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d’un grand nombre[1]. » C’est en suivant cet ordre que saint Marc fait dire aux fils de Zébédée ce qu’en saint. Matthieu ils expriment non point par eux-mêmes mais par leur mère, lorsque celle-ci expose leur désir au Seigneur. Aussi saint Marc, pour abréger, les fait-il parler plutôt que leur mère, et dans saint Matthieu comme dans saint Marc, c’est à eux plutôt qu’à la mère que le Seigneur répond. Quant à saint Luc, il rapporte dans le même ordre les prédictions faites aux douze disciples sur la Passion et la Résurrection ; mais il omet ce qui vient à la suite dans les autres, qui après ces détails se retrouvent avec lui devant Jéricho[2]. Ce que saint Matthieu et saint Marc disent des chefs des nations qui dominent leurs sujets, tandis qu’il n’en sera pas ainsi parmi eux où le plus grand devra être le serviteur des autres, saint Luc, le rapporte dans les mêmes termes, mais non pas au même endroit[3], et la marche même indique suffisamment que le Seigneur a exprimé cette pensée à deux reprises différentes.

CHAPITRE LXV. AVEUGLES DE JÉRICHO.

125. Saint Matthieu continue : « Lorsqu’ils sortaient de Jéricho une grande foule le suivit : et voilà quo deux aveugles, assis sur le bord du chemin, entendirent que Jésus passait. Et ils élevèrent la voix, disant : Seigneur, fils de David, ayez pitié de nous, ». etc, jusqu’à, ces paroles : « Et aussitôt ils recouvrèrent la vue, et le suivirent[4]. » Saint Marc rapporte le même fait, mais ne mentionne qu’un seul aveugle[5]. À cette difficulté nous répondrons, comme déjà nous avons répondu, au sujet des deux possédés que tourmentait une légion de démons au pays des Géraséniens[6]. De ces deux aveugles qui paraissent ici, l’un était en effet très-connu dans la ville, son nom était dans toutes les bouches ; c’est ce que saint Marc donne à entendre en le nommant ainsi que son père ; ce qui s’est fait rarement, car malgré le grand nombre de malades précédemment guéris parle Seigneur, l’Évangile n’appelle par son nom que Jaïre, dont Jésus ressuscita la fille[7] : et ceci confirme notre sentiment, puisque ce chef de synagogue était un grand du pays. Donc sans aucun doute, ce Bartimée fils de Timée avait été autrefois dans la prospérité, et la misère dans laquelle il était tombé avait eu un grand retentissement, non-seulement parce qu’il était devenu aveugle, mais parce qu’il était assis demandant l’aumône. Tel est le motif pour lequel saint Marc n’a désigné que lui par son nom. Le miracle qui lui rendait la vue dût avoir d’autant plus d’éclat, que son malheur était partout connu.

126. Quoique saint Luc raconte un fait entièrement semblable, il faut cependant croire qu’il s’agit d’un autre miracle, accompli dans les mêmes circonstances, mais sur un autre personnage. En effet, saint Luc dit que le prodige eut lieu lorsqu’on approchait de Jéricho[8] ; et les autres, quand on en sortait. D’après le nom de la ville et la parfaite ressemblance du fait on pourrait croire à un seul miracle, mais ce serait établir une contradiction entre les Évangélistes, puisque l’un dit : « Lorsqu’il approchait de Jéricho », elles autres : « Lorsqu’il sortait de Jéricho. » Il n’y aurait pour le croire que ceux qui préfèrent trouver l’Évangile en défaut, plutôt que de convenir que Jésus a fait dans les mêmes circonstances deux miracles parfaitement semblables. Mais tout enfant fidèle de l’Évangile saura facilement ce qu’il doit croire, ce qui est plus conforme à la vérité ; et celui qui aime à contester devra se taire devant ces explications ou au moins réfléchir s’il ne sait garder le silence.


CHAPITRE LXVI. L’ÂNESSE ET SON ANON.

127. Saint Matthieu continue : « Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et qu’ils furent venus à Bethphagé, près du mont des Oliviers, Jésus envoya deux disciples, leur disant : Allez au village qui est devant vous, et soudain vous trouverez une ânesse attachée, et son ânon avec elle ; » etc, jusqu’à ces paroles : « Béni celui qui vient au nom du Seigneur[9]. » Saint Marc suit la même marche dans son récit[10]. Saint Luc s’arrête à Jéricho et raconte ce que les autres ont ici passé sous silence, savoir l’histoire de Zachée, chef des publicains, et quelques paraboles : puis avec eux il parle de l’ânon sur lequel s’assit Jésus[11]. Ne soyons point embarrassés de ce qu’il y a dans saint Matthieu une ânesse et son ânon, tandis que les autres ne font aucune mention de l’ânesse. Mais rappelons-nous la

  1. Mat. 20, 17-28
  2. Luc. 18, 31-35
  3. Id. 22, 24-27
  4. Mat. 20, 29-34
  5. Mrc. 10, 46-52
  6. Ci-dessus ch. 24, 56
  7. Mrc. 5, 22-43
  8. Luc. 18, 35-43
  9. Mat. 21, 1-9
  10. Mrc. 11, 1-10
  11. Luc. 19, 1-38