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elle-même cet ange pour un homme. Quand donc il lui dit : « Souffre que nous te fassions violence, et que nous offrions en la présence un chevreau des chèvres » il l’invite comme s’il était un homme, mais il l’invite à participer avec lui à la victime d’un sacrifice. Cette expression : offrir un chevreau des chèvres, ne s’emploie, en effet, que pour désigner un sacrifice. L’Ange répond : « Si tu me fais violence, je ne mangerai point de tes pains » ce qui montre qu’il avait été invite à un repas. Il ajouté ensuite : « Et si tu fais un holocauste, tu l’offriras au Seigneur. » Cette parole : « Si tu fais un holocauste » répond évidemment à ce que Manué avait dit : « Souffre qu’en ta présence nous offrions un chevreau des chèvres. » Toute espèce de sacrifice n’était point un holocauste : on ne mangeait point de l’holocauste ; il était entièrement consumé par le feu ; c’est pour cela qu’on l’appelait holocauste. L’Ange, qui ne pouvait manger, conseilla qu’on fit plutôt un sacrifice d’holocauste, non à lui toutefois, mais au Seigneur, surtout, parce que le peuple d’Israël, en ce temps-là, était dans l’usage de sacrifier à tous les faux dieux, et avait mérité par cette offense que le Seigneur le livrât à ses ennemis pendant quarante ans.
LIV. (Ib. 13, 16-23.) Manué prit-il l’ange pour Dieu lui-même ? — Lorsque l’ange se fut fait connaître à Manué et à son épouse, après l’entretien qu’il eut avec eux, Manué dit à sa femme : « Nous mourrons de mort, parce que nous avons vu le Seigneur ; » selon ce qui est écrit dans la Loi : « Personne ne peut voir ma face et vivre ?[1] ». Comment entendre ces paroles ? – Ilscroyaient.doncavoir vu Dieu avec leurs yeux mortels ; quand par un grand miracle celui qui venait de leur parler sous la forme d’un homme, avait paru debout au milieu du feu du sacrifice. Mais est-ce Dieu qu’ils reconnaissaient dans là personne d’un Ange ; où bien regardaient-ils l’ange comme étant Dieu lui-même ? Voici, en effet, le récit de l’Écriture : « Et Manué prit un chevreau des chèvres, et fit un sacrifice : il l’offrit sur une pierre au Seigneur opérant des merveilles, et Manué et son épouse étaient dans l’attente. Et pendant que la flamme s’élevait au-dessus de l’autel vers le ciel, l’Ange du Seigneur s’éleva dans la flamme. Et Manué et son épouse étaient dans l’attente : et ils tombèrent la face contre terre. Et l’Ange du Seigneur cessa d’apparaître à Manué et à son épouse. Alors Manué connut que c’était l’Ange du Seigneur. Et Manué dit à son épouse : Nous mourrons de mort parce que nous avons vu Dieu. » Comme il ne dit pas : Nous mourrons parce que nous avons vu l’Ange du Seigneur mais parce que « nous avons vu Dieu » la question est de savoir s’ils reconnaissaient Dieu agissant dans un ange, ou s’ils appelaient Dieu l’Ange lui-même. – Cette dernière supposition, qu’ils auraient cru Dieu celui qui était un Ange, n’est pas admissible ; l’Écriture dit très-ouvertement : « Alors Manué connut que c’était l’ange du Seigneur. » Mais pourquoi craignait-il la mort ? L’Écriture n’avait point dit dans l’Exode Quiconque aura vu la face d’un ange ne pourra vivre ; biais Dieu parlant lui-même avait dit : « ma face. »Manué ayant reconnu Dieu dans la personne de l’ange avait-il été troublé jusqu’à redouter la mort ? Quant à la réponse que lui fit son épouse : « Si le, Seigneur avait voulu nous faire mourir, il n’aurait point agréé de notre main le sacrifice et l’holocauste, il ne nous aurait pas manifesté toutes ces choses, il ne nous aurait pas fait entendre tous ces secrets » dit-elle que selon eux l’ange lui-même agréait le sacrifice, parce qu’ils le virent debout au milieu des flammes de l’autel ? ou bien comprirent-ils par là que le Seigneur agréait l’holocauste, l’ange agissant de la sorte pour faire voir qu’il était un ange ? — Quoi qu’il en soit, ce messager céleste avait dit auparavant : « Si vous faites un holocauste, vous l’offrirez au Seigneur ; » c’est-à-dire : non pas à moi, mais au Seigneur. L’Ange donc se tenant debout au milieu de la flamme de l’autel signifiait que l’Ange du grand conseil ayant pris la forme de l’esclave[2] ; c’est-à-dire, l’humanité, ne recevrait point le sacrifice, mais serait lui-même la victime.

LV. (Ib. 15, 8, 45.) Sens de ces paroles : la jambe sur la cuisse. – Pourquoi est-il dit que : « Samson frappa les étrangers, la jambe sur la cuisse ? » Oui à la jambe sur la cuisse ? la jambe n’est au-dessous de la cuisse que depuis le genou jusqu’au talon. Si l’Écriture a voulu marquer l’endroit du corps où ils furent frappés par Samson, pense-t-on que tous ceux qui furent blessés le furent au même endroit ? Si cela était vraisemblable peut-être pourrions-nous supposer que Samson s’était servi de la jambe de quelque animal en guise de bâton, et qu’il les

  1. Exo. 33, 20.
  2. Isa. 9, 6.