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CHAPITRE XII. PRÉDICATION DE JEAN-BAPTISTE.

23. Le même Évangéliste aborde ensuite ce qui regarde le précurseur : « En ces jours, dit-il, Jean-Baptiste vint prêcher au désert de Judée, et il disait : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche : voici en effet Celui dont a parlé le prophète Isaïe, quand il a dit : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur ; rendez droits ses sentiers[1]. » Saint Marc et saint Luc, de leur côté, s’accordent à reconnaître que ce témoignage d’Isaïe concerne Jean-Baptiste. Car saint Luc lui appliqué encore plusieurs paroles qui suivent dans le texte du même prophète [2]. L’Évangéliste saint Jean dit de plus que Jean-Baptiste s’est appliqué lui-même cet oracle, d’Isaïe[3]. comme du reste saint Matthieu rapporte ici certaines paroles du précurseur que les autres ne reproduisent pas. « Il vint prêcher au désert de Judée, et il disait : Faites pénitence ; car le royaume des cieux est proche : » ces paroles de Jean-Baptiste ne sont pas rappelées dans les trois autres récits. Quant à ce que nous présente ensuite la narration de saint Matthieu qui ajoute : « Car c’est lui dont a parlé ainsi le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ; » on ne voit pas si l’évangéliste reprend son discours et s’il rappelle en son nom les paroles d’Isaïe, ou s’il continue à exposer la prédication de Jean-Baptiste, et à lui attribuer tout ce que contient ce passage : « Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche : voici, en effet celui dont le prophète Isaïe a parlé, », etc. En effet, on ne doit pas se préoccuper de ce que Jean-Baptiste, au lieu de dire : Je suis moi-même celui dont le prophète Isaïe a parlé ; a dit : « Voici Celui dont le prophète Isaïe a parlé ; » car cette forme de langage est familière aux Évangélistes saint Matthieu et saint Jean. En effet saint Matthieu dit en parlant de lui-même : Jésus vit un homme qui était assis au bureau des impôts[4]; » et il ne dit pas : Jésus me vit. Et saint Jean[5] C’est là, dit-il, le disciple qui rend témoignage de ces choses et qui les a écrites ; et nous savons que son témoignage est vrai. » Il ne dit pas : C’est moi, ni : Mon témoignage est vrai. Notre-Seigneur, dit très-souvent : Le fils de l’homme[6] et, le Fils de Dieu ; au lieu de dire : Moi. Il dit ailleurs[7] : « Il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d’entre les morts ; » et non pas : Il fallait que je souffrisse. Après avoir dit : Faites pénitence, car le royaume des cieux est proche ; » Jean-Baptiste a donc pu lui-même ajouter et s’appliquer les paroles suivantes : « Car voici Celui dont le prophète Isaïe a parlé, », etc. Par conséquent, après avoir rapporté les paroles sorties de la bouche du précurseur, saint Matthieu reprendrait seulement son discours, à l’endroit où nous lisons : « Or, Jean avait un vêtement de poil de chameau », etc. S’il en est ainsi, l’on ne doit pas s’étonner que, pressé de rendre témoignage de lui-même, le précurseur ait dit, suivant le rapport de l’évangéliste saint Jean : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert[8] », comme il l’avait déjà dit quand il recommandait de faire pénitence. Au sujet du vêtement et du régime de vie de Jean-Baptiste, saint Matthieu dit donc en continuant son récit : « Or, Jean avait un vêtement de poil de chameau, et une ceinture de cuir, autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. » C’est ce que saint Marc dit aussi et presque dans les mêmes termes mais les deux autres n’en parlent pas.

26. Saint Matthieu dit ensuite : « Alors les habitants de Jérusalem, ceux de la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain venaient à lui ; et, en confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain. Mais voyant venir à son baptême plusieurs des Pharisiens et des Sadducéens il leur dit : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui va tomber sur vous ? Faites donc de dignes fruits de pénitence ; et ne songez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons pour père Abraham. Car je vous déclare que Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants d’Abraham. Déjà la cognée est à la racine des arbres ; donc tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau pour vous amener à la pénitence ; mais Celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter sa chaussure. C’est lui qui vous baptisera dans le Saint-Esprit et dans le feu. Il a le van à la main, et il nettoiera complètement son aire ; il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera

  1. Mat. 3, 1-3
  2. Mrc. 1, 3 ; Luc. 3, 4
  3. Jn. 1, 23
  4. Mat. 9, 9
  5. Jn. 21, 24
  6. Mat. 9, 6 ; 16, 27
  7. Luc. 24, 46
  8. Jn. 1,23