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du Sauveur, les Apôtres se livraient encore à la pêche[1]. Si donc Jésus-Christ annonça à Pierre que désormais il prendrait des hommes, ce ne fut pas pour lui dire qu’il ne prendrait plus de poissons. Ainsi l’on peut comprendre que les disciples revinrent pêcher selon leur coutume sur la merde Galilée, et qu’ensuite eut lieu ce que rapportent saint Matthieu et saint Marc ; c’est-à-dire que le Seigneur les appela deux à deux, d’abord Pierre et André, puis les fils de Zébédée. Aussi bien cette fois ils n’amenèrent pas leurs barques à terre comme ayant l’intention de revenir un autre jour à la pêche, mais ils suivirent Jésus-Christ comme un maître qui les appelait et leur intimait l’ordre de s’attacher à lui.

CHAPITRE XVIII. DU TEMPS OU JÉSUS-CHRIST SE RENDIT EN GALILÉE.

42. Une autre question se présente. L’Évangéliste saint Jean fait venir Jésus en Galilée avant l’emprisonnement de Jean-Baptiste. Car après avoir rapporté que le Sauveur changea l’eau en vin à Cana de Galilée, puis descendit pour quelques jours à Capharnaüm avec sa mère et ses disciples, il nous le montre allant à Jérusalem pour la fête de Pâque, venant ensuite avec ses disciples habiter et baptiser dans la terre de Judée. C’est alors qu’il dit en continuant son récit : « Or Jean baptisait lui-même à Ennon près de Salim, parce qu’il y avait là beaucoup d’eau : plusieurs y venaient, et y étaient baptisés ; car Jean n’avait pas encore été mis en prison[2]. » Cependant nous lisons dans saint Matthieu : « Ayant appris que Jean avait été arrêté, Jésus se retira en Galilée[3]. » C’est ce que nous lisons pareillement dans saint Marc. Après que Jean eut été mis en prison, dit-il, Jésus vint en Galilée[4]. » Saint Luc de son côté, sans faire aucune mention de l’emprisonnement de Jean-Baptiste, nous dit comme eux, après avoir raconté le baptême et la tentation de Jésus-Christ, que le Sauveur se retira en Galilée. Car voici la suite de sa narration : « Le diable ayant fini de le tenter, s’éloigna de lui pour un temps ; et Jésus, par la vertu de l’Esprit, retourna en Galilée ; et sa réputation se répandit dans tout le pays[5]. » On doit conclure de là non pas que les trois évangélistes contredisent le récit de saint Jean, mais d’abord qu’ils ont omis de rappeler une première apparition du Seigneur en Galilée après son baptême, alors que le précurseur n’avait pas encore été mis en prison ; et secondement que sans rien dire de cette première démarche signalée parle miracle de Cana, ils en ont tout de suite rapporté une autre qui suivit l’emprisonnement de Jean-Baptiste. Saint Jean parle lui-même de cette seconde retraite de Jésus en Galilée après son baptême. « Jésus donc, dit-il, ayant su que les Pharisiens avaient appris qu’il faisait plus de disciples et baptisait plus de personnes que Jean, « bien que Jésus ne baptisât pas, mais ses disciples, quitta la Judée et s’en alla de nouveau en Galilée[6]. » Il nous laisse entendre ici que dès lors Jean-Baptiste était en prison, mais que les Juifs avaient appris que Jésus faisait plus de disciples que n’en avait faits Jean, et baptisait plus de personnes que celui-ci n’en avait baptisées.

CHAPITRE XIX. SERMON SUR LA MONTAGNE.

43. Voyons maintenant si l’Évangéliste saint Matthieu ne semble en rien contredit par les autres, au sujet du long discours que, d’après lui, le Seigneur prononça sur la montagne. Saint Marc n’en dit rien ; il n’a même rien rapporté de semblable, si ce n’est quelques maximes éparses dans son récit, et que le Seigneur aura répétées en d’autres lieux. Il nous permet cependant de voir dans le texte de sa narration la place de ce discours et nous laisse conclure que Jésus-Christ l’a prononcé, mais que lui-même a omis de le reproduire. « Jésus, dit-il, prêchait dans leurs synagogues et par toute la Galilée, et il chassait les démons. » Dans cette prédication de Jésus par toute la Galilée, se trouve compris aussi le discours qu’il fit sur la montagne, et que rapporte saint Matthieu. Carie même saint Marc continue ainsi : « Or, un lépreux vint à lui ; le suppliant et se jetant à genoux il lui dit : Si vous voulez, vous pouvez me guérit[7] ; et il expose de telle sorte ce qu’il dit ensuite de la guérison de ce lépreux qu’on doit le reconnaître pour le même que saint Matthieu dit avoir été guéri, quand, après le discours dont nous parlons, le Seigneur fut descendu de la montagne. Voici en effet le texte de saint Matthieu :

  1. Jn. 21, 3
  2. Jn. 2, 13 ; 3, 22-24
  3. Mat. 4, 12
  4. Mrc. 1, 14
  5. Luc. 4, 13,14
  6. Jn. 4, 1-3
  7. Mrc. 1, 39-40