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à plaire ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais point serviteur du Christ[1]. » On.nesaurait persuader Dieu, puisque devant lui tout est à découvert ; mais on a raison de chercher à persuader les hommes, quand on désire rendre agréable, non point sa personne, mais la vérité dont on les persuade. Plaire aux hommes sans chercher près d’eux sa propre gloire, mais la gloire de Dieu dans l’intention de les sauver, ce n’est point plaire aux hommes, c’est plaire à Dieu ; au moins n’est-ce pas plaire aux hommes que de plaire à Dieu et aux hommes en même temps ; car autre chose est de plaire aux hommes seulement et autre chose de plaire en même temps à Dieu et à eux. De même si l’on plaît aux hommes à cause de la vérité qu’on leur dit, ce n’est pas la personne, c’est la vérité qui leur plaît. « Si je leur plaisais » dit saint Paul, si je cherchais à leur plaire, si j’en avais la volonté ; tel est bien le sens, car si sans rien l’aire pour cela il plaisait aux hommes en quelque sorte à cause de lui-même et non à cause de Dieu et de l’Évangile qu’il prêche, il ne faudrait pas l’attribuer à son orgueil, mais plutôt à l’erreur de celui qui prend en lui ce plaisir désordonné. Voici donc quelle est sa pensée. Est-ce les hommes ou est-ce Dieu que je persuade maintenant ? ou bien pour persuader les hommes, est-ce aux hommes que je cherche à plaire ? Si je cherchais à leur plaire encore, je ne serais pas serviteur du Christ. En effet le Christ ordonne à ses serviteurs d’apprendre de lui à être doux et humbles de cœur[2]. Or, on ne le peut quand c’est pour soi-même, c’est-à-dire pour sa gloire propre et personnelle qu’on cherche à plaire aux hommes. Quand donc l’Apôtre dit ailleurs : « Nous persuadons les hommes, mais nous sommes connus de Dieu[3] » c’est pour faire comprendre qu’à cette question : « Est-ce les hommes que je persuade, ou est-ce Dieu ? » il faut répondre que ce n’est pas Dieu mais les hommes. Aussi bien ne doit-on pas être surpris qu’il dise encore : « Comme moi-même je plais à tous en toutes choses » car il ajoute : « Ne cherchant pas ce qui m’est avantageux, mais ce qui l’est au grand nombre, afin qu’ils soient sauvés[4]. » Or il n’est ni avantageux ni salutaire à aucun homme qu’on lui plaise pour soi ; on ne plaît utilement qu’en plaisant en vue de Dieu, c’est-à-dire qu’en faisant aimer et glorifier Dieu dont on admire les dons dans quelqu’un ou dont on les reçoit par l’entremise d’un homme ; quand un homme plaît à ce point de vue, ce n’est plus lui, c’est Dieu qui plaît. Par conséquent on peut dire tout à la fois : Je plais et je ne plais pas, et quiconque sait comprendre comme il faut, et prier avec piété, saisira les deux propositions sans voir entre elles la moindre contrariété.
6. Autorité divine de l’enseignement de saint Paul. – Car je vous déclare, mes frères, que l’Évangile annoncé par moi n’est pas selon l’homme ; je ne l’ai ni reçu ni appris d’aucun homme, mais par la révélation de Jésus-Christ[5]. » Un Évangile humain serait un mensonge s ; car tout homme est menteur ; et tout ce qu’il y a de vérité dans quelqu’un ne vient pas de l’homme, mais de Dieu par un homme. Aussi ne doit-on pas donner le nom d’Évangile à un enseignement qui serait tout humain, tel que l’enseignement de ces docteurs qui attiraient de la liberté à l’esclavage ceux qui étaient appelés par Dieu de l’esclavage à la liberté.
7. Opposition entre les observances de la Synagogue et l’Église de Dieu. – « En effet vous avez ouï dire de quelle manière je vivais autrefois dans le Judaïsme, persécutant à outrance et ravageant l’Église de Dieu, progressant dans le judaïsme au dessus de plusieurs de mon époque et de ma nation, et zélateur fanatique des traditions de mes pères[6]. » Sien persécutant et en ravageant l’Église de Dieu il faisait des progrès dans le judaïsme, c’est qu’évidemment il y a opposition entre le Judaïsme et l’Église ; opposition provenant, non de cette loi spirituelle qui fut donnée aux Juifs, mais des pratiques charnelles dont ils s’étaient rendus esclaves. Et si le zèle ou l’ardeur de Paul à suivre les traditions de ses pères le portait à persécuter la sainte Église, c’est qu’à cette Église sont contraires ces traditions. La faute n’en est pas à la Loi, qui est spirituelle[7], et qui ne demande pas à être entendue charnellement ; elle doit retomber sur les hommes qui donnent un sens charnel à ce qu’ils ont appris et qui y ajoutent beaucoup d’eux-mêmes, anéantissant ainsi, comme le leur reproche le Sauveur, les commandements de Dieu en faveur de leurs traditions[8].
8. Saint Paul n’a appris l’Évangile de personne. – Mais lorsqu’il plut à Celui qui m’a séparé du sein de ma mère et qui m’a appelé

  1. Gal. 1, 10
  2. Mt. 11, 29
  3. 2 Cor. 5, 11
  4. 1 Cor. 10, 33
  5. Gal. 1, 11-12 — 2 Ps. 115, 11
  6. Gal. 1, 13-14
  7. Rom. 7, 14
  8. Mt. 15, 3