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de l’admiration, il leur met devant les yeux les effets spirituels qui se sont produits en eux, afin que ce souvenir les empêche de se laisser aller aux sentiments d’une crainte naturelle. « Quel était alors votre bonheur ! s’écrie-t-il ! Car je voles rends ce témoignage que s’il eût été possible vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner. Suis-je donc devenu votre ennemi en vous prêchant la vérité ? » Évidemment non. « En prêchant » quelle vérité, sinon qu’ils ne doivent pas se faire circoncire ? Aussi considère ce qu’il ajoute : « Ils ont pour vous une émulation qui n’est pas bonne ; » autrement ils vous portent envie, puisque de spirituels que vous êtes ils veulent vous rendre charnels ; voilà ce que signifie : « Ils ont pour vous une émulation qui n’est pas bonne. – Mais ils prétendent que vous ayez pour eux.del'émulation » ou que vous les imitiez ; comment, sinon en vous attachant au joug où.ilssont attachés eux-mêmes ? « Il est bon toutefois d’avoir toujours de l’émulation pour le bien. » Il veuf ici qu’ils l’imitent lui-même en tout temps ; aussi ajoute-t-il : « Et non seulement lorsque je suis présent au milieu de vous. » C’est qu’au moment où ils l’aimaient jusqu’à vouloir lui donner leurs yeux quand il était là, ils travaillaient évidemment aussi à l’imiter.
38. Sollicitude maternelle de l’Apôtre[1]. – S’il dit encore : « Mes petits enfants » c’est également pour les engager à l’imiter comme leur père. « Pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement.jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous. » C’est plutôt au nom de l’Église notre mère qu’il s’exprime ainsi, car il dit ailleurs : « Je me, suis fait petit enfant parmi vous, comme une nourrice qui soigne ses enfants[2]. » Or c’est par la foi du croyant que le Christ se forme dans l’homme intérieur, dans l’homme doux et humble de cœur, dans l’homme qui ne se vante point du mérite de ses œuvres, car il n’en a pas, dans l’homme qui ne commence à acquérir quelque mérite que par la grâce et que le Christ pourra nommer un de ses plus petits, c’est-à-dire un autre lui-même, quand il dira : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, vous me l’avez fait à moi-même[3]. » En effet le Christ se forme dans celui qui se moule en quelque sorte sur lui ; or on se moule sur lui quand on lui est uni par un amour tout spirituel ; et en l’imitant ainsi on devient en quelque sorte ce qu’il est, mais en restant dans sa sphère. « Celui, dit saint Jean, qui prétend demeurer dans le Christ, doit se conduire comme le Christ s’est conduit[4]. » Cependant, lorsque la mère conçoit l’enfant, c’est pour le former, et quand il est formé, c’est pour le mettre au monde qu’elle ressent les douleurs de l’enfantement : comment donc l’Apôtre peut-il dire : « Vous pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ? » Par les douleurs de l’enfantement qu’il a déjà endurées pour eux, il faut entendre sans doute les angoisses, les soucis par lesquels il a passé pour les faire naître au Christ ; s’il endure de nouveau ces douleurs, c’est à cause des dangers de séduction au sein desquels il les voit chanceler déjà. Or ces sollicitudes et ces soucis qui sont pour lui comme les douleurs de l’enfantement, pourront durer jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ et qu’ils ne flottent plus à tout vent de doctrine[5]. Si donc l’Apôtre a dit : « Vous pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement » ce n’était pas pour les faire naître à la foi qu’il parlait ainsi, puisqu’ils y étaient nés déjà, c’était pour les y affermir et les perfectionner dans la foi. Ailleurs il parle de ces mêmes douleurs en termes différents : « Ce qui m’assaillit chaque jour, dit-il, ma sollicitude pour toutes les Églises. Qui est faible sans que j e sois faible aussi ? Qui est scandalisé sans que je brûle[6] ? »
29. Ne pas écrire ce qu’on dirait de vive voix[7]. – « Je voudrais maintenant, poursuit-il, être près de vous et changer mon langage, car je rougis de vous. » Comme il les avait appelés ses enfants, ne veut-il pas dire ici qu’il les ménage dans sa lettre, dans la crainte qu’irrités d’une réprimande trop sévère, ils ne se laissent trop aisément porter à le haïr par ces séducteurs auxquels il ne pourrait résister étant absent ? Je voudrais maintenant être près de vous et changer mon langage » signifierait donc qu’il voudrait les renier pour ses enfants ; « car je rougis de vous » de fait, pour n’avoir pas à rougir de leurs enfants, les parents les renient ordinairement.
30. Les Juifs, les catholiques et les hérétiques figurés dans la famille d’Abraham[8]. – « Dites-moi, vous qui voulez être sous la Loi, n’avez-vous par connaissance de la Loi ? » Ce qu’ajoute

  1. Gal. 4, 19
  2. 1 Thes. 2, 7
  3. Mt. 25, 25-40
  4. Jn. 2, 6
  5. Eph, 4, 13-14
  6. 2 Cor. 11, 28-29
  7. Gal. 4, 20
  8. Id. 21-31