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34. Voici le récit des mêmes événements en saint Luc : « Ils se mirent donc à l’accuser en disant : Nous l’avons trouvé soulevant le peuple, défendant de payer le tribut à César et disant qu’il est le Christ-Roi. » Les deux premiers évangélistes s’étaient contentés de dire, en général, que les Juifs accusaient le Sauveur ; saint Luc va plus loin, il précise les chefs d’accusation portés contre lui. Puis, taisant cette demande de Pilate : « Ne réponds-tu rien ? ne vois-tu pas toutes les accusations formulées contre toi ? » il ajoute avec les autres évangélistes Pilate lui demanda : Es-tu le Roi des Juifs ? Et Jésus lui répondit : Tu le dis. » Saint Matthieu et saint Marc relatent cette réponse, avant de parler du silence gardé par Jésus en face de ses accusateurs. Mais la vérité n’a pas à souffrir de ce que saint Luc raconte les faits dans tel ou tel ordre, ou de ce que l’un tait ce que l’autre rapporte. Saint Luc continue ainsi : « Pilate dit aux princes des prêtres et à la foule : Je ne trouve aucun sujet de condamnation dans cet homme. Et les autres de s’indigner plus fort en disant : Il soulève le peuple par les enseignements qu’il répand dans toute la Judée, en commençant par la Galilée. À ce mot de Galilée, Pilate demanda s’il était Galiléen ; et dès qu’il sut qu’il était de la dépendance d’Hérode, il le lui renvoya, car Hérode était lui-même, dans ces jours, à Jérusalem. Hérode fut très-content de voir Jésus ; car il y avait longtemps qu’il désirait le rencontrer et qu’il espérait lui voir faire quelque miracle. Il lui adressa donc une foule de que : fions ; mais Jésus ne lui fit aucune réponse. Cependant les princes des prêtres et les scribes étaient là qui l’accusaient avec une grande opiniâtreté. Hérode le méprisa, imité en cela par toute son armée, le traita avec moquerie, le revêtit d’une robe blanche et le renvoya à Pilate. Et dès ce moment Hérode et Pilate devinrent amis, car avant cela ils étaient ennemis. » Ce renvoi de Dilate à Hérode ne nous est rapporté que par saint Luc, qui insère pourtant dans ce récit des traits analogues à ce que rapportent ailleurs les autres évangélistes ; car ceux-ci n’ont voulu nous raconter que ce qui s’est passé au tribunal de Pilate jusqu’à la condamnation. Après cette digression du renvoi à Hérode, saint Luc reprend le récit de ce qui s’est passé an tribunal de Pilate et continue ainsi : « Pilate ayant donc convoqué les princes de prêtre, les magistrats et le peuple, leur dit : Vous m’avez présenté cet homme comme pervertissant le peuple ; je l’ai interrogé moi-même en votre présence, et dans tout ce que vous alléguez contre lui je ne trouve pas de quoi le mettre eu cause. » On voit que saint Luc ne parle pas de la question posée au Seigneur par Pilate pour lui demander ce qu’il avait à répondre. Saint Luc continue : « Ni Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui et on n’a rien pu produire qui fût de nature à faire condamner cet homme à mort. Je vais donc le faire flageller et je le renverrai. Or, il était obligé de délivrer, le jour de la fête, un prisonnier. La foule s’écria comme un seul homme : Fais mourir celui-ci et remets-nous Barabbas, qui avait été jeté en prison comme coupable d’avoir excité une sédition dans la ville, et commis homicide. Pilate leur parla de nouveau, voulant renvoyer Jésus. Mais ils s’écriaient : Crucifie, crucifie-le. Il leur parla une troisième fois et leur dit : Quel mal a-t-il donc fait ? Car je ne trouve en lui aucune cause de mort ; je le châtierai donc et le mettrai en liberté. Mais la foule redoublait ses cris, demandant qu’il fût crucifié, et leurs clameurs s’élevaient toujours davantage. » Saint Matthieu à résumé en quelques mots les efforts tentés par Hérode pour délivrer Jésus : « Pilate, dit-il, voyant qu’il ne gagnait rien, et que le tumulte allait toujours croissant. » Ces paroles supposent en effet que Pilate fit de violents efforts pour obtenir cette délivrance ; seulement l’écrivain sacré ne nous dit pas le nombre de fois qu’il renouvela ses tentatives. Saint Luc achève ainsi le récit de ce qui s’est passé chez Pilate : « Celui-ci, dit-il, consentit à ce qui lui était demandé. Il leur remit celui qui avait été jeté en prison, pour crime de sédition et de meurtre, et il abandonna Jésus à leur volonté[1]. »

35. Voyons maintenant comment saint Jean raconte cette même scène du prétoire : « Ils n’entrèrent pas au prétoire, de crainte de se souiller et afin de pouvoir manger la Pâque Pilate s’avança donc vers eux et leur dit : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? Ils lui répondirent : Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne te l’aurions point livré. » N’y a-t-il pas ici une contradiction entre saint Jean et saint Luc ? Car ce dernier spécifie

  1. Luc. 23, 2-25