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Seulement dans les deux Epîtres à Timothée, saint Paul a interposé le mot de miséricorde. « Grâce, miséricorde, paix de la part de Dieu le Père, et de la part de Jésus-Christ Notre-Seigneur[1] » c’est qu’écrivant en quelque sorte à Timothée avec plus de familiarité et de tendresse, il a interposé cette expression qui révèle et montre clairement que le Saint-Esprit nous est donné, non pas comme une récompense de nos bonnes œuvres précédentes, mais par la miséricorde divine, afin tout à la fois d’effacer les péchés qui nous séparaient de Dieu, et de nous réconcilier avec lui pour lui demeurer étroitement unis.

12. La Trinité dans les salutations des autres Apôtres. — Les autres Épîtres des Apôtres, reçues par la coutume de l’Église, rappellent aussi la Trinité dès leur début et d’une manière assez frappante. Saint Pierre dit d’abord : « Que la grâce et la paix vous soient données avec abondance » et il ajoute aussitôt : « Béni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ[2]. » Ainsi après avoir désigné le Saint-Esprit sous le nom de grâce et de paix, il nomme expressément le Père et le Fils, pour rappeler à notre esprit la Trinité des personnes. Dans sa deuxième Épître il écrit : « Que la grâce et la paix s’accroissent en vous par une connaissance nouvelle de Dieu et de Jésus-Christ[3]. » À la vérité, saint Jean a omis, pour un motif que j’ignore, de commencer de cette manière ; cependant il n’a pas manqué de faire, aussi bien que les autres, une mention expresse de la Sainte-Trinité. Mais au lieu de dire : La grâce et la paix, il a employé le mot de société : « Nous vous annonçons, dit-il, ce que nous avons vu, afin, que vous entriez vous-mêmes en société avec nous, et que notre société soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ[4]. » Dans la seconde de ses Épîtres, le même Apôtre s’exprime en des termes semblables à ceux de saint Paul dans les deux Epîtres à Timothée : « Que la grâce, dit-il, que la miséricorde et la paix soient avec vous de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ, Fils du Père[5]. » Enfin au commencement de sa troisième Épître, saint Jean ne dit pas un mot de la Sainte-Trinité, par la raison, si je ne me trompe, que cette Épître est extrêmement courte. Voici les premières paroles : « Le vieillard au très cher Gaiüs, que j’aime dans la vérité[6]. » Je crois cependant que le mot de vérité est mis pour la Trinité même. Saint Jude, après avoir nommé Dieu le Père et Notre-Seigneur Jésus-Christ, ajoute ensuite trois mots qui désignent le Saint-Esprit, c’est-à-dire le don de Dieu. Il commence ainsi : « Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, à ceux qu’il aime en Dieu le Père, et qui sont conservés et appelés en Jésus-Christ : que la miséricorde la paix et la charité vous soient données avec abondance[7]. » On ne peut en effet concevoir la grâce et la paix sans la miséricorde et sans la charité. Saint Jacques a commencé son Épître de la manière la plus usitée : « Jacques, serviteur de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, aux douze tribus qui sont dans la dispersion, salut[8]. » S’il s’exprime de cette manière, c’est, je crois, parce que dans sa pensée, il n’y a point de salut si ce n’est dans le don de Dieu, source de la grâce et de la paix. À la vérité, avant de prononcer le mot de salut, il a nommé expressément Dieu et Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais parce que les hommes ne sont sauvés par aucune grâce ni par aucune paix, autre que la grâce et la paix qui viennent de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il me semble avoir mis ici le mot de salut pour désigner la Sainte-Trinité elle-même, comme saint Jean a mis dans sa troisième Epître le mot de vérité.

13. Singulier rapprochement. — Certes je crois devoir rapporter ici ce que mon père Valère a remarqué avec admiration dans une conversation de quelques paysans. Après un échange de salutations mutuelles, le premier demanda au second, qui connaissait la langue latine et la langue punique, comment le mot salus, salut, se traduisait dans cette dernière langue. L’autre répondit qu’il se traduisait par le mot Tria, trois. Rempli de joie en apprenant que notre mot salut désignait la Sainte-Trinité, Valère pensa que ce rapport entre deux mots de langues différentes n’était pas un effet du hasard, mais une disposition secrète de la Providence divine : Dieu ayant voulu que les Carthaginois, lorsqu’ils entendent le mot latin salus, attachent à ce mot le sens de trois ; et réciproquement, que les Latins s’arrêtent au sens de salut, lorsqu’ils entendent les Carthaginois prononcer le mot Tria. Qu’est-ce donc que demandait cette Chananéenne, c’est-à-dire cette femme punique, lorsque sortie des confins de

  1. 1 Tim. 1, 2
  2. 2 Pi. 1, 2
  3. 2 Pi. 1, 2
  4. 1 Jn. 1, 3
  5. 2 Jn. 1, 3
  6. 3 Jn. 1, 1
  7. Jude. 1, 1-2
  8. Jac.. 1,1