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je vais vous envoyer le don que mon Père vous a promis ; cependant tenez-vous dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. » C’est ainsi que saint Luc mentionne la promesse du Saint-Esprit, que nous ne trouvons faite par le Seigneur que dans l’Évangile de saint Jean[1]. Ceci nous prouve de nouveau que les Évangélistes s’appuient l’un l’autre, même dans ce qu’ils ne disent pas personnellement, quoiqu’ils sachent que telle parole a été dite, ou telle action faite. Saint Luc ne dit plus rien des apparitions du Sauveur, il transporte subitement son récit à l’ascension de Jésus au ciel. Et cependant ce récit continue sans aucune suspension, quoiqu’il sût fort bien que ce qu’il venait de raconter s’était passé le jour même de la résurrection et que l’ascension n’eut lieu que quarante jours après, comme il l’atteste lui-même dans le livre des Actes9. Quant à saint Jean, il nous rapporte que Thomas n’était pas avec les autres, à cette apparition du Sauveur, et saint Luc nous avait dit qu’à leur retour à Jérusalem, les deux disciples d’Emmaüs avaient trouvé réunis les onze et ceux qui étaient avec eux. Il faut en conclure que Thomas sortit avant que se montrât le Sauveur.

75. Saint Jean nous décrit ensuite une autre apparition du Sauveur à ses disciples. Elle eut lieu huit jours après, et cette fois Thomas était présent : « Huit jours après, dit-il, les disciples étaient de nouveau enfermés et Thomas avec eux. Jésus apparut, les portes étant closes, se tint au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit avec vous. Il dit ensuite à Thomas : Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main et plonge-la dans mon côté, et ne sois point incrédule, mais fidèle. Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Jésus lui dit Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru.[2] » Cette apparition, que saint Jean nous présente comme étant la seconde du Sauveur, se trouverait brièvement rapportée par saint Marc quand il dit, avec sa concision ordinaire : « Comme les onze étaient à table, Jésus leur apparut une dernière fois. » Sans doute saint Jean ne dit pas que les disciples étaient à table, mais il a pu omettre cette circonstance. Quant au mot : « Une dernière fois » ce qui supposerait que le Sauveur ne leur apparut plus, doit-il nous empêcher de rapporter cette apparition à la seconde de saint Jean, qui en décrit une troisième auprès de la mer de Tibériade ? Du reste saint Marc ajoute Il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, par ce qu’ils n’avaient point cru au témoignage de ceux qui l’avaient vu ressuscité. » Il s’agit ici du témoignage des deux disciples d’Emmaüs, de Pierre à qui le Sauveur apparut d’abord, selon saint Luc, et peut-être aussi de celui de Marie-Magdeleine et des autres femmes qui étaient avec elle quand elles virent le Sauveur auprès du tombeau et pendant leur retour à Jérusalem. Enfin l’auteur unit étroitement ce récit à ce qu’il vient de dire des disciples d’Emmaüs : « En dernier lieu, dit-il, il apparut aux onze lorsqu’ils étaient à table. Il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient point cru au témoignage de ceux qui l’avaient vu ressuscité. » Ce mot : « en dernier lieu », ne doit pas s’appliquer à une dernière apparition ; car la dernière apparition eut lieu seulement quarante jours après la résurrection, le jour même de l’ascension. Ce jour là le Sauveur devait-il leur reprocher de n’avoir pas cru au témoignage de ceux qui l’avaient vu ressuscité, quand ils l’avaient vu eux-mêmes si souvent depuis, quanti ils l’avaient vu surtout le soir même du jour de la résurrection, le premier jour de la semaine, comme saint Luc et saint Jean nous – l’attestent ? Par conséquent, c’est le jour même de la résurrection ou le premier jour de la semaine, le jour où Marie-Magdeleine et les autres femmes virent le Sauveur de grand matin ; le jour où le virent saint Pierre d’abord, puis les deux disciples d’Emmaüs dont semble parler saint Marc, enfin vers le soir les onze, excepté Thomas, et ceux qui étaient réunis avec eux quand ces disciples leur racontaient ce qu’ils avaient vu, que Saint Marc a voulu désigner brièvement à son ordinaire, dans les paroles que nous examinons. Ce mot employé par lui : « en dernier lieu », signifie seulement que ce fut là le dernier événement du jour, et que la nuit commençait déjà, ce qui suivit d’assez près le retour des disciples d’Emmaüs. Ceux-ci, en rentrant à Jérusalem, trouvèrent les disciples réunis et s’entretenant de la résurrection et de l’apparition faite à Pierre ; ils racontèrent eux-mêmes avec empressement ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils avaient reconnu Jésus à la fraction du pain. Malgré tous ces témoignages il s’en trouvait encore qui refusaient de croire, et de

  1. Jn. 14, 26 ; 15, 26
  2. Act. 1, 2-9