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à qui j’aurai fait miséricorde », ou selon d’autres interprètes, « envers qui j’aurai été miséricordieux » faut-il voir la répétition de ce qui précède, ou bien quelque chose de différent ? Je l’ignore. Car ce que le grec exprime en deux mots eleeso et oikteireso, qui semblent n’avoir qu’une seule et même signification, le latin ne peut le rendre par des mots différents, et c’est avec une variante de forme qu’il exprime la même pensée de miséricorde. Si le texte portait : « Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde » et : « Je ferai miséricorde à qui j’aurai fait miséricorde » il semblerait que cette rédaction est imparfaite. La répétition employée ici, rend cependant le sens avec plus de force : car, ou bien Dieu s’est servi de cette répétition pour mieux affermir sa miséricorde, comme quand il est dit : l’amen, amen, fiat, fiat ; le double songe de Pharaon, et plusieurs autres exemples semblables pourraient être cités à l’appui. Ou bien encore dans la bouche de Dieu, c’est l’annonce de la miséricorde qu’il doit exercer envers les deux peuples, je veux dire les Gentils et les Hébreux. C’est ce que dit l’Apôtre : « Comme autrefois vous ne croyiez pas en Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde à l’occasion de l’incrédulité des Juifs ; ainsi à présent les Juifs n’ont pas cru à la miséricorde que vous avez reçue, afin qu’ils obtiennent eux-mêmes miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les peuples dans l’incrédulité, afin d’exercer sa miséricorde envers tous.[1] »
5. La vision de Dieu est réservée au Ciel. – Après cet éloge de sa miséricorde, Dieu répond à cette prière de Moïse : « Montrez-moi votre gloire » ou à cette autre demande qu’il lui avait faite précédemment : « Montrez-vous vous-même à moi, afin que je vous voie clairement. »
— « Tu ne pourras, lui dit-il, voir mon visage : car nul homme ne le verra sans mourir[2]. » Il nous enseigne par là qu’il ne peut être vu de nous tel qu’il est, pendant cette vie, qui se passe dans les sens mortels d’une chair corruptible ; mais qu’il est visible dans cette autre vie, où il n’est donné de vivre, qu’à celui qui es mort à la vie de ce monde.
6. Le lieu où Dieu appelle Moïse, image de l’Église. – Nous lisons ensuite dans l’Écriture : « Le Seigneur dit encore » et voici la suitede.sondiscours : « Il y a un lieu où je suis[3]. » Or, en quel lieu Dieu n’est-il pas, puisqu’il n’est absent pour aucun endroit de la terre. Dans ces paroles : « Il y a un lieu où je suis » c’est l’Église qu’il signale et qu’il nous signale comme son temple. « Et, ajoute-t-il, tu te tiendras sur la pierre. » C’est « sur cette pierre, dit le Seigneur, que je bâtirai mon Église[4]. » – « Aussitôt que ma gloire passera », ce qui veut dire du te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera ; car après le passage du Christ, en d’autres termes après sa passion et sa résurrection, le peuple fidèle est tenu sur la pierre. Nous lisons encore ; « Et je te mettrai dans la caverne de la pierre » ce qui signifie une position inébranlable. Plusieurs traduisent dans l’échauguette de la pierre ; mais le grec porte open, expression que nous rendons mieux par creux ou caverne.Moïse type des Juifs convertis après la résurrection de Jésus-Christ. – « Je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé ; ensuite je retirerai ma main, et alors tu me verras par-derrière, mais tu ne verras pas mon visage. » Dieu ayant dit : « Tu te tiendras sur la pierre aussitôt que ma gloire passera » ceci impliquait la promesse de la stabilité sur la pierre après le passage de Dieu. Comment donc interpréter ce qui suit : « Je te mettrai dans la caverne de la pierre, et je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé ; puis je retirerai ma main et alors tu me verras par-derrière. » Ici il semble que Moïse se tient déjà sur la pierre ; Dieu le couvre de sa main, et c’est ensuite qu’il passe, tandis que Moïse ne pouvait être sur la pierre qu’après le passage de Dieu. Mais il faut voir dans ce passage une de ces transpositions qu’on rencontre si fréquemment dans l’Écriture. Elle amis après ce qui devait être avant. Le récit doit marcher dans l’ordre suivant : « Je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé, et alors tu me verras par-derrière : car tu ne verras pas mon visage ; et tu te tiendras sur la pierre, aussitôt que ma gloire passera, et je te mettrai dans la caverne de la pierre. » C’est en effet ce qui se réalise dans la personne de ceux que représentait Moïse, je veux dire, dans les Israélites, qui au rapport des Actes des Apôtres, crurent ensuite au Seigneur Jésus, c’est-à-dire aussitôt que sa gloire fut passée. Après sa Résurrection d’entre les morts et son Ascension au Ciel, il envoya le Saint-Esprit ; et au moment où les Apôtres parlaient les langues de tous les peuples, plusieurs d’entre ceux qui crucifièrent le Christ « furent « touchés de componction en leur cœur[5] » une portion d’Israël, en effet, était tombée dans l’aveuglement[6], selon cette parole : « Je te couvrirai de ma main, jusqu’à ce que je sois passé » et ils méconnurent et crucifièrent le Seigneur de la gloire. Ce qui fait dire au Psalmiste : « Le jour et la nuit, votre main s’est appesantie sur moi[7]. »Le jour, c’est le temps où le Christ opérait ses miracles divins ; la nuit, c’est le moment de sa mort

  1. Rom. 11, 30-32
  2. Ex. 33, 20
  3. Id. 21
  4. Mt. 16, 18
  5. Act. 2, 37
  6. Rom. 11, 25
  7. Ps. 30, 1, 4-5