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par la famine, ils dévoraient la racine des arbres. » Ce qui est dit de la racine des plantes pour le froment, il faut l’appliquer à la racine des arbres pour le vin et l’huile. Car ces produits s’entendent des biens spirituels de l’Église. Leurs racines plantées en terre étaient les rits sacrés que les Juifs devaient extérieurement célébrer, tels que le sabbat, la circoncision, les sacrifices et tous les autres actes destinés à alimenter la piété.
5. « Les voleurs se sont levés contre moi. » Ceux qui par la fraude et le mensonge obtiennent injustement les honneurs réservés aux justes :
6. « Leurs habitations étaient les antres des rochers. » Ils voulaient justifier leurs coupables désirs par les passages obscurs des Livres saints.
7. « Ils criaient parmi les arbres. » Leurs péchés paraissaient au grand jour, malgré leurs efforts pour les cacher sous les obscurités des Écritures, comme sous le feuillage des forêts. Aussi est-il écrit : « Les cris des habitants de Sodome sont montés jusqu’à moi [1]. » En plusieurs endroits, l’Écriture parle des clameurs du péché, pour en signifier la publicité. En ce sens la parole est la pensée coupable conçue au fond du cœur, le cri est l’action extérieure. « Ils s’abritaient sous les tiges dans la terre : » ceux qui accomplissent la Loi d’une manière charnelle, s’abritent non pas seulement sous les tiges, mais sous les, tiges les plus basses. Ces tiges ou ces troncs d’arbres ne sont point les fruits eux-mêmes, mais c’est sur eux, que poussent les branches à fruits, soit des plantes, soit des arbres, si toutefois il s’agit d’arbres fruitiers, puisque les arbres qui ne portent pas de fruits ont aussi des tiges.
8. « Enfants d’hommes insensés, et vulgaires. » Des Juifs, que plus haut il leur a donnés pour pères, parce qu’ils les ont imités : car eux aussi se glorifient du nom d’un Dieu qu’ils ne servent point. Il appelle les Juifs insensés et vulgaires eux au contraire se vantent non-seulement d’être les guides des aveugles, mais encore d’être les fils d’Abraham, et tirent vanité de cette noble origine. Dans ces paroles : « Ils sont aveugles, et guides d’aveugles[2] », ils voient leur sottise démasquée ; et ces autres : « Si vous êtes fils d’Abraham, faites les œuvres d’Abraham[3] », les montrent dégénérés et avilis. « Leur nom et leur honneur ont disparu de la terre. » Ils existaient, mais ils ont disparu.
9. « Et maintenant je suis l’objet de leurs chants », de ce dernier, dont les autres sont les pères ; ma voix retentissait à leurs oreilles, elle ne touchait point leurs cœurs. « Ils me tournent en dérision ; » s’ils partent de moi, s’ils entendent mes enseignements, leurs discours, leur attention sont inutiles et complètement perdus.
10. « Ils m’ont en horreur, et fuient loin de moi. » Ils se sont éloignés de la sainteté, en commettant l’iniquité et en repoussant de leurs cœurs corrompus les préceptes de la sagesse. « Ils ont osé me cracher au visage. » Ils maudissent réellement le visage du Christ, ceux qui repoussent avec mépris ses commandements ; ou bien leur vie dépravée a empêché que je fusse bien connu.
11. « Il a ouvert son carquois pour me percer ; » les secrets de la nature, sources de tentations. « Et ils ont mis un frein à ma bouche », afin que malgré moi je les approuve, que je les porte où il leur plaît de me conduire, vers l’objet de leurs honteuses passions.
12. « Ils ont grandi en s’élevant à ma droite. » Pour contenter leurs désirs ils sont venus, la bonté sur les lèvres, la douceur dans les paroles, sans recourir à la violence. « Ils ont retenu mes pieds par des entraves : » par les dignités ecclésiastiques qui les empêchaient de fuir.
13. « Mes sentiers sont rompus ; » on veut qu’ils ne soient plus connus des justes qui savent y marcher sans rechercher leurs intérêts, mais ceux de Jésus-Christ [4]. « Il m’a dépouillé de ma robe ; » de mon ancienne autorité, devant laquelle tout doit plier. C’est ce qui arrive, quand les péchés sont devenus trop nombreux, et sont passés en habitude. « Il m’a blessé de ses traits », de ses préceptes qui me découvrent l’iniquité, sans que je puisse l’arrêter.
14. « Il m’a traité au gré de ses caprices. » Dieu fait servir, comme il l’a voulu, mon malheur et ma misère au triomphe de la justice. « Je suis enveloppé de douleurs : » je souffre en moi et dans autrui ; au-dehors les combats, les terreurs au-dedans[5] ; qui languit, sans que je languisse moi-même[6] ?
15. « Mes douleurs sont sans relâche, et mon espérance a été emportée comme le souffle. » Uniquement occupés des espérances du temps,

  1. Gen. 18, 20
  2. Mat. 15, 14
  3. Jn. 8, 39
  4. Phi. 2, 20
  5. 2Co. 6, 5
  6. Id. 11, 29