Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/593

Cette page n’a pas encore été corrigée

de mon père et du milieu de vous ? Comment, venez-vous à moi quand vous m’avez fait essuyer la tribulation ? » Nous voyons une figure semblable dans Joseph, vendu et chassé par ses frères [1], qui se tournèrent vers lui implorant sa clémence et son appui, quand la famine les éprouva[2]. Mais ici la signification prophétique de l’avenir brille avec beaucoup plus d’éclat. Ce ne sont pas les frères eux-mêmes de Jephté qui vinrent le trouver, après l’avoir chassé, mais les anciens de Galaad qui l’implorèrent pour tout ce peuple. Ainsi c’est la même nation d’Israël qui dans la personne des contemporains du Christ le rejeta, et qui plus tard se tourna vers lui avec ceux qui implorèrent son secours. C’est a ce peuple ennemi du Christ, et dans ses pères, et dans les générations qui vinrent ensuite, traînant comme une longue chaîne le lourd héritage de cette haine ; c’est à ce peuple, enfin converti en ceux de ses membres qui doivent venin au Christ, que cette parole est adressée : « Ne m’avez-vous pas eu en haine, ne m’avez-vous pas chassé de la maison de mon père ? » Ceux en effet qui ont persécuté le Christ ont cru le chasser de la maison de David, dans laquelle son règne n’aura point de fin[3].
22. « Et les anciens de Galaad dirent à Jephté : « Ce n’est pas de cette manière que maintenant nous venons vers toi. » C’est ainsi que les Juifs convertis diront au Christ : Alors nous sommes venus pour persécuter, maintenant nous venons pour obéir. – Ils proclament qu’il sera leur chef contre leurs ennemis. Lui répond qu’il sera leur prince s’il remporte la victoire. Gédéon avait refusé cet honneur, que les Israélites voulaient lui faire, il avait répondu : « Le Seigneur sera votre prince[4]. » Ce nom de prince signifiait un Roi ; au temps des Juges, la nation n’en avait pas encore. Saül fut le premier[5], et il à des successeurs dont l’histoire se lit aux livres des Rois. Car, dans le Deutéronome, quand Dieu fait connaître au peuple ce que doit être le roi qu’il aura, s’il lui plaît d’en avoir un[6], le roi, en cet endroit, est appelé prince. Mais, comme Jephté était la figure de Celui qui est le vrai roi, dont la royauté fut proclamée au sommet de la croix dans une inscription que Pilate n’osa ni effacer, ni corriger[7], il, faut croire que ce fut pour cette raison que, Jephté répondit : « Je serai votre prince. » Les gens de Galaad avaient dit : « Tu seras à notre tête ; » le chef de l’homme est le Christ,[8] ; le Christ est la tête du corps de l’Église[9]. Quand Jephté eut délivré les siens de tous leurs ennemis, il ne devint pas leur roi, afin que nous comprenions que ce qui avait été dit à cet égard était une prophétie concernant le Christ, et ne s’appliquait pas à Jephté lui-même, dont l’Écriture termine l’histoire en ces termes : « Et Jephté jugea Israël pendant six ans, et Jephté de Galaad mourut et il fut inhumé dans sa ville de Galaad[10]. » Il jugea donc Israël comme les autres Juges, et ne régna pas, comme les princes dont l’histoire est contenue dans les livres des Rois.
23. Jephté placé à la tête de ses compatriotes envoie aux ennemis des ambassadeurs portant des paroles de paix. Ici nous voyons accompli ce que dit l’Apôtre servant d’organe au Christ : « S’il est possible, en ce qui dépend de vous, ayez la paix avec tous les hommes[11]. » Quant aux paroles que Jephté fit porter, il serait trop long de les étudier en détail, notre course est pressée. Toutefois, en tant qu’elles touchent à la signification des choses futures, il me semble qu’on doit y remarquer la doctrine de Jésus-Christ qui nous enseigne comment nous devons nous conduire, c’est-à-dire, quelle vie nous devons mener au milieu de ceux qui n’ont point été appelés selon le décret de Dieu ; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui[12].
24. Lorsque Jephté se prépara à livrer bataille aux ennemis, l’Esprit du Seigneur fut sur lui. Cela figure le don du Saint Esprit confié aux membres de Jésus-Christ.
25. « Il passa au-delà de Galaad et de Manassé, il franchit les hauteurs de Galaad, et des hauteurs de Galaad il s’élança au-delà des enfants d’Aramon. » Ici sont représentés les membres de Jésus-Christ qui marchent pour remporter la victoire sur leurs ennemis. Galaad signifie : Celui qui rejette, et Manassé : Nécessité. Il faut, pour le progrès en Jésus-Christ, s’élever au-dessus des rebuts, c’est-à-dire, des mépris des hommes ; il faut s’élever au-dessus de la nécessité elle-même, de peur qu’après avoir surmonté les mépris, on ne cède à la terreur. Il faut franchir les hauteurs de Galaad. Galaad signifie : révélation. Les hauteur s sont des lieux d’où l’on voit au loin, d’où l’on regarde en bas, c’est-à-dire, d’où l’on méprise. Les hauteurs de Galaad me paraissent donc figurer très-bien l’orgueil

  1. Gen. 37, 28
  2. Id. 47-48
  3. Luc. 1, 83
  4. Jug. 8, 22-23
  5. 1Sa. 10, I
  6. Deu. 17, 14
  7. Jn. 19, 19-22
  8. 1Co. 11, 3
  9. Eph. 5, 21
  10. Jug. 12, 7
  11. Rom. 12, 18
  12. 2Ti. 2, 19