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ce sujet ? et qui ne se sentirait très-vivement excité à sonder les profondeurs de ce mystère ? « Le Seigneur parla encore à Moïse et à Aaron, et leur dit : Voici la distinction de la Loi entre toutes les choses que le Seigneur a établies. » Il est évident qu’une distinction ne se produit qu’entre deux ou plusieurs objets : une chose ne peut être distinguée d’elle-même. Or, il n’est pas question ici d’une distinction par rapport à un objet quelconque, puisque l’Écriture ajoute ce mot : « de la Loi ; » ni par rapport à une loi particulière, quelle qu’elle soit ; car, quand l’Écriture formule une loi, elle se sert toujours des expressions suivantes : Voici la loi de telle ou telle chose ; ce qui montre que cette loi n’est pas la Loi générale, où sont contenus tous les commandements ; tandis que, dans ce passage, après avoir dit : « Voici la distinction de la Loi » le texte ajoute : « entre toutes les choses que le Seigneur a établies » non pas évidemment dans la création, mais dans ses commandements. Aussi plusieurs des nôtres ont-ils traduit : « entre tout ce que le Seigneur a commandé. » Si donc cette distinction se produit entre tout ce que le Seigneur a prescrit par la Loi, il n’est pas douteux qu’elle ne soit d’une grande importance et l’on doit voir ici la distinction qui existe entre les deux Testaments. Ce sont, il est vrai, les mêmes objets dans l’Ancien et dans le Nouveau ; mais dans l’un, c’est l’ombre et la figure ; dans l’autre, la révélation et le plein jour de la vérité. Il y a de la différence, non seulement dans les Sacrements, mais encore dans les promesses. Là, Dieu propose des récompenses temporelles, figure mystérieuse de la récompense spirituelle ; ici, ses promesses sont évidemment spirituelles et éternelles à la fois. Mais où voyons-nous, entre les biens temporels et charnels d’une part, et les biens spirituels et éternels de l’autre, une ligne de séparation plus certaine et plus frappante que dans la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? Sa mort nous dit assez que la félicité terrestre et passagère n’est pas la grande récompense que nous devons désirer et espérer du Seigneur notre Dieu : car en condamnant son Fils unique à souffrir si cruellement, Dieu distingue manifestement cette félicité, du bonheur que nous devons lui demander et attendre de lui L’immolation de la génisse rousse, racontée dans l’Écriture, est donc un symbole assez frappant de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ligne de démarcation entre les deux Testaments.
2. « Le Seigneur parla à Moïse et à Aaron, et leur dit : Voici la distinction de la Loi entre toutes les choses que le Seigneur a établies : » puis viennent les ordres de Dieu : « Parle, dit-il, aux enfants d’Israël. » La phrase peut encore être construite de la manière suivante : « Le Seigneur parla encore à Moïse et à Aaron, et leur dit : Voici la distinction de la Loi, entre toutes les choses que le Seigneur a établies quand il disait. » Il n’est pas question ici des choses que Dieu a établies, quand il créait, par exemple, le Ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, mais de tout ce qu’il a établi par sa parole, c’est-à-dire dans les deux Testaments ; puis nous lisons : « Parle aux enfants d’Israël, et qu’ils t’amènent une génisse rousse sans défaut. » La génisse rousse est l’image de la chair du Christ ; son sexe marque l’infirmité de la chair, et sa couleur, le sang de la passion. Ces mots : « qu’ils te l’amènent » nous montrent dans Moïse la personnification de la Loi : car les Juifs se sont imaginé être fidèles à la Loi quand ils ont mis le Christ à mort, pour avoir, suivant eux, profané le sabbat et violé les observances légales. Il n’est pas étonnant que cette génisse doive être exempte de défaut ; car les autres victimes destinées au sacrifice devaient être aussi sans défaut, et toutes figuraient avec elle la chair du Christ. Or, cette chair, semblable à la chair de péché, n’était pas cependant une chair de péché[1]. Mais dès lors que Dieu a voulu établir clairement ici la distinction de la Loi, c’était peu de dire que la génisse devait être sans défaut, si l’Écriture n’eût ajouté « qu’elle n’aura pas de défaut en elle : » cette répétition n’a pas été peut-être placée là sans dessein, car, en insistant sur le même fait, elle eu est une confirmation sérieuse. Il est cependant une autre interprétation, qui ne s’éloigne pas de la vérité : si l’Écriture dit d’abord que « la génisse sera exempte de défaut » et ensuite « qu’elle n’aura pas de défaut en elle » cela signifierait que la chair personnelle du Christ n’a pas eu de défaut, mais qu’elle en a eu dans les autres, qui sont ses membres. Quelle est en effet, dans cette vie, la chair exempte de péché, sinon celle-là seule qui n’a pas de défaut en soi ? « Et le joug n’a pas été posé sur elle. » La chair du Christ n’a point en effet porté le joug de l’iniquité, elle est venue opérer la délivrance de ceux qu’elle y a trouvés soumis et elle a brisé leurs fers, suivant ces paroles qui

  1. Rom. 8, 3