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en toute vérité : « Le prince de ce monde va venir, et il n’a rien en moi (c’est-à-dire point de péché qui mérite la mort ;) mais afin que le monde connaisse que j’aime le Père, et que je fais ce que le Père m’a ordonné, levez-vous, sortons d’ici[1] :» comme s’il disait : Quoique le prince du monde veuille que la mort soit le prix des fautes les plus légères, il n’a point de pouvoir sur moi ; mais levez-vous, sortons d’ici, c’est-à-dire, allons au-devant des souffrances : car en souffrant, j’accomplis la volonté de mon Père, je ne subis point la peine de mon péché. Quand Jérémie dit au Seigneur : « Nous avons péché devant vous, unique attente d’Israël[2] » c’est en esprit de pénitence et avec l’espoir du salut et du pardon, qu’il lui adresse cette prière. Ces autres paroles : « Guérissez mon âme, car j’ai « péché devant vous[3] », ont également pour objet de glorifier Dieu par le pardon qu’il accorde : grande est en effet sa miséricorde envers ceux qui confessent leurs fautes et reviennent à Celui « qui ne veut pas la mort du pécheur, mais son retour et sa vie[4]. » C’est pourquoi David, non seulement au livre des Psaumes, mais encore au moment où Dieu le reprenait par sof1 prophète, fit au Seigneur cette réponse inspirée par l’espoir du pardon : « J’ai péché devant le Seigneur[5]. » C’est un blessé en présence du médecin, qui se livre entièrement à lui, et se tient prêt à lui obéir. Mais Moïse, dans son cantique, prophétisait sur la conduite de certains pécheurs qui, après avoir outragé Dieu par des péchés considérables, ne voudraient pas en faire pénitence ni revenir à Dieu pour en être guéris : infortunés qui sont aussi dépeints dans cet autre passage : « Ils ne sont que chair, qu’un souffle qui passe et qui ne revient plus[6]. – Ils ont péché, non devant lui » peut signifier encore qu’ils se sont pas à eux-mêmes, et non à Dieu, par leur péché.
LVI. (Ib. 33, 3-4.) Sur les bénédictions de Moïse.
– « Et voici la bénédiction que Moïse, homme de Dieu, donna aux enfants d’Israël, avant de mourir. Il dit : Le Seigneur est venu de Sinaï et il s’est levé de Séïr sur nous : il est venu en hâte de Pharan à Cadès avec des multitudes. Ses anges étaient avec lui à sa droite et il a épargné son peuple. Tous les saints sont dans votre main, et ils sont au-dessous de vous. Le peuple a reçu la Loi, qui contient ses propres paroles et que nous a donnée Moïse pour être l’héritage des assemblées de Jacob. Son bien-aimé l’aura pour prince, les princes des peuples étant unis avec les tribus d’Israël. » Cette prophétie ne doit pas être passée négligemment sous silence. Car les bénédictions de Moïse semblent se rapporter au peuple nouveau, que le Christ notre Seigneur a sanctifié. Moïse parle non point en son nom personnel, mais au nom du Christ, comme la suite le fait voir avec évidence. En effet s’il dit : « Le Seigneur est venu de Sinaï » parce que la Loi fut donnée sur cette montagne ; que signifient les mots suivants : « et il s’est levé de Séïr sur nous » puisque. Séïr est une montagne.dupays d’Idumée, où régna Esaü ? Ensuite, quand Moise a béni les enfants d’Israël dans les termes que l’Écriture vient de rapporter, comment ajoute-t-il : « Et le peuple a reçu ta Loi, qui contient ses paroles et que nous a donnée Moïse ? » C’est donc, ainsi que nous l’avons dit, une prédiction relative au peuple nouveau sanctifié parla grâce du Christ, et cette prédiction s’adresse aux enfants d’Israël, parce que celui-ci est fils d’Abraham, qu’ils sont, par conséquent, les enfants de la promesse, et que le nom de leur père signifie : Qui voit Dieu. Ainsi, le Seigneur venu de Sinaï, c’est le Christ car Sinaï veut dire : épreuve. Il est venu de l’épreuve qu’il a subie dans sa passion et sa mort sur la croix. « Et il s’est levé de Séïr[7]. » Séïr signifie : couvert de poils : c’est la figure du pécheur. Esaü, qui fut un objet d’aversion, vint au monde couvert de poils[8]. Mais « la lumière a brillé pour ceux qui étaient assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort[9]. » Voilà pourquoi « Dieu « s’est levé de Séïr. » On peut voir aussi, non sans raison, dans ce passage, une annonce prophétique de la communication de la grâce de Jésus-Christ, faite au peuple d’Israël, par les Nations que désigne cette montagne de Séïr, renfermée dans le royaume d’Esaü. L’Apôtre ne dit-il pas : « Ainsi les Juifs ont été maintenant incrédules à la miséricorde que vous avez reçue, afin qu’ils obtiennent eux-mêmes miséricorde[10]. » Les Israélites s’écrient donc : « Dieu s’est levé de Séïr sur nous, et il est venu en hâte de Pharan » c’est-à-dire, d’une montagne fertile : telle est en effet la signification de Pharan, qui est la figure de l’Église. Il est venu « à Cadès avec des multitudes. » Cadès signifie à la fois : changement et Sainteté. Des multitudes considérables ont donc été changées et

  1. Jn. 14, 30-41
  2. Jer. 14, 1
  3. Psa. 11, 6
  4. Eze. 33, 2
  5. 1Ro. 12, 13
  6. Psa. 77, 39
  7. Deu. 33, 2
  8. Gen. 25, 25
  9. Isa. 9, 2
  10. Rom. 11, 31