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délivrance, s’il voulait rentrer dans la bonne voie ? À qui a-t-elle refusé le pouvoir d’apaiser là colère de Dieu ? Tous ceux qui l’ont abandonnée avec un orgueilleux mépris, ne les conjure-t-elle pas avec larmes de revenir dans ses bras ? Où trouver cependant parmi les hérétiques, soit un chef, soit une simple brebis ; qui ne soit pas opposée au Saint-Esprit ? Qui aurait l’esprit assez dépravé pour croire coupable celui qui dit une parole contre le Saint-Esprit et pour déclarer innocent celui qui agit sans cesse contre lui ? Or, qui combat contre lui aussi ouvertement que ceux qui, par leurs disputes orgueilleuses, s’attaquent avec tant de fureur à la paix de l’Église ? Mais en supposant qu’il ne soit ici question que de paroles proprement dites, qu’on veuille bien me dire s’ils n’en prononcent aucune contre le Saint-Esprit ? Les uns ne refusent-ils pas absolument' de reconnaître en lui aucune propriété personnelle ? Ne disent-ils pas que l’unité de Dieu est si absolue que les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit s’appliquent à la même personne[1] ? Les autres avouent qu’il est le Saint-Esprit ; mais ils nient qu’il soit égal au Fils, ou même ils nient simplement qu’il soit Dieu[2] D’autres enseignent à la vérité qu’il n’y a dans la Sainte-Trinité qu’une seule et même nature, mais ils ont sur cette nature divine des sentiments si impies qu’ils la regardent comme sujette au changement et à la corruption ; ils ont même, à l’égard du Saint-Esprit, que Notre-Seigneur avait promis d’envoyer à ses disciples, imaginé de soutenir qu’il est venu, non pas cinquante jours après la résurrection de Jésus-Christ, comme il est dit dans les Actes des Apôtres[3], mais près de trois siècles plus tard et dans la personne d’un homme[4] ? D’autres nient pareillement que le Saint-Esprit soit venu le jour que nous croyons ; ils prétendent qu’il a choisi en Phrygie, des Prophètes dont il voulait faire si longtemps après ses organes[5]. D’autres anéantissent d’un souffle la vertu dès sacrements du Saint-Esprit et ils n’hésitent pas à baptiser de nouveau ceux qui ont été déjà baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit[6]. Mais, pour ne pas continuer une énumération qui serait sans fin, lorsque tous ceux dont je viens de dire quelques mots et dont je n’ai pas le loisir de parler plus longuement, reviennent à l’épouse de Jésus-Christ et qu’ils condamnent, avec un cœur vraiment repentant, leurs erreurs et leur impiété, aucune loi catholique ne déclare qu’il faut leur refuser la paix de l’Église et leur fermer les entrailles de la miséricorde.

16. Le péché commis contre le Saint-Esprit est-il le péché commis après le Baptême ? — On pensera peut-être qu’une parole est dite contre le Saint-Esprit, quand elle est prononcée par un homme qui a reçu dans le baptême la rémission de ses péchés. Mais il faut bien remarquer que, même dans ce cas, la sainte Église reçoit encore le pécheur repentant ; et qu’on ne croie pas que celui-ci ne peut pas alors obtenir son pardon, par la raison qu’ayant déjà reçu la grâce de la foi et les Sacrements des fidèles, il ne peut plus être regardé comme ayant péché par ignorance : car on voit qu’il y a une grande différence entre les deux motifs exprimés dans les paroles suivantes : Ne pas obtenir son pardon parce qu’on a péché à une époque où on n’était plus dans l’ignorance, et : Ne pas obtenir son pardon parce qu’on a dit une parole contre le Saint-Esprit. Car si l’ignorance seule mérite le pardon et que l’ignorance soit admise uniquement dans ceux qui n’ont pas encore été baptisés, on ne peut donc plus trouver un remède dans la pénitence, non seulement quand on a dit une parole contre le Saint-Esprit, mais aussi quand après avoir été baptisé on a parlé contre le Fils de l’homme, et toutes les fois qu’après le baptême on s’est rendu coupable de fornication, d’homicide, d’un crime honteux ou d’un attentat quelconque. Or, ceux qui ont suivi ce sentiment ont été exclus de la communion catholique ; on a jugé avec raison que cette cruauté même leur interdisait de participer à la miséricorde divine. D’autre part si l’on pense que le pardon n’est refusé aux paroles dites contre le Saint-Esprit qu’à l’égard des personnes baptisées, nous répondrons d’abord que Notre-Seigneur parlant sur ce sujet ; n’a fait aucune exception de temps, mais qu’il a dit en général : « Celui qui proférera une parole contre le Saint-Esprit, ne recevra son pardon ni dans le siècle présent, ni dans le siècle à venir. » Ensuite, Simon, dont j’ai parlé un peu plus haut, avait déjà reçu le baptême lorsqu’il pensa que le Saint-Esprit pouvait devenir l’objet du plus honteux trafic : et cependant saint Pierre, après l’avoir réprimandé, lui conseille de faire pénitence. Que dire maintenant de ceux qui, ayant reçu le sacrement de Baptême dans leur jeunesse ou

  1. Les Sabelliens.
  2. Les Ariens
  3. Act. 2, 1-4
  4. Les Manichéens
  5. Les Cataphrygiens
  6. Les Donatistes