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Joïada, qui était certainement de la tribu de Lévi, épousa une fille du roi Joram, qui était de la tribu de Juda[1]. Nous voyons dans l’Évangile que Marie et Élisabeth étaient parentes[2] ; Élisabeth était cependant de la famille d’Aaron, ce qui fait voir qu’il y eut une femme de la tribu de Lévi et de la famille d’Aaron qui entra dans la tribu de Juda, et fut le principe de la parenté d’Élisabeth et de Marie. Ainsi, Notre-Seigneur fut selon la chair, issu de la race royale, et du sang d’Aaron.

XLVIII. (Ib. 11, 24.) Le Dieu des Ammonéens était-il réellement capable de posséder quelque chose? – Jephté fait dire entre autres choses au roi des enfants d’Ammon par ses ambassadeurs, les paroles que voici : « Ne posséderas-tu pas tout ce que Chamos ton Dieu a hérité, pour toi ? et ce que le Seigneur notre Dieu a pris en votre présence, ne le posséderions-nous pas ? » Certains interprètes latins traduisent ainsi : « Ne possèderas-tu pas tout ce que, Chamos ton dieu t’a donné en héritage ? » Suivant cette explication, Jephté paraîtrait reconnaître que ce dieu appelé Chamos a pu donner quelque chose en héritage à ses adorateurs. D’autres exemplaires portent : « Ne posséderas-tu pas tout ce que « Chamos ton dieu a possédé ? » ce qui signifie que ce dieu aurait pu posséder quelque chose. Cette parole ferait-elle allusion à la tutelle exercée sur les nations par les Anges, comme Moïse serviteur de Dieu l’a chanté[3] ? L’Ange protecteur des enfants d’Ammon aurait-il eu ce nom de Chamos ? Qui oserait l’affirmer, quand il y aune autre interprétation que voici : Le roi des Ammonites croyait que son dieu était possesseur des terres en question, ou qu’il lui en avait donné le domaine. Ce sens ressort avec plus de clarté du texte grec : « Ne posséderas-tu pas tout ce que, pour toi, Chamos ton Dieu a possédé ? » Ces mots pour toi, signifieraient : comme il te paraît ; ton dieu a hérité, selon toi, tu as cette croyance cela ne veut pas dire qu’il puisse réellement posséder quelque chose. Dans ce qui suit : « Tout ce que le Seigneur votre Dieu a pris » il n’est point ajouté : pour nous, c’est-à-dire comme si cela nous paraissait ainsi ; mais il a pris véritablement « en votre présence » car il a ; enlevé aux anciens possesseurs et il nous a donné ces terres « nous posséderons cet héritage. »

XLIX. (Ib. XI.) Du vœu de Jephté. – 1. C’est une question considérable, extrêmement difficile à résoudre que celle de la fille de Jephté, offerte à Dieu en holocauste par son père. Dans la guerre, Jephté avait fait vœu, s’il obtenait la victoire, d’offrir en holocauste le premier venu qui, sortant de la maison, se présenterait à sa rencontre. Ce vœu émis, Jephté fut vainqueur ; sa fille se présenta à sa rencontre ; il exécuta son vœu. Comment faut-il entendre ceci ? Les uns désirant le savoir, le cherchent avec soumission : d’autres, par une piété ignorante et ennemie de nos saintes Écritures, s’appuient principalement sur ce fait, criminel à leurs yeux, pour accuser le Dieu de la Loi et des Prophètes d’avoir pris goût aux sacrifices humains eux-mêmes. Aux attaques calomnieuses de ces derniers nous répondons d’abord que le Dieu de la Loi et des Prophètes, et pour parler plus explicitement, que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob n’a point mis sa complaisance dans les sacrifices où l’on offrait les animaux en holocauste. Figures et ombres des choses futures, ces sacrifices avaient pour objet de rendre vénérable à nos yeux la réalité des mystères dont ils étaient le symbole. L’utilité de leur changement est manifeste : ils ont dû cesser d’être obligatoires et même être défendus, de peur qu’on n’imaginât que Dieu trouvait à ces sortes d’offrandes un plaisir grossier et tout charnel.
2. Mais a-t-il fallu que la réalité des mystères de l’avenir fût symbolisée par des sacrifices humains ? On le demande avec raison. Ce n’est pas que l’immolation, pour ce motif, de victimes humaines, destinées en tout cas à la mort, devrait nous inspirer de l’horreur et de l’effroi, si ces victimes volontairement dévouées eussent été agréées de Dieu pour recevoir une éternelle récompense. Mais si cela était ainsi, de tels sacrifices ne déplairaient point au Seigneur ; or, l’Écriture atteste avec assez d’évidence, que ces offrandes lui sont odieuses. Dieu veut et prescrit que tous les premiers-nés lui soient consacrés et lui appartiennent ; il ordonne cependant qu’on rachète les premiers-nés des hommes[4], de peur qu’on ne croie qu’il faille les lui immoler. Pour montrer plus ouvertement que de pareils holocaustes lui déplaisent, il les proscrit, témoigne l’horreur qu’ils lui inspirent chez les nations étrangères, et défend à son peuple d’oser suivre de tels exemples. « Si le Seigneur ton Dieu extermine les nations chez lesquelles tu vas pénétrer pour occuper le pays qu’ils habitent

  1. 2Ch. 22, 11
  2. Luc. 1, 36
  3. Deu. 32, 8. Sept.
  4. Exo. 13, 2, 12-13.