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DIX-SEPT QUESTIONS SUR L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU.

Traduit par M. l’abbé POGNON.


Œuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Ve, Commentaires sur l’Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 351-359


PREMIÈRE QUESTION.
—  Les humbles comparés aux Saints Innocents[1]. – Ces enfants, âgés de deux ans et au-dessous, qui sont mis à mort, figurent les humbles, animés du double amour de Dieu et du prochain, et rendus par la même dignes de donner leur sang pour Jésus-Christ, à l’imitation de ces jeunes martyrs.
II. De la prédication de l’Évangile[2]. – Ce que je vous dis dans les ténèbres » c’est-à-dire ; maintenant que vous êtes encore esclaves de la crainte charnelle, parce que la crainte recherche les ténèbres ; « dites-le à la lumière » c’est-à-dire, avec la confiance que donne la vérité, quand vous aurez reçu le Saint-Esprit : « Et ce qu’on vous dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits » en d’autres termes, ce que vous avez entendu dans le secret, annoncez-le, après avoir foulé aux pieds les considérations de la chair.
III. Des divisions qui s’opéreront parmi les hommes, à la suite de la prédication de l’Évangile[3]. – « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ; car je suis venu séparer l’homme d’avec son père. » Celui qui renonce au démon, l’avait en effet pour père. « Et la fille d’avec sa mère : » le peuple de Dieu d’avec la cité de ce monde, je veux dire, la société corrompue du genre humain, appelée dans l’Écriture tantôt Babylone, tantôt l’Egypte, tantôt Sodome, et d’autres noms encore. « La belle-fille d’avec sa belle-mère : » l’Église d’avec la Synagogue, à qui le Christ, qui est l’époux de l’Église, doit sa naissance selon la chair. Or, ces divisions s’opèrent par le glaive spirituel, qui est la parole de Dieu[4]. « Et l’homme aura pour ennemis ceux de sa maison » ceux auxquels les rapports les plus intimes l’unissaient auparavant.
IV. Guérison d’un lépreux[5]. – Étant descendu de la montagne, où il avait enseigné ses préceptes aux disciples et à la foule du peuple, « il guérit un lépreux, aussitôt qu’il eut étendu sa main sur lui : » à ceux qui mettaient en doute qu’on pût accomplir ces mêmes préceptes Jésus-Christ fait entendre par là qu’ils peuvent par son secours, guérir de cette sorte de lèpre.
V. Ce qu’il faut pour suivre Jésus[6]. – Le Seigneur dit au docteur de la loi qui voulait le suivre : « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. » On voit par cette réponse que le scribe touché tes miracles du Seigneur, voulut le suivre, mais seulement dans une pensée de vaine gloire, dont les oiseaux sont la figure : il n’avait des bonnes dispositions d’un disciple que les dehors trompeurs, figurés par les renards. Quant à cette expression : « n’a pas où reposer sa tête » elle marque l’humilité du Sauveur, pour laquelle il n’y avait pas de place dans le cœur de cet homme fourbe et orgueilleux.
VI. Les morts du siècle[7]. – Laissez les morts ensevelir leurs morts. » Jésus-Christ entend par les morts ceux qui ne croient point ; et par cette expression, leurs morts, ceux qui ont quitté la vie sans avoir la foi.
VII. Conduite à tenir par les Apôtres, quand on les repoussera[8]. – Secouez la poussière de vos pieds : » soit en témoignage du travail pénible, vainement entrepris en leur faveur ; soit afin de leur montrer jusqu’à quel point, vous ne voulez tenir d’eux aucun avantage terrestre, puisque vous ne souffrirez pas même que la poussière de leur pays adhère à vos vêtements.
VIII. Prudence du serpent et simplicité de la colombe[9]. – Soyez donc prudents comme des serpents : » gardant la tête, qui est Jésus-Christ, pour vous préserver du mal. Car le serpent expose tout son corps, dans le danger, pour protéger sa tête ; pour se dépouiller de sa peau et en faire une nouvelle, il contraint aussi son corps à passer par d’étroites fissures. C’est ce qu’imitent ceux qui entendent cette parole : « Entrez par la porte étroite[10] » en se dépouillant du vieil homme.

  1. Mt. 2, 16
  2. Id. 10, 27
  3. Id. 34-36
  4. Eph. 6, 17
  5. Mt. 7, 1-3
  6. Mt. 8, 20
  7. Id. 22
  8. Id. 10, 14
  9. Id. 10, 16
  10. Ib 7, 13