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là ce mot de saint Mare : « Ils ne le crurent pas. » C’est alors qu’eut lieu la dernière apparition du jour ; les disciples étaient à table, d’après saint Marc, ils s’entretenaient entre eux, nous dit saint Luc ; le Sauveur se tint de bout au milieu d’eux et leur dit : La paix soit avec vous, disent également saint Luc et saint Jean ; de plus les portes étaient fermées, c’est saint Jean seul qui nous en fait la remarque. Aux paroles que nous avons citées de saint Luc et de saint Jean, il faut donc joindre encore les reproches que leur attira, selon saint Marc, le refus qu’ils firent de croire au témoignage de ceux qui avaient vu Jésus ressuscité.

76. Mais voici une nouvelle difficulté. Comment saint Marc peut-il dire que le Sauveur apparut aux onze apôtres, quand ils étaient à table, si cette apparition se confond avec celle dont parlent saint Luc et saint Jean et qui eut lieu le soir du jour de la résurrection ? En effet, saint Jean dit clairement qu’au moment de cette apparition Thomas était absent ; et en réalité nous croyons qu’il quitta ses frères après l’arrivée des deux disciples d’Emmaüs, et avant l’apparition de Jésus-Christ. Saint Luc dans sa narration laisse croire, de même, que Thomas était parti, pendant que les deux disciples parlaient, et avant que le Sauveur entrât. Et voici saint Marc qui affirme qu’en dernier lieu Jésus apparut aux onze réunis à table, ce qui nous force de conclure que Thomas était avec eux. À cela on peut d’abord répondre que malgré cette précision du nombre onze, on peut admettre l’absence de saint Thomas, parce que ce nombre était alors la dénomination reçue pour désigner le collège apostolique, avant l’élection de saint Matthias en remplacement de Judas. Si cette interprétation parait forcée, regardons cette apparition dont parle saint Marc comme ayant eu lieu, après une multitude d’autres, le quarantième jour qui suivit la résurrection. Comme alors le Sauveur était sur le point de monter au ciel, il saisit l’occasion pour adresser publiquement un reproche d’incrédulité à ceux qui avaient refusé de croire à sa résurrection avant de l’avoir vu ressuscité ; et pour rendre ce reproche encore plus vif, il leur annonce : que quand ils prêcheront l’Évangile, ils verront les nations croire sans avoir vu. Et en effet, le reproche est immédiatement suivi de ces paroles : « Et Jésus leur dit : Allez par tout le monde, prêchez l’Évangile à toute créature ; celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné. » Bientôt ils vont prêcher que celui qui ne croira pas sera condamné, même en refusant de croire ce qu’il n’a pas vu ; comment d’abord ne pas leur reprocher à eux-mêmes, d’avoir refusé de croire au témoignage de ceux qui avaient vu le Seigneur, avant de l’avoir vu ?

77. Ce qui nous détermine encore à croire que cette apparition de saint Marc a été réellement la dernière apparition corporelle de Jésus, ce sont les paroles dont saint Marc la fait suivre : « Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront de nouvelles langues ; ils enlèveront les serpents, et s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains sur les malades, et ceux-ci seront guéris. » L’Évangéliste ajoute immédiatement : « Et le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, « fut élevé au ciel, où il est assis à la droite de Dieu. Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux et confirmant sa parole par les miracles qui l’accompagnaient. » En disant : « Et le Seigneur Jésus, « après leur avoir parlé, fut élevé au ciel », l’évangéliste veut-il nous faire entendre que ce fut là le dernier discours qu’il leur adressa sur la terre ? C’est plus naturel de le croire ; cependant rien ne force absolument à tirer cette conclusion. En effet, l’auteur ne dit pas : Après que Jésus leur eut ainsi parlé ; mais seulement : « Après qu’il leur eut parlé. » Si la nécessité y contraignait, on pourrait donc encore, malgré ces paroles, croire que ce ne fut pas là le dernier entretien du Sauveur, ni le dernier jour qu’il passa sur la terre ; l’Évangile, par ces expressions : « Après qu’il leur eut parlé », aurait seulement fait allusion à tous les entretiens qu’eut Jésus avec ses disciples pendant ces quarante jours. Mais nous avons dit précédemment que la clarté avec laquelle saint Marc suppose la présence de saint Thomas à cette apparition et à cet entretien, nous amène à conclure qu’il est vraiment question ici des derniers moments que le Sauveur passa sur la terre. C’est donc après ces paroles et les autres détails, que nous rapportent les Actes des Apôtres[1], que le Sauveur monta au ciel, le quarantième jour qui suivit sa résurrection.

78. Saint Jean, tout en avouant qu’il a passé

  1. Act. 1, 4-8