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Le feu qui descendit sur les disciples réunis exprima pareillement ce don du Saint-Esprit. On lit : « Ils virent comme des langues de feu divisées qui se reposèrent sur chacun deux[1]. » Et le Seigneur lui-même dit « Je suis venu apporter le feu sur la terre[2]. »

XXXVII. (Ib. 7, 6.) Les trois cents hommes de Gédéon, figure des fidèles. – « Et le nombre de ceux qui burent dans leur main, avec la langue, fut de trois cents hommes. » La plupart des exemplaires latins n’ont pas ces mots : « dans leur main » mais ceux-ci seulement : « avec la langue ; » ils ont cru rendre suffisamment par ces expressions ce qui est dit plus haut « comme des chiens. » Le texte grec porte les deux termes : « dans leurs mains » et « avec la langue » afin d’exprimer que les soldats de Gédéon employaient les mains pour porter à la bouche l’eau puisée à la hâte et qu’ils imitaient les chiens en buvant. Les chiens ne puisent pas à longs traits comme font les bœufs, avec le mufle, mais avec la langue ils attirent l’eau. C’est ainsi que burent ces trois cents hommes de Gédéon ; cependant ils portaient à la bouche avec la main l’eau que la langue recevait. La version faite sur l’hébreu explique cela clairement, voici ses paroles : « Le nombre des hommes qui de la main jetant l’eau dans leur bouche, la prirent avec la langue, fut de trois cents. » Les hommes en effet ne boivent pas en puisant l’eau avec la langue, comme les chiens, sans employer le secours de la main. L’ordre avait été donné aux soldats de Gédéon de faire ainsi ; mais lorsqu’ils vinrent auprès de l’eau pour boire, beaucoup burent à genoux, ce qui était plus commode, et demandait peu d’effort. Le plus petit nombre d’entre eux se courbèrent sans fléchir le genou et burent à la manière des chiens, jetant l’eau dans la bouche avec la main. Ils furent trois cents. Ce nombre figure la, croix, car son signe est la lettre grecque T laquelle de plus symbolise d’autant mieux les nations qui devaient croire au crucifié, que c’est une lettre grecque. Par les Grecs, en effet, l’Apôtre comprend toutes les nations, quand il dit : « Au Juif d’abord et au Grec[3] » et encore : « aux Juifs et aux Grecs[4]. » Il désigne fréquemment par ces mots, la circoncision et le prépuce : parce que la langue grecque a une si grande prééminence sur toutes les autres langues des nations, que l’on peut sous son nom les désigner toutes. Il faut remarquer que ce nombre de trois cents est celui des serviteurs d’Abraham, quand avec leur concours il délivra son neveu des mains des ennemis, et qu’il reçut la grande et mystérieuse bénédiction de Melchisédech. L’Écriture rapporte qu’ils étaient trois cents dix-huit[5]. Cet excédent : dix-huit, marque, à mon avis, l’époque du règne futur de la grâce, c’est-à-dire, la troisième époque. La première est le temps qui précède la Loi, la deuxième est le temps de la Loi, et la troisième le temps de la grâce. Chacun de ces temps est figuré par le nombre six à cause de sa perfection. Ce nombre répété trois fois forme dix-huit. Aussi cette femme que le Sauveur trouva courbée et qu’il redressa, et comme l’Évangile le dit, qu’il délivra des liens du diable[6], était depuis dix-huit ans dans sou infirmité. Quant à ces hommes d’élite avec lesquels Gédéon remporta la victoire ; en comparant la manière dont ils se désaltérèrent à celle des chiens, on montre que Dieu a choisi ce qui est méprisable et sans renom[7]. Le chien est, en effet, l’expression du mépris ; c’est pourquoi Jésus dit : « Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens[8] ; » et David pour s’abaisser, et paraître méprisable, se donne à lui-même, en parlant à Saül, le nom de chien[9].
XXXVIII. (Ib. 7, 11.) Variantes. – Quel est le sens de cette parole : « Gédéon descendit lui-même « avec son serviteur vers le côté des cinquante « qui étaient dans le camp ; » ce que certains exemplaires latins rendent ainsi : « vers le côté « du camp où se trouvaient les cinquante sentinelles » et d’autres de cette manière : « vers le cinquantième côté du camp ? » L’obscurité du texte a fait naître plusieurs interprétations. Il est question de la partie du camp qui était gardée par cinquante sentinelles, ou bien, s’il faut entendre que des compagnies de cinquante hommes étaient de garde tout autour du camp, Gédéon et son serviteur vinrent sur un point du camp que gardaient cinquante sentinelles.
XXXIX. (Ib. 7, 13.) Le pain d’orge, symbole du choix que Dieu fait des petits pour confondre les superbes. – Un homme du camp racontait à son compagnon qu’il avait vu en songe un pain d’orge, durci, qui roulait dans le camp, poussait et renversait les tentes de Madian ; Gédéon

  1. Act. 2, 3
  2. Luc. 12, 49
  3. Rom. 2, 9, 30
  4. 1Co. 1, 24
  5. Gen. 14, 14-20
  6. Luc. 13, 11-13
  7. 2Co. 1, 28
  8. Mat. 15, 26
  9. 1Sa. 24, 15