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y eut des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples[1]. » Si ce fut alors qu’ils crurent en lui, comme l’Évangéliste ledit un peu après, ils n’étaient pas encore ses disciples quand ils furent conviés aux noces. Mais l’écrivain sacré emploie ici une manière de parler que nous employons lorsque nous disons, par exemple, que l’Apôtre Paul reçut le jour à Tarse en de Cilicie[2], quoique Paul n’ait pas été Apôtre en naissant. Quand donc il dit que les disciples de Jésus furent conviés aux noces, nous devons par ce nom de disciples entendre, non pas ce que ces hommes étaient alors, mais ce qu’ils devaient être ensuite. Sans aucun doute ils étaient disciples de Jésus lorsque saint Jean raconta et écrivit cet événement ; et c’est pour cette raison qu’en sa qualité d’historien du passé il leur donne ce titre.

39. « Après cela, continue saint Jean, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples : mais ils n’y demeurèrent pas longtemps[3]. » On ne sait pas si alors Pierre, André et les fils de Zébédée lui étaient déjà attachés Car saint Matthieu rapporte d’abord que Jésus vint habiter à Capharnaüm et ensuite que les ayant trouvés sur leurs barques occupés à pêcher, il leur commanda de le suivre ; tandis que, selon saint Jean, les disciples vinrent avec lui à Capharnaüm. Serait-ce que saint Matthieu rappelle ici un fait que d’abord il avait omis ? Aussi bien, ne dit-il pas : après cela, comme Jésus marchait sur le rivage de la mer de Galilée, il vit deux frères. Mais sans exprimer aucun rapport de temps : « Comme Jésus, dit-il, marchait sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, etc. » Il est donc possible que saint Matthieu, relate en cet endroit non un fait postérieur à ceux dont le narré précède ; mais un fait qu’il a omis auparavant de rapporter. Ainsi rien n’empêche de comprendre que les disciples soient venus à Capharnaüm avec le Sauveur, puisque, selon saint Jean, il s’y rendit accompagné de sa mère et de ses disciples. Qu plutôt ne s’agit-il pas d’autres disciples ? Car Philippe déjà le suivait, puisqu’il l’avait précédemment appelé en lui disant Suis-moi ? » En effet les récits évangéliques ne nous montrent pas quel a été, pour tous les douze Apôtres, l’ordre de leur vocation ; attendu qu’ils ne mentionnent même pas la vocation de tous, mais parlent seulement de celle de Philippe, de Pierre et d’André, des fils de Zébédée et de Matthieu le publicain, lequel se nommait aussi Lévi[4] : Pierre cependant est le premier et le seul qui ait reçu en particulier de la bouche de Jésus-Christ un nom nouveau. Car ce ne fut pas chacun en particulier mais tous deux ensemble, que les fils de Zébédée reçurent le nom de Fils du tonnerre[5].

40. Du reste observons que l’Évangile et les livres Apostoliques nomment disciples de Jésus-Christ, non seulement les douze Apôtres, mais tous ceux qui, croyant au divin maître, étaient par ses leçons formés au royaume des cieux. C’est parmi eux qu’il en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres. Saint Luc, de qui nous apprenons ce fait, dit un peu plus bas : « Il descendit ensuite avec eux et s’arrêta dans la plaine, où il se vit entouré de la foule de ses disciples et d’une grande multitude de peuple[6]. » Assurément l’Évangéliste n’appellerait pas la réunion de douze hommes, une foule de disciples. Plusieurs autres passages des Écritures nous montrent avec non moins d’évidence que le nom de disciples de Jésus appartenait à tous ceux qui apprenaient de lui, discerent, ce qui regarde la vie éternelle.

41. Mais on peut demander comment, d’après les récits de saint Matthieu et de saint Marc, Jésus appela de leurs barques de pêcheurs, d’abord Pierre et André, puis s’étant avancé un peu plus loin, les deux fils de Zébédée ; quand, suivant saint Luc, chacune des barques se trouvant remplie des poissons de la pêche miraculeuse, Pierre fit signe aux fils de Zébédée, Jacques et Jean, ses compagnons, de venir l’aider à retirer les filets : et que tous ensemble ils témoignèrent leur étonnement d’une si grande quantité de poissons, et que tous en même temps quittant leurs barques ramenées à bord, suivirent le Seigneur, bien qu’à Pierre seul il eût dit : « A dater de ce jour tu seras un pêcheur d’hommes. » Il faut donc admettre que le fait rapporté par saint Luc fut antérieur à la vocation formelle des quatre disciples ; que le Seigneur ne les appela point dans cette circonstance à le suivre, mais prédit seulement à Pierre que dorénavant il prendrait des hommes. Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne prendrait jamais plus de poissons ; car nous lisons que même après la résurrection

  1. Jn. 2, 1-2
  2. Act. 22, 3
  3. Jn. 11-12
  4. Mat. 4, 18-22 ; 9, 9 ; Mrc. 1, 16-20 ; 2, 14 ; Luc. 5, 1-11 ; Jn. 1, 35-44
  5. Mrc. 3, 17
  6. Luc. 6, 13-17