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pour les hommes et pour les femmes d’avoir un commerce criminel, même avec des personnes libres : cette loi prouve que c’est un péché d’avoir un commerce avec d’autres que le conjoint, puisque Moïse défend la prostitution, et les désordres infâmes commis avec ces femmes dont la honte est l’objet d’un trafic public. Le mot mœchia dans le Décalogue ne semble pas renfermer une défense formelle de la fornication[1], car mœchia ne désigne ordinairement que l’adultère. Aussi avons-nous dit alors notre sentiment à ce sujet[2].
XXXVIII. (Ib. 23, 17-18.) Du prix de la prostitution, qui ne peut être offert à Dieu.
– « Vous n’offrirez point dans la maison du Seigneur la récompense de la prostitution, ni le prix du chien, quelque vœu que vous ayez fait, parce que l’un et l’autre est abominable devant le Seigneur votre Dieu : » c’est-à-dire, parce que non pas l’une de ces choses, mais l’une et l’autre sont abominables devant le Seigneur votre Dieu. Moïse ne veut pas que le prix du chien serve au rachat des premiers-nés ; ce qu’il permet pour les autres animaux impurs, c’est-à-dire les chevaux, les ânes, et les autres bêtes de charge qui viennent en aide à l’homme, et qu’on nomme en latin jumenta, bêtes de somme, de juvando, parce qu’elles viennent en aide. Cette défense, qui concerne le chien, s’applique-t-elle au porc, et pourquoi ? Et si elle s’applique à tous les animaux de cette sorte, d’où vient que le chien est seul nommé ici ? Quant au salaire de la prostitution, s’il en est fait mention dans ce passage, c’est, à ce qu’il semble, parce que le Législateur venait de défendre qu’il y eût des femmes prostituées en Israël, ou quelque homme s’y livrant à un commerce infâme : dans la crainte qu’on n’imaginât que le prix de ces vices infâmes, offert dans le temple, pût servir à leur expiation, il a bien fallu dire que cela était abominable aux yeux du Seigneur.
XXXIX. (Ib. 24, 7.) Vous retrancherez le méchant ou le mal du milieu de vous : deux interprétations plausibles.
– « Ce voleur »c’est-à-dire celui qui a volé un de ses frères, « mourra, et vous ôterez le méchant du milieu de vous. » L’Écriture se sert constamment de cette manière de parler, quand elle prescrit de mettre à mort les méchants ; et l’Apôtre, lui aussi, l’emploie dans ce passage : « Car, pourquoi entreprendrai-je de juger ceux qui sont hors de l’Église ?n’est-ce pas de ceux qui sont dans l’Église que vous avez droit de juger ? Retranchez le méchant du milieu de vous[3]. » Le Grec porte : « τὸν πονηρὸν » comme ici : or, cette expression signifie plutôt d’ordinaire « le méchant » que « le mal » Nous lisons en effet non pas, « τὸ πονηρὸν » au neutre, ce qui veut dire « le mal » mais « τὸν πονηρὸν » au masculin, ce ; qui signifie « le méchant. » Le sens du passage précité est donc, apparemment, que celui qui a commis cette faute, est digne d’excommunication. L’excommunication, en effet, tient aujourd’hui dans l’Église la place que la peine de mort occupait en ce temps-là. Le texte de l’Apôtre pourrait cependant recevoir cette autre interprétation : Que chacun est obligé d’arracher le mal ou la méchanceté de son cœur. Sens qui serait admissible, si le grec portait le neutre au lieu du masculin : mais il est plus probable qu’il est question ici de l’homme, non du vice. Peut-être, cependant, a-t-on voulu, par un tour de phrase heureux, faire entendre que l’homme doit se débarrasser de l’homme mauvais, conformément à ces paroles : « Dépouillez-vous du vieil « homme » dont ces autres mots forment le commentaire : « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus[4]. »
XL. (Ib. 24, 8.) Les Prêtres étaient tous Lévites ; mais tous les Lévites n’étaient pas prêtres.
— « Toute la loi, telle que vous l’affirmeront par serment les prêtres Lévites. » On voit par ces paroles que tous les prêtres étaient Lévites ; cependant tout Lévite n’était pas prêtre pour cela.
XLI.(Ib. 24, 10-13) Sur le gage demandé au débiteur par le créancier.
– « Si quelque chose vous est due par votre prochain, vous n’entrerez point dans sa maison pour en emporter un gage : vous vous tiendrez dehors, et l’homme chez qui est ce qui vous est dû, vous portera le gage dehors. Que s’il est pauvre, vous ne dormirez pas avec son gage ; vous lui rendrez son vêtement vers le coucher du soleil, et il dormira dans son vêtement, et il vous bénira, et vous serez trouvés miséricordieux devant le Seigneur votre Dieu. » C’est avec raison qu’on voit une œuvre de miséricorde dans la conduite du créancier, qui n’entre pas dans la maison de son débiteur, de peur d’y apporter le trouble ; mais le débiteur n’en est pas moins obligé de donner lui-même sur le seuil de sa maison un gage au créancier. La

  1. Exo. 20, 14
  2. Exod. Quest. 71, 4
  3. 1Co. 5, 12-13
  4. Eph. 4, 22, 28