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Ce qu’il détruisait réellement, ce qu’il s’attachait constamment à détruire, c’était ce maudit orgueil qui pouvait être anéanti. Aussi n’était-il pas prévaricateur lorsque après avoir essayé de repousser-ce qu’il croyait faux, il s’est aperçu ensuite que.celaétait vrai, indestructible et qu’il s’y est attaché pour sa propre sanctification ; mais il eût été prévaricateur si après avoir rejeté une erreur réelle, ce qu’il est permis de détruire, il l’enseignait de nouveau.
17. Être mort à la Loi et vivre en Jésus-Christ parla grâce du Sauveur. – Il dit maintenant qu’il est mort à la Loi, afin de n’être plus sous la Loi, et cela de par la Loi elle-même. C’est qu’étant Juif il n’avait dans la Loi qu’urge espèce de pédagogue, comme il le dit plus bas[1]. Or le travail du pédagogue aboutit à ne le rendre plus 'nécessaire, comme une mère allaite son enfant pour qu’il n’ait plus besoin d’être allaité, comme un navire conduit à la patrie, où il devient inutile. L’Apôtre veut dire encore que c’est la Loi entendue dans un sens spirituel qui l’a fait mourir à la Loi, en l’empêchant de vivre sous son joug d’une manière charnelle. N’est-ce pas ainsi qu’il voulait que de par la Loi on mourût à la Loi, quand il disait un peu plus bas : « Répondez, vous qui voulez rester sans la Loi N’avez-vous pas lu la Loi ? Il y est écrit en effet qu’Abraham eut deux fils[2] » etc, citant ce trait pour amener les fidèles à-6omprendre qu’entendue dans un sens spirituel la Loi même exige qu’ils meurent aux observances charnelles de la Loi ? Il ajoute : « Afin de vivre pour Dieu. » On vit pour Dieu quand on lui est soumis, et pour la Loi quand on est sous la Loi. Or on ne vit sous la Loi qu’autant qu’on est pécheur, c’est-à-dire qu’autant qu’on n’a point changé encore les dispositions du vieil homme ; car alors on vit de sa propre vie et on a ainsi la Loi au-dessus de soi, attendu qu’on est sous elle quand on ne l’accomplit pas. Aussi bien la Loi n’est-elle pas imposée au juste[3] » de manière à le placer au-dessous d’elle, car il ne vit plus de cette vie propre que la Loi est destinée à réprimer. N’est-ce pas, si je puis parler ainsi, vivre en quelque sorte de la loi que de vivre dans la justice et avec amour de la justice, en s’attachant, non pas au bien particulier et transitoire, mais au bien commun et immuable ? Il ne fallait donc pas imposer la Loi à saint Paul, puisqu’il disait : « Si je vis, ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Eh ! Qui oserait imposer la Loi, au Christ, vivant dans la personne de Paul ? Oserait-on avancer que le Christ ne vit pas dans la justice, et qu’il faut la Loi pour le réprimer ? Si je vis maintenant dans la chair » poursuit l’Apôtre, il ne saurait dire en effet que le Christ mène encore une vie mortelle, telle qu’est la vie de la chair, « je vis en la foi du Fils de Dieu. » C’est ainsi encore que le Christ vit dans l’âme qui croit ; car il habite par la foi dans l’homme intérieur[4], afin de pouvoir le pénétrer de.l'éclatde sa présence, plus tard, quand ce qui est mortel sera absorbé par la vie[5]. Afin de montrer ensuite que si le Christ vit en lui, que si lui-même, avec sa vie corporelle, vit dans la foi du Fils de Dieu, il en est redevable, non pas à ses mérites, mais à la grâce du Sauveur, il ajoute Car il m’a aimé et s’est lui-même livré pour moi. » Pour moi ? N’est ce pas pour un pécheur qu’il voulait justifier ? Ainsi parle ce Juif de naissance et d’éducation qui s’était montré zélateur exagéré des traditions de ses pères. Mais si pour cette sorte d’hommes aussi le Christ s’est livré lui-même, n’est-ce pas une preuve qu’ils étaient pécheurs comme les autres ? Qu’ils n’attribuent donc pas à leur justice la grâce que, justes, ils n’auraient pas eu besoin de recevoir. « Je ne suis pas venu appeler les justes, a dit le Seigneur, mais les pécheurs[6] ; » et les appeler pécheurs pour qu’ils ne le soient plus. Dès que le Christ m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ; « je n’annule point la grâce de Dieu » en prétendant que la justice vient de la Loi ; « car si la justice vient par la Loi, c’est donc en vain qu’est mort le Christ.[7] » en d’autres termes ; il est mort sans raison, puisqu’au moyen de la Loi, c’est-à-dire des œuvres légales où les Juifs plaçaient leur confiance, les hommes pouvaient arriver à la justification. Or ceux à qui s’adressait saint Paul, pour les réfuter, n’admettaient pas que le Christ fût mort inutilement, puisqu’ils voulaient passer pour chrétiens. Conséquemment ils avaient tort de prétendre que ces observances légales contribuassent à justifier ses disciples.



18. Le Christ proscrit parles Galates. — Il a donc, raison de s’écrier : « O Galates insensés, qui

  1. Gal. 3, 24
  2. Ib. 4, 21-22
  3. 1 Tim. 1, 9
  4. Eph. 3, 16-17
  5. 2 Cor. 5, 4
  6. Mt. 9, 13
  7. Gal. 2, 19-21