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corps mortel[1] ; bien qu’il ne puisse en être complètement banni, tant que ce corps reste un corps mortel. L’empire du péché se détruit donc en nous, premièrement, quand nous obéissons par l’esprit à la Loi de Dieu, quoique notre corps obéisse encore à la Loi du péché[2], c’est-à-dire à l’inclination funeste qui est le châtiment du péché même, dont nous ressentons l’impression dans nos organes, tout en refusant d’y consentir. Ces impressions pourtant finiront par disparaître 'entièrement ; car si l’Esprit de Jésus habite en nous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, rendra aussi, en considération de l’Esprit qui demeure en nous, la vie à nos corps mortels[3]. Maintenant donc il faut vivre sous la grâce, pour faire dans notre esprit ce que nous voulons, bien que nous ne puissions le faire encore dans notre chair ; c’est-à-dire pour ne pas consentir aux inclinations du péché jusqu’à lui abandonner nos organes comme des instruments d’iniquité[4], bien que nous ne puissions anéantir complètement ces impressions. De cette manière, si nous ne jouissons pas encore de cette paix éternelle qui sera complète dans toutes les parties de notre être, nous cesserons au moins d’être sous la Loi, d’être coupables de prévarication en consentant au péché et en restant esclaves de la concupiscence de la chair ; et nous serons sous le règne de ta grâce, qui ne laisse peser aucune condamnation sur ceux qui sont en Jésus-Christ[5], attendu que le châtiment est infligé, non pas à celui qui combat, mais à celui qui se laisse vaincre.
47. Se conduire par l’Esprit[6]. — Il est donc logique que l’Apôtre ajoute : « Si vous vous conduisez par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la Loi ; » car c’est nous faire entendre qu’on est encore sous la Loi quand en résistant à la chair l’esprit ne fait pas ce qu’on veut, quand on ne se tient pas invisiblement attaché à l’amour de la justice et qu’on se laisse vaincre par les convoitises de la chair[7], quand non seulement la chair résiste à ta loi de l’esprit mais que de plus elle asservit à la loi du péché, laquelle est dans nos membres[8]. Quand en effet on ne se tondait point par l’esprit, on se conduit nécessairement par la chair. Or ce qui est condamnable, ce n’est pas de ressentir les résistances de la chair, c’est de se conduire par la chair. Aussi l’Apôtre dit-il : « Si vous vous conduisez par l’esprit, « vous n’êtes plus sous la Loi. » De fait il n’a pas dit plus haut non plus : « Conduisez-vous par l’esprit » et ne ressentez point les convoitises de la chair ; mais : « N’accomplissez point les désirs de la chair[9]. » Car ne ressentir plus ces convoitises, ce n’est plus combattre, c’est avoir remporté la victoire en persévérant dans la fidélité à la grâce et être couronné, puisque le corps, une fois devenu immortel, n’éprouvera plus ces impressions charnelles.
48. Les œuvres de la chair[10]. — L’Apôtre fait ensuite l’énumération des œuvres de la chair, afin de faire comprendre que si on consent à suivre ces désirs charnels on se conduit parla chair et non par l’esprit. « Or on connaît aisément les œuvres de la chair, dit-il ; ce sont la fornication, l’impureté, le culte des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les contestations, les colères, les jalousies, les dissensions, les hérésies, « les envies, les ivrogneries, les débauches et autres vices semblables ; et je déclare, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui les commettent ne posséderont point le royaume de Dieu. » Mais on les commet quand en cédant aux passions de la chair on consent à les accomplir, lors même qu’on n’en est pas capable. Supposé au contraire que malgré les impressions mauvaises on demeure invinciblement attaché à la charité victorieuse, et que loin de faire le mal extérieurement on n’y donne même pas son consentement intérieur, alors on ne commet pas ces désordres et on parviendra au royaume de Dieu. Dans ce cas en effet le péché ne règne pas dans notre corps mortel jusqu’à nous faire obéir à ses convoitises ; quoique cependant il y habite, puisque n’y sont point éteints ces penchants naturels avec lesquels nous sommes nés pour mourir, ni ces autres penchants que nous y avons ajoutés par notre propre conduite, lorsqu’en péchant nous avons accru le péché et la condamnation qui pesait sur nous depuis notre origine. Car autre chose est de ne pécher pas, et autre chose de n’avoir pas le péché en soi. Nous ne péchons pas, lorsque le péché ne règne pas en nous, c’est-à-dire lorsque nous n’en suivons pas les inclinations ; mais n’avoir plus même en soi ces inclinations, c’est faire plus que de ne pécher pas, c’est n’avoir pas en soi le péché. Si l’on peut durant cette vie atteindre sous plusieurs rapports

  1. Rom. 6, 12
  2. Id. 7,25
  3. Id. 8, 11
  4. Id. 6, 13
  5. Id. 8, 1-6
  6. Gal. 5, 18
  7. 1 Rét. 24, 2
  8. Rom. 7, 23
  9. Gal. 5, 16
  10. Id. 19-21