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était entendu dans cette cour extérieure par les Juifs, ni par conséquent que son regard ait été un regard corporel. Écoutons plutôt le récit de saint Matthieu : « Alors ils lui crachèrent au visage et le couvrirent de soufflets ; d’autres le frappèrent en disant : Prophétise maintenant, ô Christ, et dis-nous quel est celui qui t’a frappé. » Puis il ajoute immédiatement : « Or Pierre se tenait au-dehors dans la cour. » Il faut nécessairement en conclure que Jésus était à l’intérieur. 2 faudrait même croire, d’après saint Marc, que Jésus était dans la partie la plus élevée de l’habitation. En effet, voici ce que dit saint Marc après avoir rapporté la scène décrite par saint Matthieu : « Et comme Pierre se tenait dans la cour en bas. » En disant : « Pierre se tenait au-dehors, dans la cour », saint Matthieu indique clairement que la scène d’outrages avait lieu dans l’intérieur ; de même en disant : « Et comme Pierre était dans la cour en bas », saint Marc montre que les faits qu’il vient de raconter, se sont passés dans la partie supérieure. Comment donc le regard du Seigneur sur Pierre a-t-il pu être un regard corporel ? Aussi me semble-t-il que ce regard ne fut qu’un regard divin qui rappelait à l’apôtre le nombre de ses reniements, la prédiction du Sauveur ; et, par l’infinie miséricorde de Dieu, ce regard amenait Pierre à la pénitence, et la lui rendait salutaire. C’est ainsi que chaque jour nous disons : Seigneur regardez-moi ; celui que le Seigneur a regardé a été délivré par la miséricorde divine du danger, ou de la souffrance. De même donc que nous lisons : « Regardez et exaucez-moi[1] », et encore : « Tournez-vous, « Seigneur, et délivrez mon âme[2] », dans le même sens il a été dit : « Le Seigneur s’étant retourné regarda Pierre, et Pierre se souvint de la parole de Jésus. » Il est à remarquer, enfin, que tandis que les évangélistes emploient plus souvent le nom de Jésus que celui de Seigneur, saint Luc emploie ici cette dernière expression : « Le Seigneur s’étant retourné regarda Pierre, et Pierre se souvint de la parole du Seigneur. » Comme saint Matthieu et saint Marc gardent le silence sur ce regard, il n’est pas étonnant de leur entendre dire que Pierre se souvint de la parole, non pas du Seigneur, mais de Jésus. Ne devons-nous donc pas comprendre que ce regard de Jésus fut tout divin et nullement charnel ?


CHAPITRE VII. JUGEMENT DU MATIN. – JÉRÉMIE CITÉ AU LIEU DE ZACHARIE.

27. Nous lisons dans saint Matthieu : « Le lendemain, de grand matin, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus, pour le livrer à mort. Puis ils le garrottèrent, l’emmenèrent enchaîné, et le remirent au gouverneur Ponce-Pilate[3]. » Saint Marc raconte ainsi le même fait : « Dès le matin, les princes des prêtres tinrent conseil avec les anciens du peuple et tout le sanhédrin, conduisirent Jésus enchaîné et le livrèrent à Pilate[4]. » Après avoir raconté le reniement de Pierre, saint Luc récapitule ce qui s’est fait dès le matin à l’égard de Jésus et lie ainsi sa narration. « Ceux qui le gardaient se mirent à l’insulter et à le maltraiter ; ils lui voilèrent la tête et le frappant au visage ils lui disaient : « Prophétise ; quel est celui qui t’a frappé ? Et ils ajoutaient à cela beaucoup d’autres blasphèmes. Et dès que le jour fut venu, les anciens du peuple, les princes des prêtres et les Scribes se réunirent et le conduisirent au conseil, en disant : Si tu es le Christ, dis-le-nous. Jésus leur répondit : Si je vous le dis, vous ne me croirez pas, et si je vous interroge, vous ne me répondrez rien et vous ne me renverrez pas. Mais désormais, le Fils de l’homme sera assis à la droite de la majesté divine. Ils lui dirent tous : Tu es donc le Fils de Dieu ? Il leur répondit : Vous le dites et je le suis. Ils s’écrièrent : Qu’avons-nous encore besoin d’autre témoignage, car nous venons d’entendre ses propres paroles ? Toute la multitude se leva et ils le conduisirent à Pilate[5]. » Tel est le narré de saint Luc ; c’est la confirmation de ce qui est rapporté par saint Matthieu et par saint Marc sur l’interrogation adressée au Seigneur au sujet de sa filiation divine : « Je vous déclare, répond le Sauveur, que vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la majesté divine et venant sur les nuées du ciel. » Ceci dut se passer au lever du jour, suivant cette parole de saint Luc : « Dès qu’il fut jour. » Du reste son récit est le même que celui des autres évangélistes, excepté qu’il mentionne certains détails sur lesquels les autres gardent le silence. Toujours est-il que tout ce qui regarde

  1. Psa. 12, 4
  2. Psa. 6, 6
  3. Mat. 27, 1-40
  4. Mrc. 15, 1
  5. Luc. 22, 63 ; 22, 1