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bouche profère le mensonge, et leur droite est dévouée à l’iniquité[1] ; » ce qui veut dire que ces hommes placent le bonheur dans les biens que les bons et les méchants peuvent indifféremment posséder ; et leur droite s’appelle une droite dévouée à l’iniquité, parce que c’est une iniquité de penser qu’on est ainsi dans la voie droite. Ce n’est pas là, en effet, la droite véritable, mais celle des hommes « dont la bouche profère le mensonge. » – « Heureux, disent-ils, le peuple qui possède ces biens ! » quand ils devraient plutôt dire, ainsi que l’enseigne le Psalmiste un peu plus loin : « Heureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu ! » Voilà la vraie droite, qui est conforme à la justice, et non à l’iniquité. L’homme ne doit donc suivre les dieux de l’étranger, ni à droite, en s’imaginant qu’il leur devra son bonheur ; ni à gauche, en se persuadant qu’il sera malheureux si ces dieux lui sont contraires et qu’il doit les adorer pour se les rendre favorables. Mais si l’on entend par la droite les biens éternels, et par la gauche les biens du temps présent, alors la sainte Écriture a voulu nous apprendre ici qu’il ne faut avoir recours à ces dieux ni pour les uns ni pour les autres.
XLIX. (Ib. 29, 1.) Le Deutéronome est la répétition de la Loi donnée sur le mont Sinaï.
— « Voici les paroles de l’Alliance que le Seigneur commanda à Moïse de faire avec les enfants d’Israël dans le pays de Moab, outre l’alliance qu’il fit avec eux à Horeb. » Nous voyons ici pourquoi ce livre s’appelle Deutéronome, la seconde Loi, pour ainsi dire ; il est plutôt la répétition de la première, qu’une Loi différente : car il renferme peu de choses que ne contienne la Loi donnée primitivement. Ces deux Lois ne font pas deux Alliances, deux Testaments, comme le texte cité semblerait l’indiquer ; l’une et l’autre, au contraire, ne forment qu’une seule alliance, qu’on désigne dans l’Église sous le nom d’ancien Testament. Si, à raison de ces paroles, on devait les appeler deux Testaments, sans parler du Nouveau, ce n’est plus deux seulement, mais un plus grand nombre qu’il faudrait compter. L’Écriture, en effet, n’emploie-t-elle pas fréquemment le mot de Testament ? Ainsi avec Abraham, quand Dieu parle de la circoncision[2], et précédemment avec Noë[3].
L. (Ib. 29,2-4.) Quand l’homme manque du secours de Dieu, il y a de sa faute.
– « Vous avez vu tout ce que le Seigneur votre Dieu a fait.devantvous en Égypte à Pharaon, à tous ses serviteurs et à tout son royaume ; vous avez vu de vos yeux les grandes épreuves par lesquelles il les a fait passer, ses signes, ses prodiges et sa main toute-puissante. Et le Seigneur Dieu ne vous a pas donné jusqu’à ce jour un cœur pour connaître, des yeux pour voir, et des oreilles pour entendre. » Comment donc Moïse dit-il plus haut : « Vous avez vu de vos yeux les grandes épreuves » si « le Seigneur ne leur a point donné des yeux pourvoir et des oreilles pour entendre ? » N’est-ce point parce qu’ils ont vu des yeux du corps, et non de ceux du cœur ; car on dit aussi : les yeux du cœur : c’est pourquoi Moïse commence ainsi : « Et le Seigneur Dieu ne vous a pas donné un cœur pour connaître. » Les deux termes qui suivent, se rapportent au premier : « des yeux pour voir, et des oreilles pour entendre » c’est-à-dire, pour comprendre et pour obéir. « Et « le Seigneur Dieu ne vous a pas donné : » cette accusation, ce reproche, Dieu ne les adresserait pas aux Israélites, s’il ne voulait nous faire entendre qu’ils n’ont pas été privés de son secours sans qu’il y eût de leur faute, et que nul d’entre eux ne devait se croire excusable pour cela. Il nous montre en même temps que ces hommes ne pouvaient avoir, sans le secours du Seigneur Dieu, cette intelligence et cette soumission qui viennent du cœur : et cependant, que si le secours divin manque, on n’est pas pour cela excusable, car les jugements de Dieu sont quelquefois cachés, mais ils sont toujours justes.
LI. (Ib. 29, 5-6.) Les Israélites purent emporter un peu de vin à leur sortie d’Égypte.
— « Il vous a conduits dans le désert pendant quarante ans : vos vêtements n’ont pas vieilli, et vos chaussures ne se sont pas usées à vos pieds ; vous n’avez pas mangé de pain et vous n’avez bu ni vin ni cidre, afin que vous sussiez qu’il est lui-même le Seigneur votre Dieu. » Ce qui ressort de ce passage, c’est que, dans leur empressement, lorsqu’ils sortirent de l’Égypte, les Israélites ne purent emporter de vin que pour peu de temps. Car, s’ils n’en avaient point emporté du tout, que signifierait cet endroit de l’Exode : « Le peuple s’assit pour boire et pour manger, et ils se levèrent pour danser[4] ? » Ils n’avaient pas seulement bu de l’eau, autrement l’Écriture ne s’exprimerait pas de la

  1. Psa. 143,8-15
  2. Gen. 17, 4
  3. Id. 9, 9
  4. Exo. 32, 6