Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/647

Cette page n’a pas encore été corrigée

les craintes de la chair, qui nous font repousser les souffrances et les combats. C’est probablement en ce sens qu’il est dit : « Entrez en colère et ne péchez point [1]. » C’est avec une salutaire indignation, qu’il doit se condamner lui-même et se dire : « Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, car je veux le louer encore ; » puis qu’il faut confesser de bouche pour obtenir le salut[2]. Puis le Psalmiste ajoute : « C’est mon Sauveur, c’est mon Dieu[3]. – Il reste immobile en entendant le signal de la trompette. » Avant quel la tentation n’arrive, même lorsqu’il s’est affermi contre les défaillances de la nature, il attend, car il ne faut pas s’engager facilement, à moins que le jour de l’épreuve ne l’ait dit.

25. « Mais lorsque la trompette a sonné la charge, il dit : Allons. » Lorsque le temps de la tentation arrivera, il sera content de lui-même, s’il se glorifie au sein de la tribulation, parce que la tribulation produit la patience, la patience, la pureté et d’espérance[4]. Désormais il ne dira plus à son âme, en repoussant le mal : « Pourquoi me troubles-tu ? » Mais heureux de sa victoire il s’écriera : « O mon âme, loue le Seigneur[5]. – De loin il flaire le combat. » Il n’a pas en vue, les persécuteurs ; qu’il a sous les yeux ; mais il flaire de loin ceux que son œil ne pourrait découvrir ; car il le sait, « Nous n’avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l’air[6]. » Voilà le sens donné à ces mots« De loin. » Il est dit : « Il flaire », expression bien choisie, à cause du prince de la puissance répandue dans l’air. L’odorat perçoit toutes les odeurs bonnes ou mauvaises. Il flaire donc le combat, celui qui s’aperçoit que le prince des puissances de l’air agit sur les fils de la défiance[7]. S’ils le poursuivent de leur haine ou veulent le faire tomber dans leurs pièges, il attend ces esprits méchants, les combat avec les armes spirituelles, et non avec les armes qui protègent le corps, car il ne lutte pas contre la chair et le sang, c’est-à-dire contre les hommes méchants et corrompus que son œil peut apercevoir. « Le tonnerre et les clameurs des chefs. » Il faut sous-entendre : « il flaire. » Le tonnerre, je pense, est ici nommé, à cause de l’air où sont répandus les esprits méchants. Ces esprits ne sont point appelés les maîtres du monde, comme s’ils gouvernaient le ciel et la terre ; mais dans le sens indiqué par l’Apôtre. Afin qu’on n’entende point ainsi sa pensée, il explique aussitôt en quoi ils sont les maîtres du monde.« De ce monde de « ténèbres », c’est-à-dire des impies. À ceux d’entre eux qui s’étaient convertis au Seigneur il écrivait : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes « maintenant lumière dans le Seigneur [8]. » Il dépend donc de chacun de nous d’être ou ténèbres ou lumière : toutefois l’homme est ténèbres par lui-même, par les péchés qu’il commet ; tandis qu’il est lumière, non en lui-même mais dans le Seigneur, qui a répandu en lui une si vive lumière, que ses ténèbres dit Isaïe, sont comme l’éclat du midi[9]. Le Psalmiste dit aussi : « Vous éclairerez mes ténèbres,[10]. » Ceux donc que l’Apôtre appelle les maîtres du monde, rectores, sont en ce passage appelés les chefs, duces. C’est sous leur conduite que les ténèbres, c’est-à-dire les impies, persécutent les justes, ceux qui souffrent persécution pour la justice, non ceux qui recueillent dans la souffrance les fruits de leur impiété ou de leur malice. Le martyr flaire les cris de ces chefs, non pas comme s’ils retentissaient à ses oreilles ; c’est la foi qui les fait vibrer au fond de son cœur, et lui révèle toutes les manœuvres secrètes du démon et de ses anges contre les serviteurs de Dieu. D’où cette parole de l’Apôtre : « Nous n’ignorons pas sa malice[11]. » Mais à ces cris des chefs sont toujours fermées les oreilles des infidèles.

26. « Est-ce ta sagesse qui a donné à l’épervier son plumage ? » comme la sagesse de Dieu, qui est le Christ, forme peu à peu en nous l’homme nouveau qui doit avoir sa conversation dans les cieux ? « Il reste immobile, les ailes étendues, et les yeux fixés vers le midi. » La charité dégagée de tout bien charnel, s’attache à son double objet : il demeure inébranlable dans la foi, et loin de se confier en lui-même, il met en Dieu toutes ses espérances, rapportant tout à Celui dont l’amour embrase son cœur ; afin de conserver en lui tout son courage[12], il s’écrie : « Ne seras-tu pas soumise au Seigneur, ô mon âme ? Il est mon refuge, oui, le Seigneur est mon refuge et mon appui : je ne serai point ébranlé[13]. »

27. « Est-ce à ton commandement que l’aigle

  1. Psa. 4, 5
  2. Rom. 10, 10
  3. Psa. 41, 6-7
  4. Rom. 5, 3-4
  5. Psa. 146, 1
  6. Eph. 6, 12
  7. Id. 2, 2
  8. Eph. 5, 8
  9. Isa. 58, 10
  10. Psa. 17, 29
  11. 2Co. 2, 11
  12. Psa. 58, 10
  13. Id. 61, 2-3