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été donné par l’ange. Mais voici que saint Luc et saint Jean nous affirment clairement que le jour même de la résurrection le Seigneur apparut à ses disciples, dans la ville même de Jérusalem : or à la distance qui sépare la Galilée de Jérusalem, comment admettre que les disciples le virent, le même jour, dans chacun des deux pays ? Enfin saint Marc, qui cependant rapporte la prédiction de l’Ange, ne nous parle d’aucune apparition en Galilée. Tout cela dès lors nous impose la nécessité d’examiner le sens de ces paroles : « Voici qu’il vous précède en Galilée, et là vous le verrez. » Si saint Matthieu ne nous disait pas que les onze disciples se retirèrent sur une montagne en Galilée, que le Sauveur leur apparut et qu’ils l’adorèrent, nous jugerions que la prophétie ne reçut aucun accomplissement littéral et dès lors qu’elle doit être interprétée dans un sens figuré. Nous raisonnerions sur cette prophétie comme sur celle-ci, rapportée pas saint Luc : « Voici qu’aujourd’hui et demain je chasse les démons et rends la santé, et le troisième jour je suis consommé ; » ce qui ne s’est pas accompli à la lettre[1]. De même, si l’Ange avait dit : Il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez d’abord ; ou bien : Là seulement vous le verrez, ou erre : Vous ne le verrez que là ; saint Matthieu serait évidemment en contradiction avec les autres Évangélistes. Mais il dit, sans aucune espèce d’exclusion : « Voilà qu’il vous précède en Galilée, là vous le verrez ; » il ne précise pas le temps où cette prophétie doit s’accomplir, si ce sera immédiatement et avant que Jésus leur apparaisse ailleurs ; ou bien si ce sera après qu’ils l’auront déjà vu en dehors de la Galilée. Enfin, en racontant que les disciples sont allés sur une montagne en Galilée, saint Matthieu n’indique pas le jour où ce voyage s’est accompli, et il n’y a rien dans sa narration qui force à croire que ce fut là le premier acte et la première démarche après la résurrection. De là je conclus que la narration de saint Matthieu n’est point en contradiction réelle avec celle des autres Évangélistes, et donne toute faculté pour les interpréter et les expliquer. Cependant s’il n’est pas dit explicitement en quel endroit le Seigneur doit d’abord apparaître en Galilée, comme l’ange l’avait annoncé positivement : « Voici qu’il vous précède en Galilée, là vous le verrez ; » Jésus avait dit lui-même : « Allez, dites à mes frères qu’ils aillent en Galilée, là ils me verront. » Il est naturel, après cela, pour peu qu’on y réfléchisse, de se demander quel mystère est renfermé dans ces paroles.

81. Mais voyons d’abord quand le Sauveur a pu se montrer corporellement en Galilée, d’après ces paroles de saint Matthieu : « Or onze disciples se retirèrent en Galilée sur la montagne que Jésus leur avait déterminée ; en le voyant ils l’adorèrent ; quelques-uns cependant doutèrent encore. » Il est d’abord certain que ceci n’eut pas lieu le jour même de la résurrection, car saint Luc et saint Marc nous disent d’une manière formelle, que le jour de la résurrection, à la nuit tombante, Jésus apparut à set disciples dans la ville même de Jérusalem. Saint Marc n’est pas aussi explicite. Quand donc le Seigneur apparut-il en Galilée ? Il ne peut être question ici de l’apparition qui eut lieu auprès de la mer de Tibériade et que nous rapporte saint Jean ; car les apôtres n’étaient alors qu’au nombre de sept et se livraient à la pêche ; tandis que dans l’apparition dont il nous parle, saint Matthieu déclare qu’ils étaient onze sur la montagne, où Jésus les avait précédés, selon la prédiction de l’Ange. En effet, la narration fait supposer qu’ils y trouvèrent Jésus et qu’il les y avait précédés, comme on en était convenu par avance. Cette apparition n’eut donc pas lieu le jour même de la résurrection ; elle ne se fit pas davantage dans les huit jours qui suivirent, car saint Jean nous raconte que, le huitième jour, le Seigneur apparut à ses disciples, et qu’il rencontra pour la première fois saint Thomas qui ne l’avait pas vu le jour de sa résurrection. Or, si cette apparition eut lieu pendant les huit jours qui suivirent la résurrection, comment expliquer que saint Thomas qui était un des onze ne l’avait pas vu ? À moins qu’on ne réponde que onze personnes se trouvaient en effet sur la montagne, mais que ce nombre était formé d’apôtres et de disciples. Il n’y avait que onze apôtres, mais les apôtres n’étaient pas les seuls disciples de Jésus. Si donc il y avait des Apôtres et des disciples pour former ce nombre onze, il est possible que saint Thomas eût encore été absent et que ce fut seulement le huitième jour qu’il vit Jésus pour la première fois. D’ailleurs quand saint Marc parle des onze apôtres il particularise : les onze. » Saint Luc dit de même : « Ils rentrèrent à Jérusalem et y trouvèrent les onze assemblés et ceux qui étaient avec eux. » C’est dire clairement que par ces onze il entend parler des apôtres, à qui,

  1. Ci-dessus, 1. 2, c. 75, n. 115