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de l’Apocalypse[1], met son bonheur à accuser. Cette expression se retrouve dans une comédie, ce qui démontre qu’il est latin, avec une signification identique ou certainement approchante ; « Il espère, dit-on à un fils contre lequel le père est irrité, avoir trouvé une harangue qui te remue d’importance, differat te[2]. » Or, on donne ordinairement à differat, employé dans ce passage, le sens de : balloter en quelque sorte de côté et d’autre au milieu d’une tempête de paroles, déchirer, mettre en pièces : résultat que le père devait obtenir, ce semble, en accusant son fils. Cependant, si nous admettons que differat eum in via, signifie que l’ange arrêta Balaam dans sa marche précipitée, afin de lui faire entendre les leçons dont il avait besoin, cette autre interprétation ne sera point à mépriser.
L. (Ib. 22, 23-29.) Balaam et son ânesse. – L’ânesse ayant vu l’Ange de Dieu, qui se tenait debout dans le chemin, ayant à la main une épée nue, se détourna du chemin, et allait à travers champs. » Ces champs bordaient le chemin avant qu’on arrivât aux vignes enfermées de murailles. « Et il frappa l’ânesse du bâton, afin de la ramener dans le chemin. Et l’Ange de Dieu se tint dans les sillons des vignes, une muraille d’un côté, et une de l’autre. » Si des murailles s’élevaient de chaque côté du chemin, comme c’est l’ordinaire, on demande, et avec raison, comment l’Écriture peut dire que l’ange s’y tenait, et en même temps dans les sillons des vignes. Car ces sillons ne pouvaient être dans le chemin entre les murailles. Mais voici la disposition qu’il faut donner aux mots : « afin de la ramener dans le chemin bordé de murailles d'un côté et de l’autre. » Balaam voulait donc forcer son ânesse à marcher dans le chemin bordé de murs de chaque côté. Les paroles suivantes ont été intercalées dans le texte : « Et l’ange de Dieu se tint dans les sillons des vignes » c’est-à-dire, dans une des vignes qui aboutissaient au chemin. « L’ânesse ayant vu l’ange de Dieu se serra contre le mur : » évidemment contre le mur de la vigne où n’était pas l’ange, qui se tenait de l’autre côté dans le sillon des vignes. « Et elle pressa le pied de Balaam contre le mur, et il continua de la frapper. Et l’ange s’avança et se tint dans un lieu étroit ; » il n’était plus alors dans les sillons des vignes, mais entre les murailles, dans le chemin ; « où il n’y avait moyen de se détourner ni à droite ni à gauche. L’ânesse ayant vu l’ange de Dieu, s’affaissa, sous Balaam. » Accablée de coups, elle ne pouvait aller en arrière ; elle ne se pressait pas non plus contre une muraille, parce qu’elle n’était pas menacée de l’autre côté, et que l’ange était au milieu du chemin dans un endroit resserré : elle ne pouvait donc que s’arrêter. « Alors Balaam, transporté de colère, frappait son ânesse avec un bâton. Et Dieu ouvrit la bouche de l’ânesse, et elle dit à Balaam : Que t’ai-je fait, pour que tu me frappes encore une troisième fois ? Et Balaam dit à l’ânesse : Parce que tu t’es moquée de moi ; et si j’avais en main une épée, je t’aurais déjà transpercée. » Telle est la passion de Balaam, qu’il n’est pas effrayé d’un si grand prodige, et qu’il répond comme s’il conversait avec un homme, tandis que Dieu assurément n’avait point transformé l’ânesse en un être raisonnable, mais lui faisait prononcer les paroles qu’il voulait, pour confondre la folie de son maître : c’était peut-être une figure de ce que Dieu devait faire un jour, choisissant ce qu’il y a d’insensé pour confondre les sages[3], en faveur de l’Israël spirituel et véritable, cet autre enfant de la promesse.
LI. (Ib. 23, 5.) FACTUS EST mis pour FACTUM EST UT. – « Et l’Esprit de Dieu fut fait sur lui » factus est, c’est-à-dire sur Balaam. L’Esprit de Dieu n’a pas été fait, il n’est pas un être créé, mais il a été fait sur lui, en d’autres termes, il arriva, factum est, qu’il fut sur lui. C’est dans le même sens qu’il est écrit : « Celui qui vient après moi, a été fait avant moi,[4] » c’est-à-dire, il était avant moi, il m’a été préféré, « car, ajoute le texte, il était avant que je fusse. » Et encore : « Le Seigneur est devenu mon secours [5] » le Seigneur en réalité n’est pas devenu tel ; cela veut dire : il est arrivé que le Seigneur m’a fait sentir son secours. « Le Seigneur, est-il dit aussi, est devenu le refuge des pécheurs, factus est[6] » c’est-à-dire il est arrivé, factum est, que les pécheurs se réfugiaient en lui. Et enfin : « La main du Seigneur se fit sur moi,[7] » en d’autres termes, il arriva que la main du Seigneur était sur moi. L’Écriture offre beaucoup d’autres exemples semblables.
LII. (Ib. 25, 4,7,8.) Punition exemplaire de l’idolâtrie et de la fornication par Phinées. – « Le Seigneur dit à Moïse : Prends les chefs du peuple, et expose-les

  1. Apo. 11, 9-10
  2. Térence, Andr. act. 2, scène. 4.
  3. 1Co. 1,27
  4. Jn. 1, 30
  5. Psa. 29,11
  6. Id. 9, 10
  7. Eze. 1, 3 ; 3, 22