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qui nous rapporte ces circonstances, nous n’avons pas à craindre qu’il soit en contradiction avec les autres évangélistes. Il ajoute : « Quant au Centurion et ceux qui gardaient Jésus avec lui, à la vue du tremblement de terre et de tout ce qui se passait ils éprouvèrent une grande crainte et s’écrièrent : Il était vraiment le Fils de Dieu[1]. » Saint Marc s’exprime ainsi : « Le Centurion, qui se tenait en face, voyant que Jésus était mort en jetant un aussi grand cri, se dit : Vraiment cet homme était le Fils de Dieu[2]. » Saint Luc : « Le Centurion voyant ce qui s’était passé, glorifia Dieu en disant : Vraiment cet homme était un juste[3]. » D’après saint Matthieu la cause de l’admiration du Centurion et de ceux qui l’accompagnaient ce fut le tremblement, de terre ; d’après saint Luc, ce fut d’entendre Jésus pousser un grand cri en expirant, ce qui montrait que le moment de sa mort était en son plein pouvoir. Or, je dis qu’il n’y a en tout cela aucune ombre de contradiction ; en effet, saint Matthieu ne mentionne pas seulement le tremblement de terre, il ajoute : « Et ce qui s’était passé. » Or rien ne pouvait mieux confirmer le récit de saint Luc, puisque si, d’après ce dernier, le Centurion admira la mort du Sauveur, c’est que cette mort devait compter parmi les merveilles qui s’étaient passées. Saint Matthieu ne détaille pas tous ces prodiges, admirés par le centurion et par les soldats ; mais les narrateurs n’étaient-ils pas libres de signaler à leur gré tel miracle plutôt que tel autre ? Quelle contradiction peut-il y avoir si l’un nous parle de tel prodige et l’autre de tel autre, puisque ce sont tous ces prodiges qui ont soulevé l’admiration ? Selon saint Matthieu le centurion dit : « Vraiment il était le Fils de Dieu ; » selon saint Marc, il se serait écrié : « Cet homme était vraiment le Fils a de Dieu. » Mais il est facile de remarquer qu’il n’y a pas plus de contradiction ici que nous n’en avons trouvé dans beaucoup de passages examinés précédemment et que peut se rappeler le lecteur ; que ces paroles expriment la même pensée et qu’elle ne change pas, quoiqu’un des évangélistes dise cet homme, tandis que l’autre ne le dit pas. Mais n’y a-t-il pas une opposition véritable entre ces deux évangélistes et saint Luc qui prête au Centurion les paroles suivantes : « Celui-ci était juste », sans lui faire dire qu’il était le Fils de Dieu ? Et d’abord rien n’empêche de croire que le Centurion a réellement dit du Sauveur qu’il était juste et aussi Fils de Dieu, quoique chaque évangéliste ait omis de citer ces paroles tout entières. Ou bien on peut répondre aussi que saint Luc a voulu donner la raison qui a fait dire au Centurion que Jésus était Fils de Dieu. Peut-être en effet qu’il ne le croyait pas égal à son Père et qu’il ne voyait en lui qu’une filiation spirituelle et morale à cause de sa sainteté même, comme on dit de beaucoup de justes qu’ils sont les enfants de Dieu. D’un autre côté, saint Luc par cette expression générale : « Le Centurion voyant ce qui s’était passé », résume tous les prodiges qui venaient de s’accomplir à l’heure même. Si donc il n’en spécifie qu’un, c’est qu’il les regarde tous comme ne formant qu’un seul et même tout. Saint Matthieu adjoint au Centurion les soldats qui l’accompagnaient, tandis que les autres gardent le silence sur ce point ; mais nous avons déjà dit, que sans impliquer aucune contradiction, l’un peut dire ce que l’autre tait. Enfin saint Matthieu dit des assistants qu’ils furent saisis d’une grande crainte, tandis que saint Luc dit du Centurion qu’il glorifia Dieu ; mais il est facile de comprendre que c’est par sa crainte elle-même, qu’il glorifia Dieu.

CHAPITRE XXI. LES SAINTES FEMMES AU CALVAIRE.

58. Selon Saint Matthieu : « Il y avait aussi là, mais éloignées, plusieurs femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus, pour le servir ; de ce nombre étaient Marie-Magdeleine, Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée[4]. » Selon saint Marc : Il y avait là des femmes qui regardaient de loin ; de ce nombre étaient Marie-Magdeleine, Marie mère de Jacques le mineur et de Joseph et Salomé. Pendant qu’il était dans la Galilée elles le suivirent pour le servir ; et plusieurs autres encore qui étaient venues avec Jésus à Jérusalem[5]. » Je ne vois pas que l’on puisse relever la moindre contradiction entre ces deux textes, car qu’importe que tel auteur se contente de constater la présence de certaines femmes, tandis qu’un autre les désigne par leur nom ? La vérité n’a rien à y voir. Voici le récit de saint Luc : « Et la foule de ceux qui assistaient à ce spectacle et qui voyaient ce qui ce passait, s’en

  1. Mat. 27, 51-54
  2. Mrc. 15, 39
  3. Luc. 23, 47
  4. Mat. 27, 55
  5. Mrc. 15, 40,41