Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée


ajoute ici : « Car c’est la loi et les prophètes » tandis qu’en parlant des deux commandements il n’a pas dit simplement : à eux se rattachent la loi et les prophètes, mais : « Toute la loi et les prophètes[1] » c’est-à-dire toutes les prophéties. Et comme il n’emploie pas ici cette expression, « toute » il réserve évidemment la place de l’autre commandement, du commandement de l’amour de Dieu. Pour le moment il s’agit de ce qui regarde ceux qui ont le cœur simple ; et comme il est à craindre que l’on n’ait un cœur double à l’égard de ceux à qui le cœur peut être caché, c’est-à-dire à l’égard des hommes, voilà pourquoi il a fallu donner ce commandement. Car il n’est à peu près personne qui veuille avoir à faire à un cœur double. Or il ne peut se faire qu’un homme accorde quelque chose à un homme avec un cœur simple, s’il n’exclut pas toute vue de profit temporel et n’agit pas avec cette intention désintéressée que nous avons assez longtemps expliquée plus haut, quand nous parlions de l’œil simple.
76. L’œil purifié et rendu simple sera donc capable de voir et de contempler sa lumière intérieure. Car c’est l’œil du cœur. Or celui-là a cet œil, qui pour rendre ses actions vraiment bonnes, ne se propose point pour but de plaire aux hommes, mais, dans le cas où il lui arrive de plaire, y cherche le salut de ses frères et la gloire de Dieu, et non une vaine jactance ; qui ne travaille pas au salut du prochain dans l’intention de se procurer les choses nécessaires à la vie ; qui ne condamne pas témérairement l’intention et la volonté dans un acte où l’intention et la volonté ne sont pas manifestes ; qui rend à l’homme tous les services possibles dans l’intention où il voudrait qu’on les lui rendît, c’est-à-dire sans en attendre aucun profit temporel. Voilà le cœur simple et pur qui cherche Dieu : « Bienheureux donc ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. »

CHAPITRE XXIII. LA PORTE ÉTROITE ET LA PORTE LARGE.


77. Mais, comme c’est là le partage d’un petit nombre, le Seigneur commence à parler de la recherche et de la possession de la sagesse, qui es l’arbre de vie. Or, pour la rechercher et la posséder, c’est-à-dire la contempler, l’œil a été préparé par tout ce qui a été dit plus haut, de manière à connaître la voie resserrée et la porte étroite. Et c’est ce que dit ensuite le Seigneur Entrez par la porte étroite ; parce que large est la porte et spacieuse la voie qui conduit à la perdition, et nombreux, sont ceux qui entrent par elle. Combien est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie et qu’il en est peu qui la trouvent ! » Il ne dit pas pour cela que le joug du Seigneur soit dur ni son fardeau pesant ; mais seulement que bien peu veulent supporter le fardeau jusqu’au bout, faute d’une foi suffisante en celui qui crie : « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur : car mon joug est doux et mon fardeau léger[2]. » C’est précisément par là que ce sermon a commencé, en parlant de ceux qui sont humbles et doux. Mais beaucoup rejettent, bien peu acceptent ce joug si doux, ce fardeau si léger ; et voilà pourquoi resserrée est la voie qui conduit à la vie, et étroite est la porte par laquelle on y entre.

CHAPITRE XXIV. PRENDRE GARDE AUX FAUX PROPHÈTES.


78. Il faut donc surtout se tenir en garde contre ceux qui promettent la sagesse et la connaissance de la vérité qu’ils n’ont pas, comme les hérétiques, par exemple, qui le plus souvent essaient de se recommander par leur petit nombre. Aussi, après avoir dit que bien peu trouvent la porte étroite et la voie resserrée ; de peur que ces sectaires ne s’imaginent être ce petit nombre, le Christ ajoute : « Gardez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, tandis qu’au dedans ce sont des loups ravisseurs. » Mais ces loups ne trompent pas l’œil simple, qui sait distinguer l’arbre à ses fruits : car, dit le Seigneur, « Vous les connaîtrez à leurs fruits. » Puis il ajoute des comparaisons : « Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des ronces ? Ainsi tout arbre bon produit des fruits bons ; mais tout mauvais arbre produit de mauvais fruits. « Un arbre bon ne peut produire de mauvais fruits, ni un arbre mauvais produire de bons fruits. Or tout arbre quine produit pas de bon

  1. Mt. 22, 37-40
  2. Mt. 11, 28-30