ait raison de l’appeler immortelle, puisqu’elle vit toujours. Cependant on donne quelquefois le nom d’éternel à ce qui est immortel. Mais ce qui est sujet à changement et n’a de vie que par la présence d’une âme, n’étant point lui-même une âme, ne peut en aucune façon être considéré comme immortel, et beaucoup moins comme éternel. Car dans l’éternel proprement dit, il n’y a rien de passé qui ne soit plus, rien de futur qui ne soit pas encore ; tout ce qui y est, y est simplement.

XX. — Du lieu que Dieu occupe. — Dieu n’est point en quelque lieu. Car ce qui est dans quel- que lieu, est contenu par ce lieu, et ce qui est contenu dans un lieu, est corps. Or Dieu n’est point corps ; il n’est donc point en quelque lieu. Et cependant, comme il est et qu’il n’est point dans un lieu, tout est plutôt en lui qu’il n’est lui- même en quelque lieu. Néanmoins, si toutes choses sont en lui, il n’est pas pour cela un lieu : car un lieu est le point de l’espace qu’un corps occupe en longeur, en largeur et en hauteur. Or en Dieu rien de tel. Donc tout est en lui et il n’est pas un lieu. On dit cependant, mais improprement, que le temple de Dieu est le lieu qu’il occupe, non qu’il y soit contenu, mais parce qu’il y est présent. Et par ce terme on entend surtout l’âme pure.

XXI. — Dieu n’est-il pas l’auteur du mal ? — Le non-être ne peut en aucune façon appartenir à celui qui est l’auteur de tout ce qui existe, et dont la bonté consiste uniquement à donner l’être à tout ce qui est. Or tout ce qui est défectueux, s’éloigne de l’être et tend au non-être. Mais être et n’être point défectueux, voilà le bien ; être en défaut, voilà le mal. Or celui à qui le non-être n’appartient pas, ne peut être cau-