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qui renferment la condamnation du culte des faux dieux. Ils ne trouvent, au contraire, qu’un seul précepte dans ces paroles : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain » et tout ce qui suit jusqu’à la fin. Mais ceux qui adoptent la seconde classification ne voient qu’un commandement dans le précepte de n’adorer que Dieu et la défense de rendre à aucune créature le culte qui est dû à lui seul ; suivant eux il y a au contraire, deux commandements dans les dernières paroles du Décalogue : l’un exprimé par ces mots : « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain » l’autre par ceux-ci : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. » Néanmoins tous s’accordent à reconnaître dix commandements, parce que l’Écriture le dit en termes exprès.
2. Pour moi, je regarde comme préférable la seconde classification, parce que les trois préceptes qui ont Dieu pour objet apparaissent, quand on y regarde attentivement, comme un symbole de la Trinité. À vrai dire, qu’est-ce que la défense du culte des idoles, sinon une sorte de commentaire de ces paroles : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ? » Quant à la convoitise de la femme du prochain et à la convoitise de la maison du prochain, ce sont deux péchés de nature différente, car à ces mots : « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain » l’Écriture ajoute immédiatement ceux-ci : « ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni sa bête de somme, ni aucun de ses animaux, ni quoique ce soit qui appartienne à ton prochain. » On voit que la convoitise de la femme d’un autre diffère essentiellement de la convoitise de la maison du prochain, parce que chacune de ces prescriptions commence de la même manière : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain ; Tu ne désireras pas la maison de ton prochain » tandis que les paroles qui suivent ne forment qu’un tout avec ce dernier commandement. Après avoir dit : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain » l’Écriture n’ajoute pas : ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur, et le reste ; elle n’unit ensemble que ce qui forme un seul commandement et le sépare du précepte où il est question de la femme du prochain. Mais quand il est dit : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi » ce qui suit paraît n’être que le développement exact de la même pensée. « Tu ne te feras pas d’idole, ni aucune image de tout ce qui est en haut dans le ciel, et en bas sur la terre, ni de tout ce qui est dans l’eau sous la terre ; tu ne les adoreras point et tu ne leur rendras point de culte » à quoi tout cela se rapporte-t-il, si ce n’est à ce commandement : « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi ? »
3. On demande encore quelle différence il y a entre ces mots : « Tu ne déroberas point » et la défense qui est faite, un peu plus bas, de désirer les biens du prochain. Sans doute on n’est pas voleur, parce qu’on désire le bien d’autrui ; mais si tout voleur sent en lui ce désir, la défense de voler pouvait donc être comprise dans la défense générale de convoiter le bien du prochain. De même, quelle différence entre ces mots : « Tu ne commettras point d’adultère » et ceux-ci qui viennent un peu après : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain ? » En disant ; « Tu ne commettras pas d’adultère » ne comprenait-on pas l’un et l’autre ? Mais peut-être la double défense de voler et de commettre l’adultère regarde-t-elle les actes extérieurs ; tandis que les autres prescriptions se rapportent à la convoitise de l’âme ; deux choses tout à fait différentes. Car on peut se rendre coupable d’adultère, sans désirer la femme de son prochain, en commettant le mal avec elle pour tout autre motif ; comme on peut le désirer, mais ne pas en venir à l’acte coupable, par là crainte du châtiment. La Loi a peut-être voulu faire voir qu’il y a péché dans l’un et l’autre cas.
4. On demande aussi ordinairement si la fornication est comprise dans le mot mœchia, adultère, mot grec que l’Écriture a latinisé. Les Grecs ne désignent sous cette expression que les hommes adultères. Cependant la Loi n’a pas été donnée pour les hommes à l’exclusion des femmes. Parce qu’il est écrit : « Tu ne désireras pas la femme de ton prochain » la femme ne doit pas se croire en dehors de la Loi ni autorisée à désirer l’homme de sa voisine. Si donc le texte de la Loi qui parle de l’homme, s’applique également à la femme, quoiqu’il ne la nomme pas, à combien plus forte raison ce commandement : « Tu ne commettras point d’adultère » regarde-t-il les deux sexes, puisqu’il peut s’appliquer à l’un et à l’autre, de même que ces préceptes : « Tu ne tueras point, tu ne déroberas point » et autres semblables qui ne désignant point de sexe, se rapportent à tous les deux. Cependant quand il y en a un de nommé, c’est le plus noble,