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accomplit l’œuvre de la Loi dans l’homme, et l’homme, de son côté, recevant par la foi la grâce divine, don du Testament nouveau, coopère au secours divin. Quand il est question des premières tables, il n’est fait mention que de l’ouvrage de Dieu, parce que la Loi est spirituelle, « la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon.[1] » Et s’il n’y est fait nullement mention de l’œuvre de l’homme, c’est que les hommes infidèles ne coopèrent pas à la grâce qui leur vient en aide, mais au contraire, « ne connaissant pas « la justice de Dieu, et s’efforçant d’établir la leur, ils ne se soumettent point à la justice de Dieu[2] : » aussi la Loi contient-elle leur condamnation, et c’est ce qui est marqué par le brisement des tables. Rien ne nous oblige donc à faire violence au texte, à sous-entendre que Dieu lui-même écrivit sur les tables, quand il est dit : « Moïse demeura là en présence du Seigneur, quarante jours et quarante nuits, sans manger de pain et sans boire d’eau, et il écrivit sur les tables les paroles de l’alliance[3] » le sens bien clair est que ce fut Moïse qui écrivit. Mais si précédemment Dieu promit d’écrire sur les tables[4], et si nous lisons dans le Deutéronome, non seulement qu’il en fit la promesse, mais encore qu’il la réalisât[5], c’était, en figure, ce qu’enseigne l’Apôtre : « Dieu lui-même opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir[6] » ce qui arrive dans ceux qui reçoivent la grâce par la foi, et qui loin de vouloir s’appuyer sur leur propre justice, se soumettent à la justice divine, afin d’être eux – mêmes la justice de Dieu en Jésus-Christ. L’Apôtre, en effet, établit ces deux choses : que Dieu opère, et que les hommes opèrent aussi de leur côté, car si les hommes s n’agissaient pas, de quel droit leur dirait-il : « Opérez votre propre salut avec crainte et tremblement[7] ? » Dieu donc opère, et nous, nous coopérons. Loin de le détruire, il aide le libre choix de la bonne volonté.
XVI. (Ib. 10, 8-9.) La tribu de Lévi, figure du sacerdoce royal de la loi nouvelle. – « En ce temps-là le Seigneur sépara la tribu de Lévi, afin qu’elle portât l’arche de l’alliance du Seigneur, qu’elle se tînt en sa présence, fit les fonctions sacrées et priât en son nom jusqu’à ce jour. C’est pourquoi les Lévites n’ont point de part avec leurs frères dans le pays qu’ils possèdent ; le Seigneur est lui-même leur partage, comme il l’a dit. » Si cette tribu de Lévi n’avait été la figure du sacerdoce royal et universel qui appartient au nouveau Testament, jamais un homme, étranger à cette tribu, n’aurait osé dire : « Le Seigneur est mon partage[8] » et encore : « Le Seigneur est la portion de mon héritage[9]. »
XVII. (Ib. 11, 20.) Forme hyperbolique d’une recommandation faite par le Seigneur. – Que signifie cette ordonnance de Moïse, relativement aux paroles du Seigneur : « Vous les écrirez sur les poteaux de vos maisons et de vos portes » puisqu’on ne voit pas, on ne lit pas que jamais Israélite ait suivi cette prescription à la lettre ? Cela d’ailleurs n’eût été possible, qu’à la condition de diviser et de mettre ces paroles dans un grand nombre d’endroits de la maison. Ne faut-il pas y voir une expression hyperbolique, comme il y en a tant ?
XVIII. (Ib. 12, 11.) Une contradiction à expliquer. – Comment se fait-il que Dieu défende de manger le premier de tous les fruits et les premiers-nés des troupeaux, à moins que ce ne soit dans la ville où sera le temple, puisqu’il a prescrit dans la Loi que ce serait la part des Lévites ?
XIX. (Ib. 13, 1-3.) Pourquoi Dieu tente : explication littérale. – « S’il s’élève parmi vous un prophète, ou quelqu’un qui ait une vision en songe ; et qu’il donne un signe ou un prodige, et que ce signe ou ce prodige ait son accomplissement, et qu’il vous dise : Allons, et servons les dieux étrangers qui vous sont inconnus : vous n’écouterez pas les paroles de ce Prophète, ou de cet homme qui a une vision en songe, parce que le Seigneur votre Dieu vous tente, pour savoir si vous aimez le Seigneur votre Dieu de tout votre, cœur et de toute votre âme. » Plusieurs interprètes latins n’ont pas traduit « pour savoir si vous aimez » mais « afin qu’il sache si vous aimez. » Il semble que le sens soit ici identique ; cependant « pour savoir », peut plus aisément se rapporter à ceux à qui s’adresse le discours ; « il vous tente pour savoir » signifie alors en vous tentant, il vous fait savoir. Moïse veut aussi évidemment faire entendre à son peuple que, si les prodiges annoncés par les faux prophètes se réalisent, il ne faut par pour cela faire ce qu’ils ordonnent, ni adorer ce qu’ils adorent. Dieu montre aussi que ces prodiges n’arrivent pas sans sa permission ; mais, comme pour aller au-devant de cette question : pourquoi donc alors les permet-il ? il donne la raison de

  1. Rom. 7, 12
  2. Id. 10, 3
  3. Exo. 34, 28
  4. Id. 1
  5. Deu. 10, 4
  6. Phi. 2, 13
  7. Id. 12
  8. Psa. 72, 26
  9. Id. 15, 5