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23. « Qui te sont réservés pour le temps de tes ennemis, pour les jours de guerre et de combat. » Comment ne pas voir quel est ici le rôle prophétique de Job ? Ce n’est point effectivement en vue de lui seul que tout cela est tenu en réserve pour le temps des ennemis, pour les jours de guerre et de combat, mais plutôt pour le peuple de Dieu. Le temps des ennemis est celui pendant lequel l’iniquité suit son cours : plus elle abonde, plus vivement doivent être soutenus les combats et les luttes contre le démon, pour que la charité de ceux qui persévèrent ne se refroidisse pas.
24. « D’où vient le givre des frimas ? » Comment le connaître, si ce n’est en le considérant comme le commencement des douleurs ? Car le givre est une espèce de grêle extrêmement fine. « Par quelle voie le vent du midi se répand sous le ciel ? » Quoi que ce vent tienne nos corps appesantis, il n’est, je crois, aucun passage des Livres saints où il soit l’image du mal, comme jamais l’aquilon n’y est la figure du bien. La.raisonen est, que celui-là vient des régions où apparaît la lumière, celui-ci des pays dont elle est plus éloignée. « Il se répand sous le ciel ; » image des secours que Dieu nous accorde contre toutes ces calamités, tant que nous vivons, non pas au ciel mais sous le ciel.
25. « Qui a tracé, aux pluies impétueuses, le lit d’un fleuve, livré passage aux cris des tempêtes ? » Voyons ici avec quelle brièveté le Seigneur énumère en trois mots tout ce que doivent mépriser dans la tentation ceux qui bâtissent sur le roc, ce que doivent redouter, au contraire, ceux qui bâtissent sur le sable[1]. Il nomme la pluie, le lit du fleuve, la voix de la tempête ou le souffle du vent. Être tenté par la pluie, c’est s’exposer au péché, en comprenant mal ce qu’il y a de plus relevé dans les saintes Écritures ; si par exemple à l’occasion de ce passage : « Celui à qui il est moins pardonné aime moins[2] », quelqu’un s’avisait de dire : « Faisons le mal, afin qu’il en arrive du bien[3], et qu’il demeurât dans le péché afin de faire abonder la grâce[4]. Il y a une foule d’autres passages où les téméraires interprètent mal la parole de Dieu, et se perdent en se promettant l’impunité, sous le prétexte que les Écritures exaltent sans cesse la bonté divine. Être tenté par le fleuve, c’est suivre les auteurs de ces funestes interprétations. Il appelle fleuve le torrent formé des eaux de la pluie. « Qui a tracé, dit-il, le lit d’un fleuve aux pluies impétueuses », c’est-à-dire le lit où elles se rassemblent et s’écoulent ? Il y a donc des vases de colère préparés pour la perdition [5], qui entendent les Écritures comme nous venons de le dire. Ils donnent libre cours aux flots de leurs pernicieux enseignements, que néanmoins les champs fertiles savent repousser ; ils agitent renversent et entraînent tout ce qui est sans consistance avec d’autant plus d’impétuosité, qu’ils paraissent conduits par l’autorité de Dieu. Être tenté par les vents, c’est prêter l’oreille à la voix des orgueilleux dont les discours vides de sens n’ont d’autre appui que leur faible raison. Lorsqu’un homme, en résistant aux préceptes divins, a préparé sa condamnation au jugement de Dieu, et bâti sur le sable, il ne pourra résister au souffle de ces vents, et sa chute livre passage, aux voix de la tempête. Je crois que ces mots : « pluies impétueuses », désignent lest passages difficiles à fixer, à comprendre.
26. « Afin qu’il pleuve où n’habite aucun homme. » Sous-entendez ce qui précède. Par l’homme il faut entendre ici la Loi donnée aux Juifs ; et sur les Gentils serait tombée la pluie de l’Évangile. « Dans le désert entièrement inhabité. » Chez les gentils, où nul ne possédait assez d’autorité pour faire connaître Dieu.
27. « Pour désaltérer les terres arides et désertes, et y faire germer l’herbe de la prairie. » L’épouse abandonnée a plus d’enfants que celle qui a un époux[6]. Dans ces quatre phrases, il faut sous-entendre.« quia préparé », etc.
28. « Qui est le père de la pluie ? » comme l’Époux qui envoya ses fils féconder les campagnes par la prédication de l’Évangile. « Et qui « fait naître les glèbes de rosée ? » Ceux qui ont bien reçu cette prédication. On dit glèbes de rosée, comme on appelle vases de vin ceux qui sont destinés à recevoir le vin.
29. « De quel sein est sortie la glace ? » Faut-il prendre le mot glace en bonne part, à cause de sa solide consistance ? alors cette phrase : De « quel sein est sortie la glace ? » serait comme cette autre : « qui est le père de la pluie ? » Le mot sein ne signifie-t-il pas ce qui est secret ? alors il serait dit que la glace est sortie de son sein, comme il est dit que Dieu les a livrés à un sens réprouvé[7]. Ou plutôt encore, la glace n’est-elle pas sortie du sein de celui qui répandant partout

  1. Mat. Tb. 7, 24, 27
  2. Luc. 7, 42-43
  3. Rom. 3, 8
  4. Id. 5, 20
  5. Rom. 9, 22
  6. Isa. 54, 1
  7. Rom. 1, 28