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comme une grâce que Moïse lui servit de médiateur pour entendre le reste. Notre dernière ressource est donc d’admettre que « disant » a été mis pour : « lorsqu’il disait ; » ainsi le sens serait celui-ci : « Je me tenais alors entre le Seigneur et vous, pour vous annoncer les paroles du Seigneur ; car vous avez craint à la vue du feu, et vous n’êtes pas montés sur la montagne, lorsqu’il disait : Je suis le Seigneur ton Dieu. » Lorsqu’il disait, c’est-à-dire, lorsque le Seigneur disait. En effet, tandis que le Seigneur prononçait toutes ces paroles du Décalogue, rappelées par Moïse dans ce passage, le peuple fut épouvanté à la vue des flammes et ne monta point sur la montagne ; mais il demanda que les paroles de Dieu lui fussent de préférence apportées par Moïse[1].

3. La même pensée peut-être exprimée de plusieurs manières. – Moïse rappelle, dans le Deutéronome, ce que le peuple lui dit, lorsqu’il se refusait à entendre la voix de Dieu, et lui demandait d’être à son égard l’intermédiaire dont Dieu se servirait pour faire connaître ses volontés. « Voici, fait-il dire au peuple, que le Seigneur notre Dieu nous a montré sa gloire, et que nous avons entendu sa voix du milieu des flammes etc[2]. » Or, il n’y a pas identité parfaite entre ces paroles et celles de l’Exode[3], dont elles sont la répétition. Apprenons de là, comme je l’ai déjà observé à plusieurs reprises, qu’une même pensée peut être rendue en des termes tout à fait différents, sans qu’il y ait pour cela altération de la vérité : nous trouvons un autre exemple dans les paroles des Évangélistes, où des esprits superficiels et mal intentionnés signalent à tort quelques contradictions. Eût-il été si difficile à Moïse de se reporter à ce qu’il avait écrit dans l’Exode, et de se citer lui-même textuellement ? Mais il appartenait à nos Saints docteurs d’apprendre à ceux qu’ils instruisent, qu’il ne faut chercher dans des paroles que la traduction de la pensée, puisque les mots n’ont pas d’autre but.

XI. (Ib. 5, 29.) L’ancienne Alliance, gravée sur des tables de pierre ; la nouvelle Alliance, gravée dans les cœurs. – Que veulent dire ces paroles, qui, au témoignage de Moïse, lui furent adressées par le Seigneur, au sujet du peuple hébreu : « Qui leur donnera un cœur tel, qu’ils me craignent et qu’ils gardent mes commandements ? » Ne nous donnent-elles pas déjà à entendre, que la justice dans l’homme par la foi, au lieu d’être un fruit propre en quelque sorte de la Loi, est une grâce et un bienfait de Dieu ? C’est en effet ce que Dieu veut dire par ce mot d’un Prophète : « Je leur ôterai leur cœur de pierre, et je leur donnerai, un cœur de chair[4]. » Expression figurée, employée à dessein, parce que la chair est douée de la sensibilité, qui manque à la pierre. C’est ce qu’il dit encore en un autre endroit : « Le temps vient, dit le Seigneur, dans lequel je ferai une nouvelle alliance avec la maison d’Israël et la maison de Juda, non selon l’alliance que je fis avec leurs pères au jour où je les pris par la main pour les tirer de la terre d’Égypte ; car voici l’alliance que je ferai avec eux : après ce temps-là, je mettrai mes lois dans leur cœur et je les écrirai dans leur esprit, et je ne me souviendrai plus de leurs iniquités ni de leurs péchés[5]. » Telle est en effet la différence entre l’ancien et le nouveau Testament : dans l’Ancien, la loi a été donnée sur des tables de pierre ; dans le Nouveau, elle a été donnée à nos cœurs : ce qui est le fruit de la grâce. Aussi l’Apôtre observe-t-il qu’elle a été écrite « non sur des tables de pierre, mais sur les cœurs, comme sur des tables de chair[6]. » Et ailleurs : « Dieu nous a rendus capables d’être les ministres de la nouvelle alliance, non pas de la lettre, mais de l’esprit[7]. »

XII. (Ib. 6, 13.) Sur le serment. – Ce qui est dit du Seigneur : « Tu jureras en son nom » ne doit pas être pris pour un commandement de jurer, mais pour la défense de jurer au nom d’aucun autre Dieu. Il est préférable de ne point jurer du tout, conformément à l’Évangile[8] ; ce n’est pas cependant que le serment, quand il est vrai, soit mauvais, mais c’est que l’habitude de jurer peut facilement entraîner au parjure. Celui qui jure, peut aussi bien faire un serment faux qu’un serment vrai ; au lieu que celui qui s’abstient de tout serment, est tout à fait éloigné du parjure.

XIII. (Ib. 8, 2.) Quand Dieu éprouve son peuple, ce n’est pas pour connaître, mais pour faire connaître ce qui est caché dans les cœurs. – « Tu te souviendras de tout le chemin par lequel le Seigneur t’a conduit dans le désert, pour t’affliger et te tenter, afin de faire connaître ce qui était dans ton cœur, si tu observerais, ou non, ses commandements » Ce passage exprime plus

  1. Exo. 20, 18-19
  2. Deu. 5, 24
  3. Exo. 20, 19
  4. Eze. 11, 19 ; 36, 26
  5. Jer. 31, 31-34
  6. 2Co. 3, 3
  7. Id. 6
  8. Mat. 5, 31