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a-t-elle voulu la renouveler encore à la suite de ces prescriptions ? Est-ce dans la crainte que ce qu’elle a dit précédemment ne soit pris dans un sens figuratif, ou bien que placée ici, cette défense aura la force des lois prohibitives, demeurées certainement obligatoires même sous la Loi nouvelle, après que les ombres des anciennes observances se sont dissipées ? Dieu semble avoir eu cet objet en vue dans les révélations d’Ézéchiel : car, entre les péchés.quiconstituent, non une faute figurative, mais une iniquité réelle et manifeste, le prophète mentionné la faute de l’homme qui s’approche d’une femme dans ses mois ; et parmi les mérites du juste, l’abstention de cette faute [1]. En cela, Dieu ne condamne pas l’œuvre de la nature, mais il défend le péché qui nuit à la conception de l’enfant.
LXV. (Ib. 18, 20.) Sur l’adultère.—« Tu ne t’approcheras point de la femme de ton prochain pour en avoir des enfants et te souiller avec elle. » Nouvelle défense de l’adultère qui se commet avec la femme du prochain : cette défense était déjà renfermée dans le Décalogue[2]. Il semble par conséquent qu’elle a pour but d’empêcher de prendre en mariage, même après la mort de leurs maris, les femmes dont la loi ne veut pas qu’on découvre la honte.
LXVI. (Ib. 18, 21.) Défense d’adorer le prince. – « Tu ne donneras point de tes enfants pour servir le prince. » Je ne vois pas que ce passage puisse s’interpréter autrement que d’un prince adoré comme un Dieu. Car, au lieu de douleuein, le grec porte ici λατρεύειν, que le latin traduit ordinairement par le verbe servire, mais dont le sens est bien différent. En effet, servir les hommes comme font les esclaves, ce qui se rend en grec par douleuein, et non par λατρεύειν, l’Écriture ne le défend pas ; tandis que servir, dans le sens de douleuein est point dû aux hommes, mais à Dieu seul, suivant ce mot de l’Écriture : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul[3]. » Mais ce qui prouve qu’il s’agit dans ce passage d’un prince à qui l’on rend un culte pareil à celui qu’on rend à Dieu, ce n’est pas seulement le choix de ce verbe λατρεύειν, mais encore ce qui suit dans le texte : « Et tu ne profaneras pas le saint nom », soit de Dieu, dont le peuple rendrait à un prince ce culte coupable ; soit du peuple d’Israël lui-même, à qui il a été dit : « Soyez saints, parce que je suis saint. » C’est donc avec infiniment de raison que Dieu ajoute : « Je suis le Seigneur[4] : » c’est-à-dire, le service qu’on rend à Dieu, n’est dû qu’à lui seul.
LXVII. (Ib. 18, 25.) Sur les péchés infâmes. – Ces paroles de l’Écriture : « Et la terre eut horreur de ceux qui l’habitent », à cause de leurs crimes, dont elle vient de faire l’énumération, ne doivent pas s’entendre en ce sens que la terre soit capable d’éprouver des sentiments et de l’horreur ; mais la terre signifie ici les hommes qui en sont les habitants. Lors donc que des hommes se rendent coupables de pareils crimes, ils souillent la terre, en souillant ceux qui les imitent ; et la terre les a en horreur, parce qu’ils ; sont un sujet d’effroi pour les hommes qui sont purs de toutes ces infamies,

LXVIII. (Ib. 19, 11.) Sur le mensonge. – « Vous ne déroberez point, vous ne mentirez point, et personne ne fera de calomnie contre son prochain. » La défense relative au vol se trouve dans le Décalogue. Je serais étonné que ces autres prohibitions : « Vous ne mentirez « point, et personne ne fera de calomnie, contre son prochain », ne fussent aussi contenues dans ce commandement du Décalogue : « Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain[5] : » car il ne peut pas y avoir de calomnie sans mensonge, et le mensonge est renfermé dans l’idée générale de faux témoignage. Mais ce qu’il y a de mal dans ces actions peut-il être compensé par un bien qui autorise à les faire ? Question d’une haute importance. C’est une persuasion presque universelle qu’il est permis de mentir pour sauver sa vie, quand ce mensonge ne nuit à personne. Peut-on en dire autant du vol ? N’est-il pas permis de dérober, lorsque le vol ne fait tort à personnel Cela est parfaitement permis, quand on se propose le bien de celui que l’on vole : ainsi, par exemple, si quelqu’un veut se donner la mort, il est permis de lui prendre son épée. Quant à la calomnie, je ne sais sil est possible d’en user contre quelqu’un pour son bien : à moins qu’on n’admette, par exemple, que Joseph cri accusant faussement ses frères, d’avoir volé sa coupe et d’être des espions, se proposait de leur procurer dans la suite une grande joie[6]. Si nous essayons de préciser ces choses, peut-être nous sera-t-il

  1. Lev. 18, 6 ; 22, 10
  2. Exo. 20, 14
  3. Deu. 6, 13
  4. Lev. 11, 44, 2 ; 19 ; 1Pi. 1, 16
  5. Exo. 20, 15-16
  6. Gen. 44, 5 ; 42, 9, 14